Portrait par Marie-Céline Nivière
Le rendez-vous de Marie-Céline
Avec Michèle Bernier
Dans l'exercice prise de risque, Michèle Bernier semble être devenue une experte. Après "Le Démon de midi", "Nuit d'ivresse", elle est sur la scène des Bouffes-Parisiens avec "Dolores Claiborne", un personnage inventé par le terrible Stephen King. Rencontre avec une sacrée nana, sourire au vent et talent en bandoulière.
Michèle Bernier, pour tous ceux qui ont été élevés au Petit Théâtre de Bouvard, c'est la grande un peu forte. Puis ce fut celle qui faisait le pitre avec la petite et la moyenne, Mimie Mathy et Isabelle de Botton. Ensuite, celle que l'on voyait en boucle chez Arthur. Et v'lan voilà comment on colle une étiquette. Et pour la décoller, bonjour ! Je reconnais qu'à l'époque du Démon, lorsque l'attachée de presse m'a demandé de bouger mon auguste postérieur, j'avais plus d'un a priori. Aujourd'hui, je peux me traiter de tous les noms d'oiseaux qui vont avec cette restriction mentale qui consiste à mettre les gens dans des cases. Car, la Bernier - et elle mérite cette appellation - m'a carrément scotchée à mon siège par son talent d'actrice, passant de l'humour à l'émotion avec une belle aisance. Depuis, je l'ai croisée au détour de fêtes de 100es, de dernières, de premières, de re-dernières et j'ai découvert la femme. Et la Bernier, c'est quelqu'un de bien. Et même si la vie lui a donné des coups de griffes, elle a gardé beaucoup de choses de la jeunesse : l'amusement, le rire, la curiosité, la fraîcheur. C'est la copine qu'on aimerait avoir pour l'emmerder avec nos déboires ou sortir tout simplement. Car, ce n'est pas la dernière pour faire la fête, danser, rire,
sourire, écouter et comprendre.
"Le Démon de midi"
En ce dernier jour de juin, nous avons rendez-vous devant le théâtre des Bouffes-Parisiens. Nous nous installons à une table en terrasse du bistrot d'à côté. En vieux complice, elle taquine le patron qui a du répondant. Nous évoquons Le Démon de midi. "Oui, on peut dire que c'est une bascule. Il y a l'avant et l'après." Même que sa vie professionnelle en a été chamboulée. "Cela a réveillé chez les gens du métier des choses auxquelles ils n'avaient pas pensé avant." Tout comme sa vie personnelle. "Cela m'a permis de me reconstruire, d'avoir une meilleure estime de moi." Elle considère cette pièce comme un ovni. "T'imagine pas au début, lorsque je faisais des émissions à la radio, ils me demandaient de faire un sketch, alors que c'était pas du tout ça. Cela m'énerve. J'ai envie de leur dire : venez voir les choses dont vous parlez !" Et voilà, la case qui revient, l'éthique qui colle. Profitons-en pour glisser sur le Petit Théâtre de Bouvard.
Petit Théâtre de Bouvard
Pour ceux qui ne savent pas, et c'est bien dommage pour eux, c'était dans les années 80, l'émission que l'on ne manquait pour rien, dont on parlait à l'école, au bureau, au bistrot... De jeunes artistes, plus comiques que dramatiques, sous l'œil bienveillant de Philippe Bouvard, se produisaient dans des saynètes où l'on frisait parfois le génie, d'autrefois le n'importe quoi, mais c'était toujours drôle. On y a découvert, Les Inconnus, Smaïn, Chevallier et Laspalès, les filles citées plus haut et bien d'autres. Ils avaient été nourris par l'équipe du Splendid, du Café de la Gare. "Je ne dirais pas qu'ils m'ont donné envie de faire ce métier, mais ils m'ont dit : 'Prends-toi en main et tu peux le faire.'" Ces jeunes artistes voulaient avant tout exprimer leur talent. "Personne ne voulait de nous. Bouvard nous a permis de montrer ce dont on était capables et, en plus à la télé, t'imagine ! On avait 25 ans, on était inconnus et l'on passait à la télé. En revanche, aucune couverture média, les gens du métier nous snobaient, aucune reconnaissance." Je lui rappelle qu'à l'époque, la télé était l'ennemi, pas comme maintenant. "Oui, et le pire maintenant, c'est que si t'es pas connu tu n'y passes pas." Elle prend l'exemple de Karine Lyachenko dont elle s'occupe, "tu vois, pour elle, c'est dur, or elle a tellement de talent". On en profite pour glisser sur la mise en scène, une corde qu'elle vient de rajouter à son arc.
Metteur en scène
Elle signe la mise en scène de Pénélope 2 qui s'installe au théâtre Fontaine. "C'est la production qui est venue me chercher. J'ai répondu oui, mais je vous préviens j'ai jamais trop fait ça." Le dynamisme de ces trois jeunes filles, Christine Anglio, Juliette Arnaud et Corinne Puget, l'a séduite de prime abord. "J'ai dit aux filles, je vais vous faire travailler mais je ne vais pas vous changer. Je vais vous amener là où j'aime que l'on soit dans un spectacle." Elle s'est servie de leur personnalité, de leur grain de folie. D'autant plus que les filles ont drôlement mûri depuis Arrête de pleurer, Pénélope. "Elles ont vécu et elles s'en servent. Leur spectacle est le reflet de toutes les questions que l'on se pose aujourd'hui dans cette société égocentrique." Son autre mise en scène, toujours féminine, est celle du spectacle de Karine Lyachenko. Une artiste passé du "collier de nouilles" à "la dynamite" et qui se produit au Point-Virgule. "C'est elle qui est venue vers moi. C'est une sacrée nana, qui a du tempérament, ose beaucoup de choses, ne fait pas dans la caricature. Et en plus, elle est super féminine. C'est une belle fille. Ce qui prouve aux mecs que l'humour ce n'est pas que pour les moches et les mal baisées. Ils me font rire !" Ils ont été rassurés avec Nuit d'ivresse où Michèle Bernier était épatante dans ce rôle de femme totalement bousculée par la vie. "Balasko m'a fait un super cadeau. D'autant plus qu'elle m'a dit : 'Je le remonte que si c'est toi.'"
"Dolores Claiborne"
Et maintenant, ils vont avoir peur avec Dolores Claiborne, adaptée par David Joss Buckley du roman du roi du suspense, Stephen King. "Dolores est une femme impressionnante. Une de ces femmes qui ont vécu pas mal de choses et se sont forgé une carapace. Elles ne disent rien, mais quand ça sort, hou là là, ça sort !" Michèle Bernier raconte la pièce, disant souvent "je" lorsqu'elle parle de son personnage. "Soupçonnée d'avoir tué sa patronne, une bourgeoise dure et cruelle, elle se retrouve face à un vieux flic. Elle va se servir de l'interrogatoire pour dire des choses à sa fille, pourquoi elle en est arrivée là. C'est une femme à la violence rentrée. Elle veut tellement faire comprendre qu'il faut qu'elle raconte... Cela va dénouer une vieille enquête sur la mort de son mari. Mais comme c'est un polar, chut !, on ne peut pas dire plus..." On respectera. De la manière dont elle parle de son personnage, avec tendresse, affection, humour, on sent entre eux déjà une belle connivence. Cette pièce est pour elle un challenge. "Oui, car je ne suis pas là où on m'attend. Je prends un sacré risque." C'est pour cette raison que pour la mise en scène, son choix s'est porté naturellement sur Marie-Pascale Osterrieth avec qui elle avait fait Le Démon, pièce et film compris. "Des risques comme ça, on ne les prend qu'avec des gens que l'on connaît. Je suis en confiance. Entre nous il y a une telle entente, une telle affection que je n'ai plus qu'à me laisser aller."
Une histoire d'équipe
Ça doit être même la première fois qu'elle joue avec autant de partenaires. En règle générale, elle est seule, à trois maximum, et ça, c'était pour Nuit d'ivresse. Elle est ravie. "C'est une équipe faite de gentilles personnes, de gens bien." Cette équipe est aussi très éclectique ! "Ça, pour l'être, elle l'est. Simon Bakhouche vient du subventionné." Elle n'en revient pas de donner la réplique à un acteur venant d'un univers opposé. "Il joue un flic un peu dépassé, un peu sur la touche. Nos rapports sont du style 'Garde à vue'. La jeune Magali Woch, qui fait ma fille, a été césarisée pour 'Roi et reine', elle est très prometteuse. Serge Riaboukhine, que j'adore, joue le mari que je n'adore pas." Riaboukhine, même si son parcours est aujourd'hui très impressionnant, fait partie de sa famille. "Et puis il y a Frédérique Tirmont, une actrice formidable." Les yeux pleins de rêve, Michèle Bernier rajoute : "Elle a joué avec des acteurs comme Hirsch. Elle est ma patronne. Un rôle difficile, car nous jonglons avec les temps, allant de présent au passé, revenant au présent puis au passé. Elle a 40 ans, puis une demi-heure plus tard 70, puis 50 ans. Elle fait magnifiquement la déchéance d'une grande dame." Ils viennent de terminer les premières répétitions, vont faire une pause qui permettra à Michèle Bernier de faire un tour au Festival d'Avignon, de partir quelques jours se reposer, avant de reprendre les répétitions. "Et après, cette aventure, je repars dans le one-man !"
sourire, écouter et comprendre.
"Le Démon de midi"
En ce dernier jour de juin, nous avons rendez-vous devant le théâtre des Bouffes-Parisiens. Nous nous installons à une table en terrasse du bistrot d'à côté. En vieux complice, elle taquine le patron qui a du répondant. Nous évoquons Le Démon de midi. "Oui, on peut dire que c'est une bascule. Il y a l'avant et l'après." Même que sa vie professionnelle en a été chamboulée. "Cela a réveillé chez les gens du métier des choses auxquelles ils n'avaient pas pensé avant." Tout comme sa vie personnelle. "Cela m'a permis de me reconstruire, d'avoir une meilleure estime de moi." Elle considère cette pièce comme un ovni. "T'imagine pas au début, lorsque je faisais des émissions à la radio, ils me demandaient de faire un sketch, alors que c'était pas du tout ça. Cela m'énerve. J'ai envie de leur dire : venez voir les choses dont vous parlez !" Et voilà, la case qui revient, l'éthique qui colle. Profitons-en pour glisser sur le Petit Théâtre de Bouvard.
Petit Théâtre de Bouvard
Pour ceux qui ne savent pas, et c'est bien dommage pour eux, c'était dans les années 80, l'émission que l'on ne manquait pour rien, dont on parlait à l'école, au bureau, au bistrot... De jeunes artistes, plus comiques que dramatiques, sous l'œil bienveillant de Philippe Bouvard, se produisaient dans des saynètes où l'on frisait parfois le génie, d'autrefois le n'importe quoi, mais c'était toujours drôle. On y a découvert, Les Inconnus, Smaïn, Chevallier et Laspalès, les filles citées plus haut et bien d'autres. Ils avaient été nourris par l'équipe du Splendid, du Café de la Gare. "Je ne dirais pas qu'ils m'ont donné envie de faire ce métier, mais ils m'ont dit : 'Prends-toi en main et tu peux le faire.'" Ces jeunes artistes voulaient avant tout exprimer leur talent. "Personne ne voulait de nous. Bouvard nous a permis de montrer ce dont on était capables et, en plus à la télé, t'imagine ! On avait 25 ans, on était inconnus et l'on passait à la télé. En revanche, aucune couverture média, les gens du métier nous snobaient, aucune reconnaissance." Je lui rappelle qu'à l'époque, la télé était l'ennemi, pas comme maintenant. "Oui, et le pire maintenant, c'est que si t'es pas connu tu n'y passes pas." Elle prend l'exemple de Karine Lyachenko dont elle s'occupe, "tu vois, pour elle, c'est dur, or elle a tellement de talent". On en profite pour glisser sur la mise en scène, une corde qu'elle vient de rajouter à son arc.
Metteur en scène
Elle signe la mise en scène de Pénélope 2 qui s'installe au théâtre Fontaine. "C'est la production qui est venue me chercher. J'ai répondu oui, mais je vous préviens j'ai jamais trop fait ça." Le dynamisme de ces trois jeunes filles, Christine Anglio, Juliette Arnaud et Corinne Puget, l'a séduite de prime abord. "J'ai dit aux filles, je vais vous faire travailler mais je ne vais pas vous changer. Je vais vous amener là où j'aime que l'on soit dans un spectacle." Elle s'est servie de leur personnalité, de leur grain de folie. D'autant plus que les filles ont drôlement mûri depuis Arrête de pleurer, Pénélope. "Elles ont vécu et elles s'en servent. Leur spectacle est le reflet de toutes les questions que l'on se pose aujourd'hui dans cette société égocentrique." Son autre mise en scène, toujours féminine, est celle du spectacle de Karine Lyachenko. Une artiste passé du "collier de nouilles" à "la dynamite" et qui se produit au Point-Virgule. "C'est elle qui est venue vers moi. C'est une sacrée nana, qui a du tempérament, ose beaucoup de choses, ne fait pas dans la caricature. Et en plus, elle est super féminine. C'est une belle fille. Ce qui prouve aux mecs que l'humour ce n'est pas que pour les moches et les mal baisées. Ils me font rire !" Ils ont été rassurés avec Nuit d'ivresse où Michèle Bernier était épatante dans ce rôle de femme totalement bousculée par la vie. "Balasko m'a fait un super cadeau. D'autant plus qu'elle m'a dit : 'Je le remonte que si c'est toi.'"
"Dolores Claiborne"
Et maintenant, ils vont avoir peur avec Dolores Claiborne, adaptée par David Joss Buckley du roman du roi du suspense, Stephen King. "Dolores est une femme impressionnante. Une de ces femmes qui ont vécu pas mal de choses et se sont forgé une carapace. Elles ne disent rien, mais quand ça sort, hou là là, ça sort !" Michèle Bernier raconte la pièce, disant souvent "je" lorsqu'elle parle de son personnage. "Soupçonnée d'avoir tué sa patronne, une bourgeoise dure et cruelle, elle se retrouve face à un vieux flic. Elle va se servir de l'interrogatoire pour dire des choses à sa fille, pourquoi elle en est arrivée là. C'est une femme à la violence rentrée. Elle veut tellement faire comprendre qu'il faut qu'elle raconte... Cela va dénouer une vieille enquête sur la mort de son mari. Mais comme c'est un polar, chut !, on ne peut pas dire plus..." On respectera. De la manière dont elle parle de son personnage, avec tendresse, affection, humour, on sent entre eux déjà une belle connivence. Cette pièce est pour elle un challenge. "Oui, car je ne suis pas là où on m'attend. Je prends un sacré risque." C'est pour cette raison que pour la mise en scène, son choix s'est porté naturellement sur Marie-Pascale Osterrieth avec qui elle avait fait Le Démon, pièce et film compris. "Des risques comme ça, on ne les prend qu'avec des gens que l'on connaît. Je suis en confiance. Entre nous il y a une telle entente, une telle affection que je n'ai plus qu'à me laisser aller."
Une histoire d'équipe
Ça doit être même la première fois qu'elle joue avec autant de partenaires. En règle générale, elle est seule, à trois maximum, et ça, c'était pour Nuit d'ivresse. Elle est ravie. "C'est une équipe faite de gentilles personnes, de gens bien." Cette équipe est aussi très éclectique ! "Ça, pour l'être, elle l'est. Simon Bakhouche vient du subventionné." Elle n'en revient pas de donner la réplique à un acteur venant d'un univers opposé. "Il joue un flic un peu dépassé, un peu sur la touche. Nos rapports sont du style 'Garde à vue'. La jeune Magali Woch, qui fait ma fille, a été césarisée pour 'Roi et reine', elle est très prometteuse. Serge Riaboukhine, que j'adore, joue le mari que je n'adore pas." Riaboukhine, même si son parcours est aujourd'hui très impressionnant, fait partie de sa famille. "Et puis il y a Frédérique Tirmont, une actrice formidable." Les yeux pleins de rêve, Michèle Bernier rajoute : "Elle a joué avec des acteurs comme Hirsch. Elle est ma patronne. Un rôle difficile, car nous jonglons avec les temps, allant de présent au passé, revenant au présent puis au passé. Elle a 40 ans, puis une demi-heure plus tard 70, puis 50 ans. Elle fait magnifiquement la déchéance d'une grande dame." Ils viennent de terminer les premières répétitions, vont faire une pause qui permettra à Michèle Bernier de faire un tour au Festival d'Avignon, de partir quelques jours se reposer, avant de reprendre les répétitions. "Et après, cette aventure, je repars dans le one-man !"
Paru le 09/10/2006
(13 notes) THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISIENS Du vendredi 22 septembre au dimanche 31 décembre 2006
COMÉDIE DRAMATIQUE. “Des maris meurent tous les jours". Tiens, il y en a probablement un qui meurt en ce moment même où nous parlons. Ils meurent et ils laissent leur argent à leur femme. J’en sais quelque chose, n’est-ce pas? Après tout, regardez ce qui est arrivé au mien. Un accident est parfois le meilleur ami d’u...
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