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Isabelle Nanty
© Carole Bellaiche
Portrait par Manuel Piolat Soleymat
Isabelle Nanty
metteur en scène de « Cravate Club » à la Gaîté Montparnasse

Révélée au grand public par son rôle de " mamie-sitter " dans Tatie Danielle (elle obtient à cette occasion une nomination pour le césar du meilleur espoir féminin), Isabelle Nanty est en perpétuelle quête d'authenticité. À la fois comédienne et metteur en scène, elle place l'humain au centre de ses projets artistiques.
" Moi, je crois à la confiance donnée, reçue, partagée. Et elle donne des ailes, cette confiance-là ! Je n'ai pas de rancœur, aucune revanche à prendre. Il faut dire que mon cerveau a une grande capacité de sélection, il ne garde que les choses positives. " Isabelle Nanty ne vit pas dans le passé. Ni dans le futur, d'ailleurs. C'est le présent qui l'intéresse. Directe, instinctive, naturelle, elle sait parler simplement des choses qui lui tiennent à cœur : de sa vie, de ses expériences théâtrales et cinématographiques.

Elle mène sa carrière avec philosophie et décontraction, à mille lieues des calculs opportunistes. Ce qui compte pour elle, ce sont les évidences. Évidences des rôles, des univers artistiques, mais peut-être surtout évidences des échanges humains. " J'accepte complètement de ne pas être choisie pour un rôle. Un metteur en scène possède un puzzle dans sa tête, une certaine harmonie que lui seul connaît. Il faut donc admettre que l'on puisse ne pas entrer dans ce puzzle-là. Il est important de se proposer en tant qu'artiste, mais si ça ne fonctionne pas, il ne doit pas y avoir de douleur. " Fataliste ? Non, plutôt sereine, suivant ce qu'elle-même nomme une " détermination sage ".


Les premiers hommes
de sa vie

Isabelle Nanty est encore lycéenne lorsqu'elle fait la connaissance de Jean-François Schaaff, son premier professeur de théâtre. " Ce monsieur génial ", comme elle le qualifie, lui permet de faire ses débuts au sein d'une troupe amateur de Bar-le-Duc. Après son bac, elle s'installe à Paris et s'inscrit au cours Florent. " J'ai d'abord été dans la classe de Rémi Chenille. C'était un homme très fin, très sensible. J'avais l'impression qu'il avait des télécommandes et qu'il pouvait faire ce qu'il voulait de moi. Après, j'ai suivi les cours de Francis Huster, un véritable alchimiste. C'était hallucinant de le voir travailler avec les élèves, il transformait du plomb en or. " C'est grâce à ce dernier qu'elle rencontre Jacques Weber qui, en 1989, l'accueille au Centre dramatique national de Nice-Côte d'Azur. Isabelle Nanty signe alors ses deux premières mises en scène : Madame l'abbé de Choisy (d'après les mémoires de l'ecclésiastique, conseiller de Louis XIV, qui avait pour habitude de se travestir en femme) et Maison de poupée, d'Ibsen, dont elle assure elle-même la traduction, mettant ainsi à profit ses origines norvégiennes.


Entre exubérance
et douceur

Que ce soit au théâtre (Le Goût de la hiérarchie, Robin des Bois, qui donna naissance à la célèbre troupe télévisuelle, Du désavantage du vent) ou au cinéma (Les Visiteurs, Serial Lover, La Bostella, et prochainement Astérix et Cléopâtre), Isabelle Nanty fait partie de ces comédiennes qui savent donner une couleur très particulière à leurs personnages. Souvent exubérante, voire despotique, une étincelle de douceur ne traîne pourtant jamais loin, dans un coin de regard ou de sourire. " Jouer, c'est une vraie communication, un partage totalement jubilatoire. Mais mes choix sont avant tout liés à l'œuvre même et au metteur en scène. Le plaisir d'actrice vient après. Par exemple, je viens de tourner dans le dernier film de Jean-Pierre Jeunet, Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain. Lorsque quelqu'un comme lui vous propose un rôle, on n'hésite pas une seconde, on fonce ! Il m'est impossible d'imaginer, maintenant, ne pas avoir un jour tourné avec lui. Il est incroyable que dans un homme soit contenu autant de sensibilité. "


Un goût
pour le foisonnement

" Quand on met en scène, on transmet un point de vue par le biais d'acteurs consentants, tout en essayant de faire découvrir au public un aspect que l'on aime de ces acteurs-là. " Après les spectacles de Pierre Palmade (Vous m'avez manqué) et Gad Elmaleh (La Vie normale), Isabelle Nanty met aujourd'hui en scène la première pièce de Fabrice Roger-Lacan : Cravate Club. " Ce qui me plaît, c'est travailler avec des auteurs vivants, car on peut parler avec eux de ce qu'ils ont voulu dire. J'aime les textes très denses, délirants, le foisonnement des écritures excessives. J'ai trouvé ça chez Gad Elmaleh, qui est très poète dans sa façon d'écrire, et aussi chez Fabrice Roger-Lacan. Il y a, dans Cravate Club, une trivialité du quotidien avec un espace derrière, une espèce de gouffre qui passe par l'obsessionnel, par une exagération parfois presque clownesque. "




La pièce « Cravate Club »

Qu'est-ce que l'amitié ? C'est la question à laquelle se propose de répondre la première pièce de Fabrice Roger-Lacan. Pour cela, Édouard Baer et Charles Berling, mis en scène par Isabelle Nanty, s'affrontent dans un combat obsessionnel et vertigineux.

Deux " meilleurs amis " sont également associés dans un cabinet d'architecte. Le soir des 40 ans de l'un des deux, l'autre lui annonce qu'il ne pourra venir à la soirée organisée à cette occasion. Il doit, en effet, se rendre au dîner mensuel de son club. Cet empêchement ouvre une brèche surréaliste entre les deux hommes. En trois rounds, ils se mettent à redéfinir les bases de leur relation, chacun s'apercevant que l'autre n'est pas forcément tel qu'il l'envisageait jusque-là.

Il est rare de trouver à la fois tant de drôlerie et de sensibilité dans un face-à-face de comédiens si différents. Charles Berling, étonnant de fragilité et d'abandon de soi, crée un personnage réellement touchant. Édouard Baer, plus cynique, plus singulier, excelle dans l'humour qu'on lui connaît.

Ce spectacle est une vraie réussite. Il nous émeut et nous interroge. À travers un texte précis et intelligent, Fabrice Roger-Lacan fait une entrée remarquable dans le cercle des auteurs de théâtre.
Paru le 22/03/2001