Portrait par Alain Bugnard
Jean-Damien Barbin
Pénétrer l'univers de Jean-Damien Barbin est une expérience fascinante, tant l'œuvre de cet auteur, comédien et metteur en scène exigeant, "écorché", interroge les fondements mêmes de notre existence. Nous le retrouvons ce printemps 2007 à l'affiche de deux créations : "Je vous quitte, j'ai à faire", un projet personnel, et "J'ai tout", un texte de Thierry Illouz, mis en scène par Jean-Michel Ribes.
Nous le connaissons pour son talent de comédien, ses collaborations avec Daniel Mesguich (Andromaque), Olivier Py (La Servante), Éric Vignier (Rhinocéros), Jean-Michel Ribes (Musée haut, Musée bas), mais peut-être serions-nous tentés de dire que Jean-Damien Barbin est avant tout un auteur dont les recherches littéraires guident l'inspiration théâtrale. Sa nouvelle création, Je vous quitte, j'ai à faire, se révèle ainsi un spicilège de dernières phrases d'œuvres littéraires pour dire l'émoi, la panique d'un homme obsédé par sa fin, et sa nécessité de trouver, dans un ultime élan lyrique, les mots justes avant de nous quitter. "La dernière phrase que j'ai prononcée comme élève du Conservatoire fut une phrase de Becket - 'Je te quitte, j'ai à faire' - que je me suis approprié tant elle se rapproche de cette ultime phrase que je cherche tant. J'ai ainsi réalisé, avec Raphaëlle Misrahi, une anthologie de la dernière phrase à partir de laquelle nous avons composé ce texte [publié aux éditions de l'Amandier] : une succession de dernières phrases organisées de manière très séquencée qui retrace aussi, en filigrane, l'histoire du théâtre, ses mouvements. Nous avons dégagé des thématiques et développé des univers qui vont se déplier sur une vraie scénographie. Je compte poursuivre cet exercice sur plusieurs spectacles qui est finalement un travail sans fin ! " En parallèle de cette création, Jean-Damien donnera corps au texte de Thierry Illouz, J'ai tout. "C'est un texte qui montre qu'avant de commettre un geste ultime, il y a tout un contexte qui conduit à cet acte, et que l'individu n'est pas seul responsable. Il ne faut pas minorer l'ennemi qui est en nous mais ne pas oublier non plus celui qui est à l'extérieur, massivement. J'aime beaucoup le style de Thierry Illouz tout de nerfs et de muscles, une écriture d'écorché. Ce qui me semble primordial dans un projet, c'est la qualité de l'écriture. Plus qu'à l'autofiction narcissique, jusqu'à cette invasion par le blog qui n'est finalement que la publicité de soi-même, je songe à une littérature qui, délicatement, prendrait soin de la dernière phrase, la considérant comme ultime et nécessaire. Il faut résister, avoir un regard critique car nous assistons à un nivellement par le bas qui est très inquiétant pour l'avenir de l'homme, du monde des idées, de la discipline artistique. Si l'on est un être aux aguets, on voit bien que ce qui est en train de nous arriver est extraordinairement organisé."
Paru le 28/03/2007
(1 notes) THÉÂTRE DU ROND-POINT Du vendredi 16 mars au dimanche 29 avril 2007
TEXTE(S). Jean-Damien brasse sa collection à quatre mains avec Raphaëlle Misrahi pour composer cette pièce dont chacune des répliques est une tirade ultime recueillie chez Py, Eschyle, Courteline, Molière, Artaud, Tzara, Dostoïevski, Dubillard, Lagarce, Ribes, Gabily, Tchekhov… en tout une soixantaine d’écr...
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