Dossier par Alain Bugnard
Les Revenants
Oswald Alving, jeune artiste d'exception ayant conquis le Paris de la fin du xixe siècle, rejoint sa mère en Norvège, rongé par une mystérieuse maladie. En quête de réponses sur un passé trouble qui le poursuit, il se heurte à un monde de revenants dont Madame Alving et le Pasteur Manders semblent les dépositaires. Dans ce drame social aux allures de thriller psychologique, Ibsen dénonce l'intégrisme religieux et le carcan d'une morale assassine n'ayant pour effet que de briser les êtres sans défense...
Arnaud Denis
est Oswald
Comédien, metteur en scène et fondateur de la troupe Les Compagnons de la Chimère, Arnaud Denis entend retrouver le caractère intemporel de l'œuvre d'Ibsen, trop souvent réduite à son goût à l'expression d'un théâtre bourgeois compassé. "J'ai tout de suite été fasciné par le propos : l'hérédité. Ibsen fut le premier à dire avec autant de force que les problèmes rencontrés dans notre vie d'adulte émanent de l'enfance, du cadre familial et des générations qui nous précèdent. J'ai commandé à Jacqueline Cohen une nouvelle adaptation car toutes celles que j'ai lues m'ont paru démodées. Notre parti pris fut de retrouver un texte pur, compréhensible et non explicatif - la pièce comportant des zones d'ombre - pour éviter de sombrer dans le drame bourgeois du xixe siècle. Car ce texte est d'une modernité effrayante : les problématiques soulevées sont les mêmes que celles que nous pouvons rencontrer aujourd'hui. Les revenants sont des faux-semblants, des croyances mortes qui prennent des déguisements différents selon les époques et qui nous enferment dans des cycles imperturbables. À sa parution, la pièce fut d'ailleurs interdite ! Ibsen s'insurge contre les fausses valeurs qui nous emprisonnent : le mariage, la religion. Il parle d'inceste, de maladies vénériennes avec ce jugement moral que l'on porte sur les personnes qui en sont atteintes." Arnaud incarnera Oswald : "Il vit dans le questionnement perpétuel du 'qui je suis', 'd'où je viens', car il n'a jamais connu son père. Sa mère (dont il se demande si elle l'aime) lui en a donné une fausse image. Et il doit supporter une maladie honteuse dont il ne connaît ni la nature ni l'origine." Pour illustrer cette mise en abyme aux confins du rêve et du cauchemar, les personnages évolueront dans un jardin d'hiver, un décor dépouillé, reflétant l'esprit d'une demeure bourgeoise aux allures décadentes. "Nous devrons sentir le froid pénétrer les murs."
Michèle André
est Madame Alving
Elle fut la Parisienne ou encore Jacqueline du Chandelier sous la direction de Jean-Laurent Cochet. Pour Arnaud Denis, Michèle André sera Madame Alving, "l'axe autour duquel les personnages bougent et se révèlent. Cette femme s'est durcie au fil des années sous le poids de secrets qu'elle a portés avec une très grande dignité. Elle a souffert de s'être privée d'un fils qu'elle a voulu écarter d'un passé douloureux... J'ai déjà eu des personnages très durs à incarner, comme la Parisienne, qui pendant trois actes ne quitte jamais la scène. Avec Madame Alving, je rencontre une difficulté rarement rencontrée et qui, comme tout challenge, se révèle passionnante. Je la ressens dans ma chair, elle me suit partout, se couche et se lève avec moi, mais garde sa part de mystère. Peut-être, car elle ne se doute pas un seul instant qu'elle est le porte-parole des premières femmes à vouloir s'émanciper. Il y a un autre personnage qui m'a profondément marquée : la poétesse de Anna de Noailles, une femme libre et attachante. Sa complexité, sa violence et sa profondeur ont fait que j'ai autant vécu avec elle. Dans cette existence où tout est périssable, les personnages survivent aux interprètes qui ne sont finalement que leurs revenants."
Jean-Pierre Leroux
est le Pasteur Manders
S'il s'est lui aussi brillamment illustré au théâtre, notamment dans Quoat Quoat de Georges Vitaly, ou récemment au Lucernaire avec Géronte des Fourberies de Scapin, c'est de sa voix chaleureuse dont nous nous sentons le plus proche, tant il l'a prêtée à nombre de figures du cinéma hollywoodien. Aujourd'hui administrateur et comédien de la compagnie d'Arnaud Denis, Jean-Pierre Leroux évoque cette nouvelle aventure avec la fébrilité de l'éternel apprenti : "Ma nature de comédien est passionnée, et le travail que j'accomplis avec Arnaud m'apprend qu'il faut toujours repartir de zéro ! L'erreur eût été de faire de ce pasteur un salaud car il croit porter en lui sa part de vérité pour l'humanité : les intégristes sont persuadés d'être aux côtés de Dieu. Des années de mensonges partagés le lient à Madame Alving. Cette femme dont le mariage fut malheureux a trouvé chez lui un refuge. Elle lui a même fait des avances qu'il a repoussées sans que l'on sache pourquoi. Ce qui en fait un être complexe puisque sa religion devrait lui permettre de s'exprimer librement sur ces questions. D'autant qu'il se conduit comme s'il était le père d'Oswald. Et quand il le retrouve à l'âge adulte, ils se heurtent violemment, Oswald n'ayant pas suivi le chemin qu'il lui avait désigné. C'est un accusateur dont les certitudes vont elles aussi voler en éclats."
est Oswald
Comédien, metteur en scène et fondateur de la troupe Les Compagnons de la Chimère, Arnaud Denis entend retrouver le caractère intemporel de l'œuvre d'Ibsen, trop souvent réduite à son goût à l'expression d'un théâtre bourgeois compassé. "J'ai tout de suite été fasciné par le propos : l'hérédité. Ibsen fut le premier à dire avec autant de force que les problèmes rencontrés dans notre vie d'adulte émanent de l'enfance, du cadre familial et des générations qui nous précèdent. J'ai commandé à Jacqueline Cohen une nouvelle adaptation car toutes celles que j'ai lues m'ont paru démodées. Notre parti pris fut de retrouver un texte pur, compréhensible et non explicatif - la pièce comportant des zones d'ombre - pour éviter de sombrer dans le drame bourgeois du xixe siècle. Car ce texte est d'une modernité effrayante : les problématiques soulevées sont les mêmes que celles que nous pouvons rencontrer aujourd'hui. Les revenants sont des faux-semblants, des croyances mortes qui prennent des déguisements différents selon les époques et qui nous enferment dans des cycles imperturbables. À sa parution, la pièce fut d'ailleurs interdite ! Ibsen s'insurge contre les fausses valeurs qui nous emprisonnent : le mariage, la religion. Il parle d'inceste, de maladies vénériennes avec ce jugement moral que l'on porte sur les personnes qui en sont atteintes." Arnaud incarnera Oswald : "Il vit dans le questionnement perpétuel du 'qui je suis', 'd'où je viens', car il n'a jamais connu son père. Sa mère (dont il se demande si elle l'aime) lui en a donné une fausse image. Et il doit supporter une maladie honteuse dont il ne connaît ni la nature ni l'origine." Pour illustrer cette mise en abyme aux confins du rêve et du cauchemar, les personnages évolueront dans un jardin d'hiver, un décor dépouillé, reflétant l'esprit d'une demeure bourgeoise aux allures décadentes. "Nous devrons sentir le froid pénétrer les murs."
Michèle André
est Madame Alving
Elle fut la Parisienne ou encore Jacqueline du Chandelier sous la direction de Jean-Laurent Cochet. Pour Arnaud Denis, Michèle André sera Madame Alving, "l'axe autour duquel les personnages bougent et se révèlent. Cette femme s'est durcie au fil des années sous le poids de secrets qu'elle a portés avec une très grande dignité. Elle a souffert de s'être privée d'un fils qu'elle a voulu écarter d'un passé douloureux... J'ai déjà eu des personnages très durs à incarner, comme la Parisienne, qui pendant trois actes ne quitte jamais la scène. Avec Madame Alving, je rencontre une difficulté rarement rencontrée et qui, comme tout challenge, se révèle passionnante. Je la ressens dans ma chair, elle me suit partout, se couche et se lève avec moi, mais garde sa part de mystère. Peut-être, car elle ne se doute pas un seul instant qu'elle est le porte-parole des premières femmes à vouloir s'émanciper. Il y a un autre personnage qui m'a profondément marquée : la poétesse de Anna de Noailles, une femme libre et attachante. Sa complexité, sa violence et sa profondeur ont fait que j'ai autant vécu avec elle. Dans cette existence où tout est périssable, les personnages survivent aux interprètes qui ne sont finalement que leurs revenants."
Jean-Pierre Leroux
est le Pasteur Manders
S'il s'est lui aussi brillamment illustré au théâtre, notamment dans Quoat Quoat de Georges Vitaly, ou récemment au Lucernaire avec Géronte des Fourberies de Scapin, c'est de sa voix chaleureuse dont nous nous sentons le plus proche, tant il l'a prêtée à nombre de figures du cinéma hollywoodien. Aujourd'hui administrateur et comédien de la compagnie d'Arnaud Denis, Jean-Pierre Leroux évoque cette nouvelle aventure avec la fébrilité de l'éternel apprenti : "Ma nature de comédien est passionnée, et le travail que j'accomplis avec Arnaud m'apprend qu'il faut toujours repartir de zéro ! L'erreur eût été de faire de ce pasteur un salaud car il croit porter en lui sa part de vérité pour l'humanité : les intégristes sont persuadés d'être aux côtés de Dieu. Des années de mensonges partagés le lient à Madame Alving. Cette femme dont le mariage fut malheureux a trouvé chez lui un refuge. Elle lui a même fait des avances qu'il a repoussées sans que l'on sache pourquoi. Ce qui en fait un être complexe puisque sa religion devrait lui permettre de s'exprimer librement sur ces questions. D'autant qu'il se conduit comme s'il était le père d'Oswald. Et quand il le retrouve à l'âge adulte, ils se heurtent violemment, Oswald n'ayant pas suivi le chemin qu'il lui avait désigné. C'est un accusateur dont les certitudes vont elles aussi voler en éclats."
Paru le 09/03/2007
(16 notes) THÉÂTRE 13 - GLACIÈRE Du mardi 6 mars au dimanche 15 avril 2007
COMÉDIE DRAMATIQUE. Est-il bon de révéler les secrets de famille? Notre bonheur peut-il éclore si nous laissons sous silence les zones d’ombres de notre passé? Questions essentielles, intemporelles auxquelles Ibsen propose une réponse dans cette œuvre troublante.
|