Interview par Alain Bugnard
Antoine Bourseiller
Après sa récente mise en scène du "Bagne" de Jean Genet à L'Athénée, Antoine Bourseiller réalise un rêve de jeunesse avec cette adaptation de l'œuvre de Dostoïevski "L'Idiot" , largement saluée par la presse et le public lors de sa tournée provinciale.
En quoi l'écriture de Dostoïevski a-t-elle retenu votre attention de metteur en scène ?
J'ai suivi les cours de Jean Vilar qui nous faisait souvent jouer des scènes de Dostoïevski. J'ai ensuite écrit une première adaptation de L'Idiot, perdue au cours de la vie. Cet exercice était d'autant plus intéressant pour moi que cet auteur avait été relativement mal traduit. En ce qui concerne L'Idiot, les traducteurs ne tenaient pas compte des différents niveaux de langage de classes sociales. Le premier qui s'est attaché à transmettre ces variétés de style est André Markowicz. Les traducteurs des années 1930 à 1950 voulaient atténuer la portée politique du propos car L'Idiot est une critique virulente de la bourgeoisie russe de la fin du xixe siècle. La quatrième partie du roman annonce la première révolution par le nihilisme, au début du xxe siècle, dénonçant la misère et l'esclavage engendrés par l'industrie. En soubassement, c'est aussi une critique de la manière dont les Slaves vivent et acceptent leur malheur. Dostoïevski fut considéré comme un activiste. Il échappa de justesse au peloton d'exécution et fut déporté en Sibérie.
À quels aspects de cette œuvre très dense vous êtes-vous particulièrement intéressé ?
Grâce aux carnets de l'écrivain, publiés à la Pléiade, j'ai dégagé le fondement de son roman, à savoir l'amour éprouvé par trois hommes à l'endroit de Nastassia : l'amour passionné et dément de Rogojine, l'amour ambitieux et hypocrite de Gania à qui l'on a promis, en cas de mariage, une somme d'argent et une facilité pour le mener là où son ambition le pousse, et l'amour du prince Mychkine, quasiment christique puisqu'il est impuissant et malade. Dostoïevski utilise un principe littéraire qui fut ensuite très exploré pendant la seconde partie du xxe siècle : un inconnu arrive dans une communauté et, sans le vouloir, bouleverse ses habitudes. C'est le cas du prince que tout le monde prend pour un idiot.
Dans quel cadre les comédiens évolueront-ils ?
Les costumes sont un peu intemporels, imprégnés de la mode de la fin du xixe siècle, le décor totalement dépouillé. C'est l'une des raisons pour lesquelles la pièce est rarement montée car si l'on tient compte des différents lieux où se déroule l'action, on arrive à une quinzaine de décors différents. Je suis donc retourné à mes premières amours avec un plancher et un mur en cuivre rouge. C'est la lumière qui introduit le passage des saisons et des heures.
Pourquoi avez-vous souhaité la présence indirecte de Suzanne Flon dans cette adaptation ?
J'avais besoin de raconter une scène que l'on ne peut pas montrer au théâtre. J'étais très proche de Suzanne et je trouvais qu'elle avait une très belle voix. Je lui ai donc fait lire deux pages du roman. Et ce fut sa dernière prestation.
J'ai suivi les cours de Jean Vilar qui nous faisait souvent jouer des scènes de Dostoïevski. J'ai ensuite écrit une première adaptation de L'Idiot, perdue au cours de la vie. Cet exercice était d'autant plus intéressant pour moi que cet auteur avait été relativement mal traduit. En ce qui concerne L'Idiot, les traducteurs ne tenaient pas compte des différents niveaux de langage de classes sociales. Le premier qui s'est attaché à transmettre ces variétés de style est André Markowicz. Les traducteurs des années 1930 à 1950 voulaient atténuer la portée politique du propos car L'Idiot est une critique virulente de la bourgeoisie russe de la fin du xixe siècle. La quatrième partie du roman annonce la première révolution par le nihilisme, au début du xxe siècle, dénonçant la misère et l'esclavage engendrés par l'industrie. En soubassement, c'est aussi une critique de la manière dont les Slaves vivent et acceptent leur malheur. Dostoïevski fut considéré comme un activiste. Il échappa de justesse au peloton d'exécution et fut déporté en Sibérie.
À quels aspects de cette œuvre très dense vous êtes-vous particulièrement intéressé ?
Grâce aux carnets de l'écrivain, publiés à la Pléiade, j'ai dégagé le fondement de son roman, à savoir l'amour éprouvé par trois hommes à l'endroit de Nastassia : l'amour passionné et dément de Rogojine, l'amour ambitieux et hypocrite de Gania à qui l'on a promis, en cas de mariage, une somme d'argent et une facilité pour le mener là où son ambition le pousse, et l'amour du prince Mychkine, quasiment christique puisqu'il est impuissant et malade. Dostoïevski utilise un principe littéraire qui fut ensuite très exploré pendant la seconde partie du xxe siècle : un inconnu arrive dans une communauté et, sans le vouloir, bouleverse ses habitudes. C'est le cas du prince que tout le monde prend pour un idiot.
Dans quel cadre les comédiens évolueront-ils ?
Les costumes sont un peu intemporels, imprégnés de la mode de la fin du xixe siècle, le décor totalement dépouillé. C'est l'une des raisons pour lesquelles la pièce est rarement montée car si l'on tient compte des différents lieux où se déroule l'action, on arrive à une quinzaine de décors différents. Je suis donc retourné à mes premières amours avec un plancher et un mur en cuivre rouge. C'est la lumière qui introduit le passage des saisons et des heures.
Pourquoi avez-vous souhaité la présence indirecte de Suzanne Flon dans cette adaptation ?
J'avais besoin de raconter une scène que l'on ne peut pas montrer au théâtre. J'étais très proche de Suzanne et je trouvais qu'elle avait une très belle voix. Je lui ai donc fait lire deux pages du roman. Et ce fut sa dernière prestation.
Paru le 21/09/2007
(11 notes) THÉÂTRE MOUFFETARD Du mercredi 12 septembre au samedi 27 octobre 2007
COMÉDIE DRAMATIQUE. Au début de la pièce, quatre hommes s’intéressent au sort d’une beauté de réputation équivoque, Nastassia Philippovna. D’abord son «protecteur», Totzki, qui l’a violée lorsqu’elle avait quinze ans. Il veut reprendre sa liberté pour se marier en la mariant elle-même à Gania, jeune arriviste ambitie...
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