Interview
Catherine Anne
“Le moment du théâtre ne va pas forcément de soi”
Dans quelques semaines, elle signera la mise en scène de sa dernière pièce, "Du même ventre", au Théâtre de l'Est Parisien. À la tête de ce lieu depuis 2002, Catherine Anne défend l'idée d'un théâtre vivant, ouvert, accessible...
Du même ventre traite du destin croisé de la fratrie Claudel. Quel est l'enjeu de cette fiction construite à partir de vies réelles ?
J'envisage cette pièce comme un combat à trois nourri de douleurs, d'amours inaccomplies et de désir de vie. Camille, Louise et Paul Claudel ont été élevés par des parents en désaccord perpétuel, partageant ainsi les silences des paroles que l'on aimerait tant dire ou tant entendre. Dans cette histoire à trois, il y a l'irruption de deux vocations artistiques et de passions amoureuses interdites, qui affrontent la norme morale et bien-pensante. On connaît l'issue de leur combat. Ce qui me paraît passionnant, c'est de tenter d'en comprendre le déroulement. Entre le début de l'âge adulte de ces trois jeunes gens et l'exclusion de Camille.
Est-ce que le fait de diriger un théâtre a changé votre rapport à l'écriture ?
Oui, sans doute. Car cette fonction revient, en quelque sorte, à diriger une petite entreprise. C'est une activité excessivement prenante qui demande une attention de tous les jours pour ne pas se laisser déborder et perdre le contact avec ce que l'on est réellement. Et ce que je suis est très lié à l'écriture. Si un jour je ne peux plus écrire, par manque de temps ou bien parce que je n'ai plus accès à cela, il y aura un problème...
En ce qui vous concerne, écrire est donc plus important que mettre en scène ?
Oui, c'est pour moi à la fois plus difficile et plus profond. Cela fait appel à des choses plus essentielles : essayer de sortir de soi, de faire silence pour trouver les mots qui éclairent.
Pourquoi avoir envisagé, un jour, de prendre sur votre temps de création pour diriger un théâtre ?
Au départ, il y avait l'envie de travailler sur la continuité, d'établir des relations régulières avec un public, de faire du théâtre pour toutes sortes de gens et non pour les seuls théâtreux. Car, en jouant sans cesse dans des lieux différents, on n'a pas de contacts sur plusieurs saisons avec un même public. Et c'est pourtant quelque chose de très précieux.
Vous avez donc centré votre projet artistique sur une forte implication locale...
Oui, parce que je me suis rendu compte, en travaillant en résidence durant un an au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, que la population locale, sans être forcément amateur de théâtre, pouvait être touchée par ce que j'avais envie d'écrire et de montrer sur scène. C'est à partir de là qu'est née mon envie de créer un lieu où l'on ne présente que des pièces d'auteurs vivants, où l'écrivain soit central dans la réflexion et dans la vie du théâtre. Également un lieu où l'on propose autant de spectacles pour jeune public que pour adultes. Car le phénomène d'entraînement des enfants permet d'amener au théâtre de nouveaux parents. Quitte à ce que, finalement, ils n'aiment pas ça... Mais j'aimerais, au moins, que le plus de personnes possible y aient goûté deux ou trois fois.
En quoi le Théâtre de l'Est Parisien est-il un lieu propice à un tel projet ?
Je crois, tout d'abord, que je n'aurais pas pu mener cette politique-là dans un centre dramatique en situation de monopole dans sa ville. Quels que soient mon entêtement et ma certitude qu'il existe un véritable enjeu non seulement esthétique, mais aussi vital sur le théâtre qui s'écrit aujourd'hui, je suis parfaitement consciente que, dans l'état actuel du théâtre public en France, mes envies sont excessives. Évidemment, à Paris, le problème ne se pose pas. Et puis, l'environnement du Théâtre de l'Est Parisien m'a semblé particulièrement approprié pour créer un théâtre vivant et accessible. Car le 19e arrondissement est un quartier à la population très diverse, issue d'histoires culturelles et sociales très différentes.
Qu'entendez-vous par "théâtre accessible" ?
Un théâtre dans lequel on ose entrer sans se sentir rejeté, sans payer trop cher, et une fois qu'on est dans la salle, un théâtre qui présente des spectacles que l'on puisse comprendre. Parce que trop souvent, sur les scènes publiques, on néglige le rapport de l'écriture à l'écoute du spectateur. Ceci, parce que l'on part d'un "ça va de soi". Or, le moment du théâtre ne va pas forcément de soi. La relation entre ces gens qui se dressent sur une scène, pour dire des mots dans la lumière, et ces gens qui les écoutent dans la pénombre, est l'un des enjeux les plus passionnants du théâtre. Je pense qu'il est primordial de questionner ce point-là, à la fois dans l'écriture et dans la représentation.
Manuel Piolat Soleymat
J'envisage cette pièce comme un combat à trois nourri de douleurs, d'amours inaccomplies et de désir de vie. Camille, Louise et Paul Claudel ont été élevés par des parents en désaccord perpétuel, partageant ainsi les silences des paroles que l'on aimerait tant dire ou tant entendre. Dans cette histoire à trois, il y a l'irruption de deux vocations artistiques et de passions amoureuses interdites, qui affrontent la norme morale et bien-pensante. On connaît l'issue de leur combat. Ce qui me paraît passionnant, c'est de tenter d'en comprendre le déroulement. Entre le début de l'âge adulte de ces trois jeunes gens et l'exclusion de Camille.
Est-ce que le fait de diriger un théâtre a changé votre rapport à l'écriture ?
Oui, sans doute. Car cette fonction revient, en quelque sorte, à diriger une petite entreprise. C'est une activité excessivement prenante qui demande une attention de tous les jours pour ne pas se laisser déborder et perdre le contact avec ce que l'on est réellement. Et ce que je suis est très lié à l'écriture. Si un jour je ne peux plus écrire, par manque de temps ou bien parce que je n'ai plus accès à cela, il y aura un problème...
En ce qui vous concerne, écrire est donc plus important que mettre en scène ?
Oui, c'est pour moi à la fois plus difficile et plus profond. Cela fait appel à des choses plus essentielles : essayer de sortir de soi, de faire silence pour trouver les mots qui éclairent.
Pourquoi avoir envisagé, un jour, de prendre sur votre temps de création pour diriger un théâtre ?
Au départ, il y avait l'envie de travailler sur la continuité, d'établir des relations régulières avec un public, de faire du théâtre pour toutes sortes de gens et non pour les seuls théâtreux. Car, en jouant sans cesse dans des lieux différents, on n'a pas de contacts sur plusieurs saisons avec un même public. Et c'est pourtant quelque chose de très précieux.
Vous avez donc centré votre projet artistique sur une forte implication locale...
Oui, parce que je me suis rendu compte, en travaillant en résidence durant un an au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, que la population locale, sans être forcément amateur de théâtre, pouvait être touchée par ce que j'avais envie d'écrire et de montrer sur scène. C'est à partir de là qu'est née mon envie de créer un lieu où l'on ne présente que des pièces d'auteurs vivants, où l'écrivain soit central dans la réflexion et dans la vie du théâtre. Également un lieu où l'on propose autant de spectacles pour jeune public que pour adultes. Car le phénomène d'entraînement des enfants permet d'amener au théâtre de nouveaux parents. Quitte à ce que, finalement, ils n'aiment pas ça... Mais j'aimerais, au moins, que le plus de personnes possible y aient goûté deux ou trois fois.
En quoi le Théâtre de l'Est Parisien est-il un lieu propice à un tel projet ?
Je crois, tout d'abord, que je n'aurais pas pu mener cette politique-là dans un centre dramatique en situation de monopole dans sa ville. Quels que soient mon entêtement et ma certitude qu'il existe un véritable enjeu non seulement esthétique, mais aussi vital sur le théâtre qui s'écrit aujourd'hui, je suis parfaitement consciente que, dans l'état actuel du théâtre public en France, mes envies sont excessives. Évidemment, à Paris, le problème ne se pose pas. Et puis, l'environnement du Théâtre de l'Est Parisien m'a semblé particulièrement approprié pour créer un théâtre vivant et accessible. Car le 19e arrondissement est un quartier à la population très diverse, issue d'histoires culturelles et sociales très différentes.
Qu'entendez-vous par "théâtre accessible" ?
Un théâtre dans lequel on ose entrer sans se sentir rejeté, sans payer trop cher, et une fois qu'on est dans la salle, un théâtre qui présente des spectacles que l'on puisse comprendre. Parce que trop souvent, sur les scènes publiques, on néglige le rapport de l'écriture à l'écoute du spectateur. Ceci, parce que l'on part d'un "ça va de soi". Or, le moment du théâtre ne va pas forcément de soi. La relation entre ces gens qui se dressent sur une scène, pour dire des mots dans la lumière, et ces gens qui les écoutent dans la pénombre, est l'un des enjeux les plus passionnants du théâtre. Je pense qu'il est primordial de questionner ce point-là, à la fois dans l'écriture et dans la représentation.
Manuel Piolat Soleymat
Paru le 28/04/2006
DU MÊME VENTRE THÉÂTRE DE L'EST PARISIEN Du jeudi 27 avril au samedi 3 juin 2006
COMÉDIE DRAMATIQUE. Ils étaient trois. Un frère, deux sœurs. Grandis ensemble dans une maison pleine de cris. Élevés par des parents en désaccord perpétuel. Ils étaient trois. Ils ont vécu les disputes, les tensions, l’absence de douceur. Ils ont deviné les fêlures, les secrets, les douleurs que leurs parents croyaie...
|