Portrait par Marie-Céline Nivière
Geneviève Fontanel
“J’adore le Boulevard, c’est très difficile à jouer les césures, les ruptures.”
Elle est à l'affiche du Palais-Royal, dans "Puzzle", une comédie signée Woody Allen, mise en scène par Annick Blancheteau et Jean Mourière. Rencontre avec une femme discrète, une comédienne dont la précision de jeu ne cesse de nous séduire.
Lorsque Bruno Perroud propose Geneviève Fontanel comme "Rendez-vous" de la rentrée, "car elle le mérite", je ne peux que me réjouir. C'est une belle comédienne, discrète, qui aime profondément son métier, servant avec autant de bonheur les premiers rôles que les apparitions. Elle a une filmographie - cinématographique comme télévisuelle -, assez impressionnante. Au théâtre, ses prestations sont toujours remarquables. Elle a été éblouissante dans Un baiser, un vrai de Chris Chibnall, mise en scène par Stephan Meldegg, pour ne citer que la dernière en date.
Au Palais-Royal
Calendrier oblige, nous avons rendez-vous en ce frileux mois de juin, au théâtre du Palais-Royal. Le hasard fait que nous nous croisons dans la rue, aux abords de la Comédie-Française. Tout est solaire chez elle, de magnifiques cheveux roux, une voix légère, chantante, des éclats de rires aériens. Elle s'inquiète de la durée de notre entretien. Elle doit être à 13 heures pour répéter à l'autre bout de Paris, car ils n'ont pas encore investi le théâtre. Je m'exclame que j'aurais pu me rendre là-bas, elle répond : "Ce n'est pas grave, c'est un peu la maison ici. N'est-ce pas merveilleux." Elle fait un geste, enrobant la Comédie-Française, les jardins et le théâtre du Palais-Royal. Nous nous installons au café du théâtre, avec vue sur le jardin, pour une conversation des plus agréables.
La vocation
Lorsqu'on lui demande d'où vient sa vocation de comédienne, elle répond dans un élan : de l'enfance ! Elle ajoute, "l'amour des paillettes". Et elle raconte qu'elle aimait se montrer, écrire des pièces qu'elle jouait devant des amies, "piquant les affaires" de sa mère. Cela se passait au Maroc, ce qui explique cette petite pointe d'accent gorgée de soleil. "Ensuite au Guide de France, il y avait les feux de camps, on jouait des histoires, surtout des histoires tirées des Évangiles. Je me donnais le beau rôle." L'évocation de ce souvenir, déclenche un éclat de rire. "Guide au Maroc, c'était quelque chose. On campait dans l'Atlas. Lorsque j'y repense aujourd'hui, je me dis que c'était de la folie. On revenait famélique et sale." Puis ce fut Bordeaux. "Au lycée, c'était la catastrophe, heureusement, il y avait le théâtre. Au Trianon, j'ai joué des pièces, La Petite Chocolatière, des choses comme ça..." Elle suit le conservatoire de Bordeaux, puis monte à Paris, où elle est admise à la rue Blanche, puis au Conservatoire. Son premier prix de Comédie classique lui ouvre les portes de la Comédie-Française.
Jacques Destoop
Là, elle s'arrête pour faire une parenthèse remplie d'amour pour l'homme de sa vie, Jacques Destoop. Quand elle parle de lui, on songe immédiatement à la chanson de Brel, Les Vieux Amants. C'est dans la Maison de Molière qu'elle l'a rencontré. Et depuis plus de cinquante ans, ils font vie commune. "Il est peintre maintenant. Un très bon peintre même. Vous savez après trente ans de Français, au service de la tragédie, il se voyait mal ailleurs, alors il a coupé..." Il n'a pas tout coupé, puisqu'il l'a mise en scène dans Le Journal d'une femme de chambre de Mirbeau. "On l'a fait ensemble. Trois ans de tournée, une merveilleuse aventure. Aujourd'hui, je rêve de le reprendre, mais en vieille bonne. Cela m'amuserait beaucoup. Mais le texte est souvent monté, surtout par les amateurs, du coup, on a du mal à trouver les salles." Elle reconnaît que le théâtre rencontre aujourd'hui une période difficile. "Mais il existera toujours !"
Le Boulevard
Après cinq années à la Comédie-Française, elle donne sa démission. "Je n'ai jamais su si c'était une bonne chose ou pas, mais je ne regrette rien. J'adore le Boulevard, c'est très difficile à jouer les césures, les ruptures. J'ai beaucoup appris avec Michel Roux, Jean Piat... Il faut de la technique." Elle regrette, à juste titre, le manque d'enseignement de ce qui est la base, "du coup les jeunes acteurs sont souvent faibles techniquement, ne soutiennent pas les phrases, il est malaisé de les comprendre". La conversation glisse sur le temps qui passe. "C'est dur de vieillir pour une femme au théâtre, il n'y a pas tellement de rôles. Même à la télé cela devient dur... Et puis les gens de télé ne vont plus au théâtre. Je viens de tourner un téléfilm avec Line Renaud. Le réalisateur Renaud Bertrand est un garçon rare, une heureuse rencontre. Il m'a dit : 'Je vous en supplie Geneviève, ne faites rien à votre visage... Je lui montre deux trois rides. Non, surtout pas, c'est si beau !'" Et elle rit.
La pièce
Rien de tel pour rebondir sur la pièce de Woody Allen où elle joue le rôle d'une mère dans une famille de Brooklyn. "Cela se passe effectivement dans une famille juive, pas religieuse, mais qui a un grand respect des traditions. Le gosse est paumé, ce qui est assez typique." Elle éclaircit. "C'est l'histoire d'une jeune femme qui écrit un livre et qui prend pour thème sa famille, celle-ci n'est pas des plus simples avec tous ses secrets. C'est tout un univers qu'on n'a pas l'habitude d'entendre au théâtre. C'est une pièce en 'pièces détachées', en 'Puzzle' ! Il faut dès le départ que la mise en scène soit explicite" Et là, elle souligne le travail d'Annick Blancheteau et de Jean Mourière. "Il faut comprendre que cela se passe dans la tête de la jeune femme et donc ce n'est pas dans l'ordre.". Telle une "mère juive", elle est fière d'Anne Loiret qui joue le rôle. "Une belle rencontre. Quelle comédienne formidable. Vous allez voir, ils lui ont fait un look à la Diane Keaton." Son mari est un vieux complice qu'elle est heureuse de retrouver, Michel Aumont. "On se comprend." Le rôle du frère est tenu par Gérard Lartigau, celui du fils perdu par Sébastien Azzopardi, qui signe aussi l'adaptation. "Il y a aussi deux petites souris qui s'intègrent dans l'histoire (Julie De Bona et Marie Le Cam)." Ayant découvert la veille, les décors, elle souligne leur beauté et leur importance. "Avec une tournette, des panneaux qui montent. Moi qui suis une grande étourdie, il va falloir que je fasse attention !" Et elle rit à nouveau. Avant de repartir à la répétition, elle avoue être heureuse de se retrouver "dans ce lieu magnifique qu'est le Palais-Royal !". Et on lui souhaite de tout cœur d'y rester un bon bout de temps.
Au Palais-Royal
Calendrier oblige, nous avons rendez-vous en ce frileux mois de juin, au théâtre du Palais-Royal. Le hasard fait que nous nous croisons dans la rue, aux abords de la Comédie-Française. Tout est solaire chez elle, de magnifiques cheveux roux, une voix légère, chantante, des éclats de rires aériens. Elle s'inquiète de la durée de notre entretien. Elle doit être à 13 heures pour répéter à l'autre bout de Paris, car ils n'ont pas encore investi le théâtre. Je m'exclame que j'aurais pu me rendre là-bas, elle répond : "Ce n'est pas grave, c'est un peu la maison ici. N'est-ce pas merveilleux." Elle fait un geste, enrobant la Comédie-Française, les jardins et le théâtre du Palais-Royal. Nous nous installons au café du théâtre, avec vue sur le jardin, pour une conversation des plus agréables.
La vocation
Lorsqu'on lui demande d'où vient sa vocation de comédienne, elle répond dans un élan : de l'enfance ! Elle ajoute, "l'amour des paillettes". Et elle raconte qu'elle aimait se montrer, écrire des pièces qu'elle jouait devant des amies, "piquant les affaires" de sa mère. Cela se passait au Maroc, ce qui explique cette petite pointe d'accent gorgée de soleil. "Ensuite au Guide de France, il y avait les feux de camps, on jouait des histoires, surtout des histoires tirées des Évangiles. Je me donnais le beau rôle." L'évocation de ce souvenir, déclenche un éclat de rire. "Guide au Maroc, c'était quelque chose. On campait dans l'Atlas. Lorsque j'y repense aujourd'hui, je me dis que c'était de la folie. On revenait famélique et sale." Puis ce fut Bordeaux. "Au lycée, c'était la catastrophe, heureusement, il y avait le théâtre. Au Trianon, j'ai joué des pièces, La Petite Chocolatière, des choses comme ça..." Elle suit le conservatoire de Bordeaux, puis monte à Paris, où elle est admise à la rue Blanche, puis au Conservatoire. Son premier prix de Comédie classique lui ouvre les portes de la Comédie-Française.
Jacques Destoop
Là, elle s'arrête pour faire une parenthèse remplie d'amour pour l'homme de sa vie, Jacques Destoop. Quand elle parle de lui, on songe immédiatement à la chanson de Brel, Les Vieux Amants. C'est dans la Maison de Molière qu'elle l'a rencontré. Et depuis plus de cinquante ans, ils font vie commune. "Il est peintre maintenant. Un très bon peintre même. Vous savez après trente ans de Français, au service de la tragédie, il se voyait mal ailleurs, alors il a coupé..." Il n'a pas tout coupé, puisqu'il l'a mise en scène dans Le Journal d'une femme de chambre de Mirbeau. "On l'a fait ensemble. Trois ans de tournée, une merveilleuse aventure. Aujourd'hui, je rêve de le reprendre, mais en vieille bonne. Cela m'amuserait beaucoup. Mais le texte est souvent monté, surtout par les amateurs, du coup, on a du mal à trouver les salles." Elle reconnaît que le théâtre rencontre aujourd'hui une période difficile. "Mais il existera toujours !"
Le Boulevard
Après cinq années à la Comédie-Française, elle donne sa démission. "Je n'ai jamais su si c'était une bonne chose ou pas, mais je ne regrette rien. J'adore le Boulevard, c'est très difficile à jouer les césures, les ruptures. J'ai beaucoup appris avec Michel Roux, Jean Piat... Il faut de la technique." Elle regrette, à juste titre, le manque d'enseignement de ce qui est la base, "du coup les jeunes acteurs sont souvent faibles techniquement, ne soutiennent pas les phrases, il est malaisé de les comprendre". La conversation glisse sur le temps qui passe. "C'est dur de vieillir pour une femme au théâtre, il n'y a pas tellement de rôles. Même à la télé cela devient dur... Et puis les gens de télé ne vont plus au théâtre. Je viens de tourner un téléfilm avec Line Renaud. Le réalisateur Renaud Bertrand est un garçon rare, une heureuse rencontre. Il m'a dit : 'Je vous en supplie Geneviève, ne faites rien à votre visage... Je lui montre deux trois rides. Non, surtout pas, c'est si beau !'" Et elle rit.
La pièce
Rien de tel pour rebondir sur la pièce de Woody Allen où elle joue le rôle d'une mère dans une famille de Brooklyn. "Cela se passe effectivement dans une famille juive, pas religieuse, mais qui a un grand respect des traditions. Le gosse est paumé, ce qui est assez typique." Elle éclaircit. "C'est l'histoire d'une jeune femme qui écrit un livre et qui prend pour thème sa famille, celle-ci n'est pas des plus simples avec tous ses secrets. C'est tout un univers qu'on n'a pas l'habitude d'entendre au théâtre. C'est une pièce en 'pièces détachées', en 'Puzzle' ! Il faut dès le départ que la mise en scène soit explicite" Et là, elle souligne le travail d'Annick Blancheteau et de Jean Mourière. "Il faut comprendre que cela se passe dans la tête de la jeune femme et donc ce n'est pas dans l'ordre.". Telle une "mère juive", elle est fière d'Anne Loiret qui joue le rôle. "Une belle rencontre. Quelle comédienne formidable. Vous allez voir, ils lui ont fait un look à la Diane Keaton." Son mari est un vieux complice qu'elle est heureuse de retrouver, Michel Aumont. "On se comprend." Le rôle du frère est tenu par Gérard Lartigau, celui du fils perdu par Sébastien Azzopardi, qui signe aussi l'adaptation. "Il y a aussi deux petites souris qui s'intègrent dans l'histoire (Julie De Bona et Marie Le Cam)." Ayant découvert la veille, les décors, elle souligne leur beauté et leur importance. "Avec une tournette, des panneaux qui montent. Moi qui suis une grande étourdie, il va falloir que je fasse attention !" Et elle rit à nouveau. Avant de repartir à la répétition, elle avoue être heureuse de se retrouver "dans ce lieu magnifique qu'est le Palais-Royal !". Et on lui souhaite de tout cœur d'y rester un bon bout de temps.
Paru le 15/10/2007
(42 notes) THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL Du jeudi 18 janvier 2007 au samedi 1 mars 2008
COMÉDIE DRAMATIQUE. Si un homme construit son propre piège, il n’y a que lui pour savoir comment en sortir. Quand le passé n’en finit pas de vous hanter. Quand il faut choisir entre l’amour et l’argent. Chacun a droit au bonheur Mais jusqu’où peut-on aller pour l’obtenir? Il y a tant de secrets dans cette famille, ce...
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