Dossier par François Varlin
Victor ou les enfants au pouvoir
Héléna Bossis et Daniel Darès, directeurs de l'illustre Théâtre Antoine, en rêvaient. Accueillir la célèbre pièce de Vitrac sur leur scène devient réalité. Lorànt Deutsch, dans le rôle-titre, prend pension pour 100 représentations exceptionnelles. Alain Sachs le dirigera, avec Cerise, Philippe Uchan et une brillante distribution.
Alain Sachs,
metteur en scène
Cette pièce a une importance dans l'histoire de la pensée moderne...
C'est une pièce d'une énorme complexité, car elle est à la fois surréaliste, l'expression du subconscient, mais aussi totalement structurée. Vitrac était un admirateur de Feydeau, et il y a des références à ce théâtre bourgeois, jusque dans des canulars à la limite du scatologique. C'est donc une pièce qui est à un carrefour. Mais l'acte théâtral, forcément structuré, ne pouvait faire partie du surréalisme. Vitrac a été viré du mouvement surréaliste.
Comment, en 2007, allez-vous restituer cette pièce ?
L'action se passe avant la Première Guerre. On ne peut la monter en dehors de son contexte si l'on veut souligner la modernité du texte. De plus, le mélange de satire sociale et de surréalisme a créé une forme d'une originalité incroyable. Il y a un rapport omniprésent entre un "je construis une histoire" et le "je fais exploser les règles du discours". C'est cela que j'ai voulu restituer, et la modernité est là. Cette pièce était un pavé dans la mare, une bombe atomique. C'est intéressant culturellement et intellectuellement, Vitrac prend un thème fondateur, le regard de l'enfance sur la comédie des adultes. Et cela est intemporel.
Un succès, c'est aussi une distribution très choisie ?
On choisit un acteur pour sa pratique de théâtre, de composition, ou pour son naturel, son effet de réel. Il en faut certains qui font la basse, pour permettre aux autres de faire des variations et des ornements autour. On obtient alors un parfait équilibre. Quand je marie Cerise à Philippe Uchan, ce sont des pratiques de théâtre qui sont différentes... Cette pièce est une tragédie comique. Dans le subventionné, on en fait toujours ressortir la noirceur, mais il n'est pas juste d'en faire une œuvre ténébreuse à 100 %, tout comme il n'est pas juste de la dépouiller de toute sa gravité. Ce qui me plaît c'est de trouver une place au milieu de tout cela.
Cerise :
la mère
Que dites-vous de la famille de Victor ?
Je suis la mère de Victor. J'ai épousé un coureur de dot, qui me trompe. Dans ce milieu où rien ne se dit, rien ne se montre, on ravale tout, on est digne. La femme porte la croix, elle a le droit de se taire, l'homme a le droit de tout faire. Son fils, son trésor, lui, a tout vu et tout compris de ces bassesses bourgeoises, des pleurs de sa mère, des infidélités de son père. Le jour de ses 9 ans, il va révéler tout ce qu'il a reçu. Cette mère qui n'a jamais rien dit, voit d'un seul coup qu'elle est démasquée, et cela se finira par un drame.
Le public d'aujourd'hui se retrouve-t-il dans ce thème d'une bourgeoisie que Vitrac dénonce ?
Il y a des bobos certes, mais encore des familles "bien pensantes". Que l'on soit bobo ou grand bourgeois, il n'y a rien de nouveau sous le soleil quant au couple, la situation des mères, des femmes, l'éducation. La société a évolué, mais le fond reste le même. Et le regard d'un enfant sur ses parents lorsqu'il comprend, est toujours aussi révolté. C'est d'un modernisme incroyable. En ce début de siècle c'est, à la manière de Dali ou Picasso, que Vitrac touche à la réalité.
Philippe Uchan : le père
Quel est le monde de Victor ?
Victor est un personnage qui doit être joué par un adulte ; un enfant joué comme un adulte. Il a un regard très critique sur les personnes qui l'entourent et sur les pièges dans lesquels s'enfoncent les adultes. Le surréalisme est un hymne à l'enfance et à la folie. Les adultes perdent leur fantaisie là où les enfants et les fous la gardent. Dans cette pièce, le fou et l'enfant s'entendent très bien. Je joue le père de cet enfant, pris dans tous les codes. Je trompe ma femme avec remords, c'est un peu minable. Une culpabilité bourgeoise par excellence ! Vitrac déboulonne les codes bourgeois.
Vous avez beaucoup joué sous la direction d'Alain Sachs. Comment naît une création comique chez lui ?
Il a le don de constituer de bonnes équipes, de les mettre dans un contexte favorable, de décors, des costumes ; c'est très confortable. C'est un très bon spectateur comique : il prend des gens dont il sait qu'il pourra user de leur fantaisie, et dit peu de choses. Je lui propose beaucoup, il me laisse faire, il s'amuse... ou pas. J'ai l'impression de faire une grande partie du travail : nous avons une relation de totale confiance !
metteur en scène
Cette pièce a une importance dans l'histoire de la pensée moderne...
C'est une pièce d'une énorme complexité, car elle est à la fois surréaliste, l'expression du subconscient, mais aussi totalement structurée. Vitrac était un admirateur de Feydeau, et il y a des références à ce théâtre bourgeois, jusque dans des canulars à la limite du scatologique. C'est donc une pièce qui est à un carrefour. Mais l'acte théâtral, forcément structuré, ne pouvait faire partie du surréalisme. Vitrac a été viré du mouvement surréaliste.
Comment, en 2007, allez-vous restituer cette pièce ?
L'action se passe avant la Première Guerre. On ne peut la monter en dehors de son contexte si l'on veut souligner la modernité du texte. De plus, le mélange de satire sociale et de surréalisme a créé une forme d'une originalité incroyable. Il y a un rapport omniprésent entre un "je construis une histoire" et le "je fais exploser les règles du discours". C'est cela que j'ai voulu restituer, et la modernité est là. Cette pièce était un pavé dans la mare, une bombe atomique. C'est intéressant culturellement et intellectuellement, Vitrac prend un thème fondateur, le regard de l'enfance sur la comédie des adultes. Et cela est intemporel.
Un succès, c'est aussi une distribution très choisie ?
On choisit un acteur pour sa pratique de théâtre, de composition, ou pour son naturel, son effet de réel. Il en faut certains qui font la basse, pour permettre aux autres de faire des variations et des ornements autour. On obtient alors un parfait équilibre. Quand je marie Cerise à Philippe Uchan, ce sont des pratiques de théâtre qui sont différentes... Cette pièce est une tragédie comique. Dans le subventionné, on en fait toujours ressortir la noirceur, mais il n'est pas juste d'en faire une œuvre ténébreuse à 100 %, tout comme il n'est pas juste de la dépouiller de toute sa gravité. Ce qui me plaît c'est de trouver une place au milieu de tout cela.
Cerise :
la mère
Que dites-vous de la famille de Victor ?
Je suis la mère de Victor. J'ai épousé un coureur de dot, qui me trompe. Dans ce milieu où rien ne se dit, rien ne se montre, on ravale tout, on est digne. La femme porte la croix, elle a le droit de se taire, l'homme a le droit de tout faire. Son fils, son trésor, lui, a tout vu et tout compris de ces bassesses bourgeoises, des pleurs de sa mère, des infidélités de son père. Le jour de ses 9 ans, il va révéler tout ce qu'il a reçu. Cette mère qui n'a jamais rien dit, voit d'un seul coup qu'elle est démasquée, et cela se finira par un drame.
Le public d'aujourd'hui se retrouve-t-il dans ce thème d'une bourgeoisie que Vitrac dénonce ?
Il y a des bobos certes, mais encore des familles "bien pensantes". Que l'on soit bobo ou grand bourgeois, il n'y a rien de nouveau sous le soleil quant au couple, la situation des mères, des femmes, l'éducation. La société a évolué, mais le fond reste le même. Et le regard d'un enfant sur ses parents lorsqu'il comprend, est toujours aussi révolté. C'est d'un modernisme incroyable. En ce début de siècle c'est, à la manière de Dali ou Picasso, que Vitrac touche à la réalité.
Philippe Uchan : le père
Quel est le monde de Victor ?
Victor est un personnage qui doit être joué par un adulte ; un enfant joué comme un adulte. Il a un regard très critique sur les personnes qui l'entourent et sur les pièges dans lesquels s'enfoncent les adultes. Le surréalisme est un hymne à l'enfance et à la folie. Les adultes perdent leur fantaisie là où les enfants et les fous la gardent. Dans cette pièce, le fou et l'enfant s'entendent très bien. Je joue le père de cet enfant, pris dans tous les codes. Je trompe ma femme avec remords, c'est un peu minable. Une culpabilité bourgeoise par excellence ! Vitrac déboulonne les codes bourgeois.
Vous avez beaucoup joué sous la direction d'Alain Sachs. Comment naît une création comique chez lui ?
Il a le don de constituer de bonnes équipes, de les mettre dans un contexte favorable, de décors, des costumes ; c'est très confortable. C'est un très bon spectateur comique : il prend des gens dont il sait qu'il pourra user de leur fantaisie, et dit peu de choses. Je lui propose beaucoup, il me laisse faire, il s'amuse... ou pas. J'ai l'impression de faire une grande partie du travail : nous avons une relation de totale confiance !
Paru le 26/09/2007
(16 notes) THÉÂTRE ANTOINE Du jeudi 6 septembre au dimanche 30 décembre 2007
COMÉDIE DRAMATIQUE. Victor, 1 mètre 80, culotte courte et veste étroite, fête ses 9 ans. Totor, comme l'appelle affectueusement la bonne, mène son monde par le bout du nez et porte sur les adultes qui l'entourent un regard sans concession. La fête commence dans le champagne et se termine dans le sang.
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