Dossier par Alain Bugnard
Spécial coups de cœur
Voici neuf comédiennes et comédiens que nous apprécions particulièrement, tant pour leur talent d'acteur(rice)s que pour leurs qualités humaines, et que nous tenions à vous faire redécouvrir dans ce dossier spécial à l'occasion des créations qu'ils défendent cet hiver...
Bunny Godillot
pour "Chat et Souris"
Elle fut Roxane dans Cyrano de Bergerac auprès de Jean-Paul Belmondo, maître d'œuvre de Nijinski, la dernière danse, féerie d'ouverture du Festival d'Uzès de 2003, ou encore créatrice de Marie-Antoinette l'étrangère, vibrante évocation de la vie de femme de la dernière de nos reines de France. Avec plus d'une corde à son arc et du talent à revendre, Bunny Godillot revient pour nous sur sa "folle" expérience aux côtés de Jean-Luc Moreau et Francis Perrin pour Chat et Souris à La Michodière, suite de la comédie à succès Stationnement alterné. Nous y retrouvons vingt ans plus tard Jean Martin, chauffeur de taxi, toujours partagé entre son épouse de Montreuil et celle d'Ivry. Entre-temps, les fruits de ses amours ont grandi, et pour son plus grand malheur, Jean apprend qu'une idylle pourrait naître entre son fils et sa fille via Internet ! "Je découvre Ray Cooney, un auteur monumental en Angleterre et aux États-Unis. Bien que je sois plus attirée par les textes dramatiques, j'ai trouvé cette pièce irrésistible, drôle et, surtout, tellement atypique que la monter relève du défi ! Nous sommes au-delà de la comédie, c'est une histoire de fous, burlesque dans la lignée des films des Marx Brothers. Il n'y a aucun second degré, ce dont nous n'avons plus l'habitude aujourd'hui. Rien ne compte que les situations et les quiproquos. C'est un enchaînement d'actions-réactions, déclenchées par le personnage de Jean-Luc Moreau. Les personnages sont entraînés dans un tourbillon où ils ne comprennent rien à ce qui leur arrive, et tout le monde, dépassé, finit par disjoncter !" Prochainement à l'affiche de France 2, Bunny sera de La Dame de chez Maxim, nouveau film de France Perrin, et de la série Aïcha, de Yamina Benguigui. Également en préparation, 44, son deuxième long-métrage, ou le parcours d'une photographe de guerre pendant la Libération, avec Julie Delpy et François Berléand. (A.B.)
Jean-Marie Lamour
pour "Le Jeu 2 la vérité"
Fort de ses 300 000 spectateurs et d'un public qui en redemandait, l'attachante équipe du Jeu de la vérité vient d'investir le Théâtre de la Renaissance pour la suite de ses aventures, avec une nouvelle recrue, Jean-Marie Lamour, comédien sensible et généreux qui fut notamment Jésus pour Robert Hossein ou, plus récemment, partenaire de Gérard Rinaldi dans Le Canard à l'orange. "À l'époque du Jeu de la vérité, mon ami Christian Vadim m'a présenté Philippe Lellouche. Je jouais alors dans Le Canard à l'orange et ces deux pièces étaient celles qui rencontraient le plus de succès ! C'était la guéguerre mais avec beaucoup de tendresse ! Puis Philippe m'a proposé de remplacer David Brécourt qui n'était pas disponible pour la suite. Ce qui me charme dans cette série, c'est bien sûr, l'écriture de Philippe, fertile en rebondissements, mais, surtout, cette amitié et cet amour véritables que l'on sent entre ces quadragénaires, à une époque où l'on zappe très rapidement les autres, où on ne prend plus le temps de les connaître et donc de les aimer. À ce titre, Fabrice, mon personnage, n'est pas quelqu'un de très attrayant puisque c'est le ronchon de la bande. Sa vie est très rangée, il est directeur de cabinet, sa femme attend un troisième enfant. Il suit un parcours tracé et le seul moment où il peut se lâcher c'est avec ses amis d'enfance. Malgré son caractère difficile, c'est un personnage qu'on arrive à faire aimer car c'est un hypersensible. En ce sens, la pièce va au-delà du leurre, de l'apparence. Philippe écrit avec un souci d'authenticité, de sincérité, ses pièces ont une âme et je pense que c'est de là qu'elles tiennent leur succès. Et les réactions du public sont à la hauteur de nos espérances !" (A.B.)
Fabienne Chaudat
Si Fabienne Chaudat, comédienne à la personnalité tendre et chaleureuse, nous a davantage habitués à nous faire rire, notamment avec les mots de Guitry ou Feydeau mis en scène par Bernard Murat, nous avons le plaisir de la redécouvrir dans un répertoire plus sombre, avec le personnage de Lili, la gouvernante de la maison où sévit le terrible Victor de Roger Vitrac, au Théâtre Antoine. "Je suis la gouvernante de la maison, m'occupe de Victor et suis dans un état de contrariété profond car il a mis la maison sens dessus dessous pour organiser son anniversaire. Comme il est fils unique, intelligent et gâté par ses parents, je suis obligée de le laisser faire, mais il va pousser le bouchon tellement loin que ses proches vont disjoncter un par un ! Comme je suis la plus terre-à-terre de tous et que je peux porter un regard extérieur sur la situation, je finis par me rendre compte que cette folie va prendre des proportions dramatiques et les tuer... On se demande comment Vitrac a osé dénoncer à l'époque, à travers le regard d'un enfant, les travers de la société, de la bourgeoisie, du couple. Et Victor, témoin de toutes les hypocrisies, des désirs, des faiblesses, du mensonge, de l'adultère, choisit de refuser de grandir. On imagine le pavé dans la mare que fut ce spectacle à sa création en 1928 d'autant que c'étaient précisément les bourgeois qui allaient au théâtre ! Aujourd'hui, le spectacle est essentiellement monté dans le subventionné de façon plutôt lugubre. Alain Sachs au contraire, tout en conservant l'essence du texte et des personnages, réussit à nous faire rire alors que c'est à se flinguer ! C'est du théâtre surréaliste. La génération télévision regarde des choses évidentes, formatées où les gentils et méchants sont immédiatement identifiés, et la réflexion est inexistante. La pièce choque moins qu'à l'époque tout en restant d'actualité, mais peut laisser le spectateur décontenancé. On sent aux saluts qu'ils ont vécu une expérience très forte." (A.B.)
Roger Miremont
pour Le Molière imaginaire
Ancien pensionnaire de la Comédie-Française, dirigé par Jean-Michel Ribes, Pierre Mondy, Michel Fagadau, partenaire de Jacqueline Maillan... Est-il encore nécessaire de présenter le comédien aux multiples facettes et talents qu'est Roger Miremont ? Il reprend cet automne au théâtre des Mathurins, en compagnie de Benoît Solès, sous la direction et la nouvelle mise en scène de Roger Louret, le rôle tenu l'an dernier par Pierre Santini dans Le Molière imaginaire, brûlante et subtile confrontation entre le Roi-Soleil et le maître du théâtre français. "La pièce relate notamment l'affaire Tartuffe et évoque les relations entretenues par les deux hommes telles que nous les supposons - peu d'éléments de la vie privée de Molière nous étant connus. On peut toutefois imaginer qu'il avait un rapport privilégié avec le roi : il était son tapissier, c'est-à-dire qu'il avait le privilège de faire son lit et de dîner en tête à tête à sa table. Il nous est aussi permis de penser que Louis XIV - fin danseur et acteur de ses spectacles - lui a suggéré d'écrire Tartuffe, pour dénoncer les travers de la 'vieille cour'. Et s'il a interdit Tartuffe dans un premier temps, il a tout de même fini par lui donner l'autorisation de le jouer. La pièce évoque à merveille leur rapport de force, leurs duels, leurs règlements de comptes, leurs jeux de rôle... J'ai été Molière pour mes débuts à la télé, dans une réalisation de Marcel Camus. Je suis très heureux de le retrouver. Je me sens en accord avec ce personnage de grand valet : il y a entre nous un fond de bougonnerie commun ! Longtemps, je fus naïf et maintenant je suis un joyeux pessimiste, passé de la candeur béate à la misanthropie légère. J'apprécie particulièrement deux alexandrins de la pièce : 'Je cherche une caverne où fuir tous ces humains / Qui mentent en dansant au son des baise-mains !'" (A.B.)
Muranyi Kovacs
pour Le Professionnel
Frimousse d'ange, personnalité vive et pénétrante, Muranyi Kovacs vogue avec élégance entre théâtre privé et subventionné. Elle débute dans La Cerisaie, partage trois années durant la complicité de Suzanne Flon sur La Chambre d'amis, "un être d'une humanité rare, très créative et d'une immense générosité... rencontre fondatrice pour la jeune comédienne que j'étais" et collabore régulièrement avec la metteuse en scène Agnès Bourgeois (La Demande en mariage, Seven Lears). Nous la retrouvons sur la scène du Rive Gauche, aux côtés de Jean-Pierre Kalfon et sur une mise en scène de Stephan Meldegg, pour Le Professionnel : "Ce texte est assez surprenant, à la fois mystérieux et drôle, porteur d'une véritable réflexion. Il fait écho à mes origines hongroises. Mon père ayant quitté la Hongrie en 1956, j'ai toujours été concernée par les angoisses liées au Rideau de fer, que les nouvelles générations ont peut-être du mal à appréhender. La pièce se déroule à l'époque de Milosevic. Luca (Jean-Pierre Kalfon), personnage obscur, arrive sur scène lesté de révélations dont nous ignorons la nature. Je tiens le rôle de Martha, la secrétaire de Théodore, le rédacteur en chef d'une maison d'édition qui reçoit Luca. J'entretiens avec lui un lien personnel dont on ne mesure pas exactement la nature. Tout au long de la pièce, mon personnage ainsi que celui du 'fou' viennent perturber leur face-à-face et enrichissent cette étrange relation. Le travail de répétition fut riche et la délicatesse et les qualités de direction de Stephan Meldegg ont créé un véritable esprit de troupe." (A.B.)
Aurélien Wiik
pour L'Autre
Comédien énergique et généreux, Aurélien Wiik, fut de la longue et heureuse aventure des Amazones. Nous le retrouverons bientôt au cinéma dans Secret défense de Philippe Haïm, fiction documentée sur les services secrets français et la menace terroriste, avec Gérard Lanvin. En attendant, il reprend au Studio des Champs-Élysées le rôle qu'il avait tenu en 2005 dans L'Autre de Florian Zeller : "Quand j'ai découvert cette pièce dans laquelle je ne jouais pas lors de ses premières représentations, je me suis tellement reconnu dans l'écriture de Florian que j'ai tout fait pour travailler avec lui ! Nous avons depuis tissé une aventure et une relation qui vont au-delà de cette pièce : c'est une véritable rencontre entre un auteur et un acteur. Cette version est totalement différente de la première. Déjà, parce que Florian succède à Annick Blancheteau à la mise en scène et qu'il a choisi de s'entourer cette fois de jeunes comédiens pour donner à voir cette énergie avec laquelle on aime quand on a 20 ans. Par ailleurs, Sara Forestier et Stanislas Merhar viennent du cinéma et montent pour la première fois sur scène : la relation aux mots n'étant pas la même, c'est une manière de jouer beaucoup plus sauvage et instinctive. Il n'y a plus comme décor que les lumières. Nous gommons de plus en plus les frontières entre rêve et réalité pour laisser le public encore plus libre dans ses interprétations. Je suis le seul à tenir plusieurs rôles. Le personnage de L'Autre est celui de l'amant, du troisième, celui qui s'immisce dans un couple et le chamboule. Mais L'Autre devient aussi le visage, la matérialisation des pensées, des ressentiments d'Elle et de Lui. On passe de scènes où l'on se dit véritablement les choses à des scènes de non-dits dont on ne sait jamais si elles sont fantasmes ou situations réellement vécues. L'Autre incarne alors la solitude, la pulsion suicidaire... Mise en abyme qui porte incontestablement la touche Zeller !" (A.B.)
Gérard Darier
pour Le Système Ribadier
Depuis quelques années déjà, Gérard Darier, au théâtre du moins, se consacre à ses propres pièces, ne jouant plus qu'occasionnellement les textes qu'il écrit et met en scène avec un plaisir manifeste et qui, de Sacrés Jeudis aux Co-propriétaires, lui ont valu de jolis succès en France, mais aussi à l'étranger : "En avril, je vais aller à Rome pour la première de Jours de solde, ma nouvelle pièce, alors que j'ai un mal fou à la monter à Paris...", explique-t-il, entre fierté et dépit. Alors le retrouver chez Feydeau, sous la direction de Christian Bujeau et accompagné de Bruno Solo et Léa Drucker, fait figure de petit événement. "J'adore Feydeau. À mon niveau, très modestement, je me sens comme auteur une parenté avec lui, avec cette folie qui saisit tous ses personnages et qui les met en permanence sur le bord de la cohérence, de l'absurde, comme dans la vie. Ils ont tous 38,5 ºC de température ! Alors quand Christian m'a proposé ce rôle épique de marchand de vin, je n'ai pas hésité. D'autant que je savais qu'il instaurerait un climat de troupe comme je les aime, où l'on ne s'embarrasse pas de questions secondaires." Alors, acteur, auteur, metteur en scène ? "Je me considère comme un comédien qui écrit des pièces. Ce sont les circonstances qui m'ont amené à le faire, et c'est chaque fois pour moi une aventure de longue haleine qui me prend plusieurs années. Mais je suis têtu ! Quant à la mise en scène, c'est à la suite d'une expérience malheureuse où j'avais l'impression de voir l'une de mes pièces tirée dans une mauvaise direction que je m'y suis mis. Un metteur en scène qui a une vision personnelle d'une pièce, ça peut convenir pour de grands textes. Mais du Darier, c'est trop fragile, ça ne résiste pas : si on retire un cheveu, tout s'écroule !" (D.R.B.)
Patrick Haudecœur
pour La Valse des pingouins
Donner un âge à Patrick Haudecœur tient de la mission impossible. A-t-il 20 ans, 30 ans, 40 ou plus, ce garçon au visage lunaire qui est à l'origine de quelques-uns des succès les plus inattendus des scènes parisiennes, les délicieusement chantants Frou-Frou-les-Bains hier, et La Valse des pingouins, aujourd'hui. "C'est la musique qui me sert de base quand j'imagine un spectacle. Pas la musique qu'on retrouve dans ces pièces, ce n'est pas ce que j'écoute en priorité, mais une phrase musicale d'un morceau de jazz ou d'une musique romantique qui me donne une idée. Ça peut être aussi un extrait de film qui déclenche quelque chose, ou une émission de télé. C'est assez mystérieux. Pour La Valse des pingouins, je suis parti à la fois de l'idée de la valse, de l'envie de faire une pièce décalée qui serait une sorte de parodie des valses de Vienne, et d'une commande d'une pièce avec des chansons : la chanson, c'est un plus de burlesque, d'autant que je n'utilise pas des chanteurs mais des comédiens qui chantent. L'exigence, c'est qu'on chante juste et en rythme ; après, belle voix ou pas, on s'en tape : on ne fait pas une opérette ou une comédie musicale. Ensuite, j'ai développé un personnage, le mien, qui se sent en dehors de la fête, un peu comme Peter Sellers dans The Party. Et puis, tout ça s'est nourri d'autres références, Laurel et Hardy, un documentaire sur les gorilles, etc." À cette partition d'auteur, Patrick Haudecœur ajoute une nature d'acteur irrésistible exercée sur scène dès l'âge de 10 ans. "Je n'ai jamais pris de cours mais j'ai toujours joué, j'ai toujours voulu faire ça", explique celui qui rêve désormais de cinéma et va bientôt se retrouver devant la caméra de Jean-Michel Ribes pour l'adaptation de Musée haut, musée bas. (D.R.B.)
François-Éric Gendron
pour Les Belles-Sœurs
Cela faisait vingt ans que François-Éric Gendron n'était pas monté sur les planches. "Mais maintenant, je ne lâche plus le théâtre, s'exclame le comédien. C'est trop bon, l'adrénaline, le travail en commun, le public ! Je retrouve mes années de Conservatoire et j'aime tout : être dans ma loge avant le spectacle, entendre les bruits derrière le rideau, cette gnaque qu'il faut pour y aller ! C'est comme si j'avais beaucoup erré en faisant plein d'expériences passionnantes au cinéma, à la télévision, à l'étranger aussi car j'ai beaucoup travaillé en Italie, en Espagne, aux États-Unis, et que c'était comme un aboutissement évident, comme si je me trouvais enfin vraiment." Pour autant, pas question pour celui qui se verrait bien "dans trois ou quatre ans reprendre Arts de Yasmina Reza ou Le Libertin d'Éric-Emmanuel Schmitt" de renoncer à mener de front sa carrière audiovisuelle. La preuve ? Alors qu'il est sur scène tous les soirs, il tourne chaque jour les nouveaux épisodes de sa série fétiche, Avocats et associés. "Je n'ai pas l'impression que c'est très différent de jouer sur scène ou de tourner. Moi, en tout cas, je joue de la même façon. Et puis, d'une certaine manière, Avocats... m'a bien préparé car à la télévision, on n'a pas de répétition, il faut être toujours très disponible, très réactif, donc là, un mois et demi pour me préparer, c'était royal !" Sur scène, il développe une veine comique qu'on ne lui soupçonnait peut-être pas : "Je n'ai pas la prétention de savoir tout jouer, mais il y a des registres où je pense pouvoir apporter quelque chose, comme là, cette forme de lâcheté, ce cynisme masculin, ces faiblesses qui sont aussi celles de Robert dans Avocats... J'aime beaucoup cette façon de faire des hommes des antihéros. Et puis, entre nous, faire rire, c'est très bon. Je découvre et je n'ai pas envie d'arrêter..." (D.R.B.)
Alain Bugnard et Didier Roth-Bettoni
pour "Chat et Souris"
Elle fut Roxane dans Cyrano de Bergerac auprès de Jean-Paul Belmondo, maître d'œuvre de Nijinski, la dernière danse, féerie d'ouverture du Festival d'Uzès de 2003, ou encore créatrice de Marie-Antoinette l'étrangère, vibrante évocation de la vie de femme de la dernière de nos reines de France. Avec plus d'une corde à son arc et du talent à revendre, Bunny Godillot revient pour nous sur sa "folle" expérience aux côtés de Jean-Luc Moreau et Francis Perrin pour Chat et Souris à La Michodière, suite de la comédie à succès Stationnement alterné. Nous y retrouvons vingt ans plus tard Jean Martin, chauffeur de taxi, toujours partagé entre son épouse de Montreuil et celle d'Ivry. Entre-temps, les fruits de ses amours ont grandi, et pour son plus grand malheur, Jean apprend qu'une idylle pourrait naître entre son fils et sa fille via Internet ! "Je découvre Ray Cooney, un auteur monumental en Angleterre et aux États-Unis. Bien que je sois plus attirée par les textes dramatiques, j'ai trouvé cette pièce irrésistible, drôle et, surtout, tellement atypique que la monter relève du défi ! Nous sommes au-delà de la comédie, c'est une histoire de fous, burlesque dans la lignée des films des Marx Brothers. Il n'y a aucun second degré, ce dont nous n'avons plus l'habitude aujourd'hui. Rien ne compte que les situations et les quiproquos. C'est un enchaînement d'actions-réactions, déclenchées par le personnage de Jean-Luc Moreau. Les personnages sont entraînés dans un tourbillon où ils ne comprennent rien à ce qui leur arrive, et tout le monde, dépassé, finit par disjoncter !" Prochainement à l'affiche de France 2, Bunny sera de La Dame de chez Maxim, nouveau film de France Perrin, et de la série Aïcha, de Yamina Benguigui. Également en préparation, 44, son deuxième long-métrage, ou le parcours d'une photographe de guerre pendant la Libération, avec Julie Delpy et François Berléand. (A.B.)
Jean-Marie Lamour
pour "Le Jeu 2 la vérité"
Fort de ses 300 000 spectateurs et d'un public qui en redemandait, l'attachante équipe du Jeu de la vérité vient d'investir le Théâtre de la Renaissance pour la suite de ses aventures, avec une nouvelle recrue, Jean-Marie Lamour, comédien sensible et généreux qui fut notamment Jésus pour Robert Hossein ou, plus récemment, partenaire de Gérard Rinaldi dans Le Canard à l'orange. "À l'époque du Jeu de la vérité, mon ami Christian Vadim m'a présenté Philippe Lellouche. Je jouais alors dans Le Canard à l'orange et ces deux pièces étaient celles qui rencontraient le plus de succès ! C'était la guéguerre mais avec beaucoup de tendresse ! Puis Philippe m'a proposé de remplacer David Brécourt qui n'était pas disponible pour la suite. Ce qui me charme dans cette série, c'est bien sûr, l'écriture de Philippe, fertile en rebondissements, mais, surtout, cette amitié et cet amour véritables que l'on sent entre ces quadragénaires, à une époque où l'on zappe très rapidement les autres, où on ne prend plus le temps de les connaître et donc de les aimer. À ce titre, Fabrice, mon personnage, n'est pas quelqu'un de très attrayant puisque c'est le ronchon de la bande. Sa vie est très rangée, il est directeur de cabinet, sa femme attend un troisième enfant. Il suit un parcours tracé et le seul moment où il peut se lâcher c'est avec ses amis d'enfance. Malgré son caractère difficile, c'est un personnage qu'on arrive à faire aimer car c'est un hypersensible. En ce sens, la pièce va au-delà du leurre, de l'apparence. Philippe écrit avec un souci d'authenticité, de sincérité, ses pièces ont une âme et je pense que c'est de là qu'elles tiennent leur succès. Et les réactions du public sont à la hauteur de nos espérances !" (A.B.)
Fabienne Chaudat
Si Fabienne Chaudat, comédienne à la personnalité tendre et chaleureuse, nous a davantage habitués à nous faire rire, notamment avec les mots de Guitry ou Feydeau mis en scène par Bernard Murat, nous avons le plaisir de la redécouvrir dans un répertoire plus sombre, avec le personnage de Lili, la gouvernante de la maison où sévit le terrible Victor de Roger Vitrac, au Théâtre Antoine. "Je suis la gouvernante de la maison, m'occupe de Victor et suis dans un état de contrariété profond car il a mis la maison sens dessus dessous pour organiser son anniversaire. Comme il est fils unique, intelligent et gâté par ses parents, je suis obligée de le laisser faire, mais il va pousser le bouchon tellement loin que ses proches vont disjoncter un par un ! Comme je suis la plus terre-à-terre de tous et que je peux porter un regard extérieur sur la situation, je finis par me rendre compte que cette folie va prendre des proportions dramatiques et les tuer... On se demande comment Vitrac a osé dénoncer à l'époque, à travers le regard d'un enfant, les travers de la société, de la bourgeoisie, du couple. Et Victor, témoin de toutes les hypocrisies, des désirs, des faiblesses, du mensonge, de l'adultère, choisit de refuser de grandir. On imagine le pavé dans la mare que fut ce spectacle à sa création en 1928 d'autant que c'étaient précisément les bourgeois qui allaient au théâtre ! Aujourd'hui, le spectacle est essentiellement monté dans le subventionné de façon plutôt lugubre. Alain Sachs au contraire, tout en conservant l'essence du texte et des personnages, réussit à nous faire rire alors que c'est à se flinguer ! C'est du théâtre surréaliste. La génération télévision regarde des choses évidentes, formatées où les gentils et méchants sont immédiatement identifiés, et la réflexion est inexistante. La pièce choque moins qu'à l'époque tout en restant d'actualité, mais peut laisser le spectateur décontenancé. On sent aux saluts qu'ils ont vécu une expérience très forte." (A.B.)
Roger Miremont
pour Le Molière imaginaire
Ancien pensionnaire de la Comédie-Française, dirigé par Jean-Michel Ribes, Pierre Mondy, Michel Fagadau, partenaire de Jacqueline Maillan... Est-il encore nécessaire de présenter le comédien aux multiples facettes et talents qu'est Roger Miremont ? Il reprend cet automne au théâtre des Mathurins, en compagnie de Benoît Solès, sous la direction et la nouvelle mise en scène de Roger Louret, le rôle tenu l'an dernier par Pierre Santini dans Le Molière imaginaire, brûlante et subtile confrontation entre le Roi-Soleil et le maître du théâtre français. "La pièce relate notamment l'affaire Tartuffe et évoque les relations entretenues par les deux hommes telles que nous les supposons - peu d'éléments de la vie privée de Molière nous étant connus. On peut toutefois imaginer qu'il avait un rapport privilégié avec le roi : il était son tapissier, c'est-à-dire qu'il avait le privilège de faire son lit et de dîner en tête à tête à sa table. Il nous est aussi permis de penser que Louis XIV - fin danseur et acteur de ses spectacles - lui a suggéré d'écrire Tartuffe, pour dénoncer les travers de la 'vieille cour'. Et s'il a interdit Tartuffe dans un premier temps, il a tout de même fini par lui donner l'autorisation de le jouer. La pièce évoque à merveille leur rapport de force, leurs duels, leurs règlements de comptes, leurs jeux de rôle... J'ai été Molière pour mes débuts à la télé, dans une réalisation de Marcel Camus. Je suis très heureux de le retrouver. Je me sens en accord avec ce personnage de grand valet : il y a entre nous un fond de bougonnerie commun ! Longtemps, je fus naïf et maintenant je suis un joyeux pessimiste, passé de la candeur béate à la misanthropie légère. J'apprécie particulièrement deux alexandrins de la pièce : 'Je cherche une caverne où fuir tous ces humains / Qui mentent en dansant au son des baise-mains !'" (A.B.)
Muranyi Kovacs
pour Le Professionnel
Frimousse d'ange, personnalité vive et pénétrante, Muranyi Kovacs vogue avec élégance entre théâtre privé et subventionné. Elle débute dans La Cerisaie, partage trois années durant la complicité de Suzanne Flon sur La Chambre d'amis, "un être d'une humanité rare, très créative et d'une immense générosité... rencontre fondatrice pour la jeune comédienne que j'étais" et collabore régulièrement avec la metteuse en scène Agnès Bourgeois (La Demande en mariage, Seven Lears). Nous la retrouvons sur la scène du Rive Gauche, aux côtés de Jean-Pierre Kalfon et sur une mise en scène de Stephan Meldegg, pour Le Professionnel : "Ce texte est assez surprenant, à la fois mystérieux et drôle, porteur d'une véritable réflexion. Il fait écho à mes origines hongroises. Mon père ayant quitté la Hongrie en 1956, j'ai toujours été concernée par les angoisses liées au Rideau de fer, que les nouvelles générations ont peut-être du mal à appréhender. La pièce se déroule à l'époque de Milosevic. Luca (Jean-Pierre Kalfon), personnage obscur, arrive sur scène lesté de révélations dont nous ignorons la nature. Je tiens le rôle de Martha, la secrétaire de Théodore, le rédacteur en chef d'une maison d'édition qui reçoit Luca. J'entretiens avec lui un lien personnel dont on ne mesure pas exactement la nature. Tout au long de la pièce, mon personnage ainsi que celui du 'fou' viennent perturber leur face-à-face et enrichissent cette étrange relation. Le travail de répétition fut riche et la délicatesse et les qualités de direction de Stephan Meldegg ont créé un véritable esprit de troupe." (A.B.)
Aurélien Wiik
pour L'Autre
Comédien énergique et généreux, Aurélien Wiik, fut de la longue et heureuse aventure des Amazones. Nous le retrouverons bientôt au cinéma dans Secret défense de Philippe Haïm, fiction documentée sur les services secrets français et la menace terroriste, avec Gérard Lanvin. En attendant, il reprend au Studio des Champs-Élysées le rôle qu'il avait tenu en 2005 dans L'Autre de Florian Zeller : "Quand j'ai découvert cette pièce dans laquelle je ne jouais pas lors de ses premières représentations, je me suis tellement reconnu dans l'écriture de Florian que j'ai tout fait pour travailler avec lui ! Nous avons depuis tissé une aventure et une relation qui vont au-delà de cette pièce : c'est une véritable rencontre entre un auteur et un acteur. Cette version est totalement différente de la première. Déjà, parce que Florian succède à Annick Blancheteau à la mise en scène et qu'il a choisi de s'entourer cette fois de jeunes comédiens pour donner à voir cette énergie avec laquelle on aime quand on a 20 ans. Par ailleurs, Sara Forestier et Stanislas Merhar viennent du cinéma et montent pour la première fois sur scène : la relation aux mots n'étant pas la même, c'est une manière de jouer beaucoup plus sauvage et instinctive. Il n'y a plus comme décor que les lumières. Nous gommons de plus en plus les frontières entre rêve et réalité pour laisser le public encore plus libre dans ses interprétations. Je suis le seul à tenir plusieurs rôles. Le personnage de L'Autre est celui de l'amant, du troisième, celui qui s'immisce dans un couple et le chamboule. Mais L'Autre devient aussi le visage, la matérialisation des pensées, des ressentiments d'Elle et de Lui. On passe de scènes où l'on se dit véritablement les choses à des scènes de non-dits dont on ne sait jamais si elles sont fantasmes ou situations réellement vécues. L'Autre incarne alors la solitude, la pulsion suicidaire... Mise en abyme qui porte incontestablement la touche Zeller !" (A.B.)
Gérard Darier
pour Le Système Ribadier
Depuis quelques années déjà, Gérard Darier, au théâtre du moins, se consacre à ses propres pièces, ne jouant plus qu'occasionnellement les textes qu'il écrit et met en scène avec un plaisir manifeste et qui, de Sacrés Jeudis aux Co-propriétaires, lui ont valu de jolis succès en France, mais aussi à l'étranger : "En avril, je vais aller à Rome pour la première de Jours de solde, ma nouvelle pièce, alors que j'ai un mal fou à la monter à Paris...", explique-t-il, entre fierté et dépit. Alors le retrouver chez Feydeau, sous la direction de Christian Bujeau et accompagné de Bruno Solo et Léa Drucker, fait figure de petit événement. "J'adore Feydeau. À mon niveau, très modestement, je me sens comme auteur une parenté avec lui, avec cette folie qui saisit tous ses personnages et qui les met en permanence sur le bord de la cohérence, de l'absurde, comme dans la vie. Ils ont tous 38,5 ºC de température ! Alors quand Christian m'a proposé ce rôle épique de marchand de vin, je n'ai pas hésité. D'autant que je savais qu'il instaurerait un climat de troupe comme je les aime, où l'on ne s'embarrasse pas de questions secondaires." Alors, acteur, auteur, metteur en scène ? "Je me considère comme un comédien qui écrit des pièces. Ce sont les circonstances qui m'ont amené à le faire, et c'est chaque fois pour moi une aventure de longue haleine qui me prend plusieurs années. Mais je suis têtu ! Quant à la mise en scène, c'est à la suite d'une expérience malheureuse où j'avais l'impression de voir l'une de mes pièces tirée dans une mauvaise direction que je m'y suis mis. Un metteur en scène qui a une vision personnelle d'une pièce, ça peut convenir pour de grands textes. Mais du Darier, c'est trop fragile, ça ne résiste pas : si on retire un cheveu, tout s'écroule !" (D.R.B.)
Patrick Haudecœur
pour La Valse des pingouins
Donner un âge à Patrick Haudecœur tient de la mission impossible. A-t-il 20 ans, 30 ans, 40 ou plus, ce garçon au visage lunaire qui est à l'origine de quelques-uns des succès les plus inattendus des scènes parisiennes, les délicieusement chantants Frou-Frou-les-Bains hier, et La Valse des pingouins, aujourd'hui. "C'est la musique qui me sert de base quand j'imagine un spectacle. Pas la musique qu'on retrouve dans ces pièces, ce n'est pas ce que j'écoute en priorité, mais une phrase musicale d'un morceau de jazz ou d'une musique romantique qui me donne une idée. Ça peut être aussi un extrait de film qui déclenche quelque chose, ou une émission de télé. C'est assez mystérieux. Pour La Valse des pingouins, je suis parti à la fois de l'idée de la valse, de l'envie de faire une pièce décalée qui serait une sorte de parodie des valses de Vienne, et d'une commande d'une pièce avec des chansons : la chanson, c'est un plus de burlesque, d'autant que je n'utilise pas des chanteurs mais des comédiens qui chantent. L'exigence, c'est qu'on chante juste et en rythme ; après, belle voix ou pas, on s'en tape : on ne fait pas une opérette ou une comédie musicale. Ensuite, j'ai développé un personnage, le mien, qui se sent en dehors de la fête, un peu comme Peter Sellers dans The Party. Et puis, tout ça s'est nourri d'autres références, Laurel et Hardy, un documentaire sur les gorilles, etc." À cette partition d'auteur, Patrick Haudecœur ajoute une nature d'acteur irrésistible exercée sur scène dès l'âge de 10 ans. "Je n'ai jamais pris de cours mais j'ai toujours joué, j'ai toujours voulu faire ça", explique celui qui rêve désormais de cinéma et va bientôt se retrouver devant la caméra de Jean-Michel Ribes pour l'adaptation de Musée haut, musée bas. (D.R.B.)
François-Éric Gendron
pour Les Belles-Sœurs
Cela faisait vingt ans que François-Éric Gendron n'était pas monté sur les planches. "Mais maintenant, je ne lâche plus le théâtre, s'exclame le comédien. C'est trop bon, l'adrénaline, le travail en commun, le public ! Je retrouve mes années de Conservatoire et j'aime tout : être dans ma loge avant le spectacle, entendre les bruits derrière le rideau, cette gnaque qu'il faut pour y aller ! C'est comme si j'avais beaucoup erré en faisant plein d'expériences passionnantes au cinéma, à la télévision, à l'étranger aussi car j'ai beaucoup travaillé en Italie, en Espagne, aux États-Unis, et que c'était comme un aboutissement évident, comme si je me trouvais enfin vraiment." Pour autant, pas question pour celui qui se verrait bien "dans trois ou quatre ans reprendre Arts de Yasmina Reza ou Le Libertin d'Éric-Emmanuel Schmitt" de renoncer à mener de front sa carrière audiovisuelle. La preuve ? Alors qu'il est sur scène tous les soirs, il tourne chaque jour les nouveaux épisodes de sa série fétiche, Avocats et associés. "Je n'ai pas l'impression que c'est très différent de jouer sur scène ou de tourner. Moi, en tout cas, je joue de la même façon. Et puis, d'une certaine manière, Avocats... m'a bien préparé car à la télévision, on n'a pas de répétition, il faut être toujours très disponible, très réactif, donc là, un mois et demi pour me préparer, c'était royal !" Sur scène, il développe une veine comique qu'on ne lui soupçonnait peut-être pas : "Je n'ai pas la prétention de savoir tout jouer, mais il y a des registres où je pense pouvoir apporter quelque chose, comme là, cette forme de lâcheté, ce cynisme masculin, ces faiblesses qui sont aussi celles de Robert dans Avocats... J'aime beaucoup cette façon de faire des hommes des antihéros. Et puis, entre nous, faire rire, c'est très bon. Je découvre et je n'ai pas envie d'arrêter..." (D.R.B.)
Alain Bugnard et Didier Roth-Bettoni
Paru le 17/11/2007