Dossier par Alain Bugnard
2 petites dames vers le Nord à la Pépinière-Opéra
“L’écriture théâtrale n’a de sens que si elle dénoue ce qui est emmêlé”
Deux sœurs célibataires à la recherche de la tombe de leur père pour y disperser les cendres de leur mère. Acceptation de la mort, réconciliation des fantômes et des vivants, tels sont les thèmes abordés avec humour, férocité et chansons par Pierre Notte, auteur du fameux "Moi aussi je suis Catherine Deneuve" et "Journalistes", sur une mise en scène de Patrice Kerbrat et, avec Catherine Salviat et Christine Murillo. Une création que l'on doit à Edy Saiovici.
Catherine Salviat
dans le rôle d'Annette
Sociétaire de la Comédie-Française jusqu'en ce début d'année, où elle jouait encore Pedro et le Commandeur, Catherine Salviat, tempérament joyeux à la tendresse bienveillante, aborde avec gourmandise les nombreuses expériences qui l'attendent dans le théâtre privé. "Pierre Notte m'a envoyé une très belle lettre pour me proposer cette pièce. J'ai immédiatement pensé à ma sœur Christine comme partenaire, ce qu'il désirait aussi ! C'est une œuvre à la fois symbolique et terrienne. Quelle que soit l'ampleur de nos malheurs, la vie continue, c'est ce qu'illustre ce texte : admettre que nos morts continuent à vivre dans notre souvenir ou que, peut-être, ils nous attendent, pour ceux qui croient au Ciel. On rit beaucoup malgré le sérieux du sujet. Les plus beaux fous rires ont souvent lieu lors des enterrements, libérant ainsi l'angoisse, la peine et le chagrin. Ce qu'il y a de paradoxal avec la mort d'un être aimé, c'est qu'elle peut générer une libération, ce qui est le cas ici. Parfois les êtres nous appartiennent encore plus morts que vivants. Annette est la sœur aînée. Elles sont comme une balance avec deux plateaux, elles s'équilibrent. Elles forment un vieux couple mais restent deux petites filles : elles ont les mêmes valeurs et vivent les situations comme deux enfants se raconteraient des histoires." Non contente d'être à l'affiche de La Pépinière, Catherine occupera dans le même temps la scène du Tallia dans un monologue d'Alain Lahaye, À la maison. À noter : la sortie en DVD de La Trilogie de la villégiature, où la comédienne s'illustra en 1978 à l'Odéon sous la direction de Giorgio Strehler qu'elle considère comme son "maître".
Christine Murillo
dans le rôle de Bernadette
Sociétaire de la Comédie-Française jusqu'en 1988, Molière 2005 de la meilleure comédienne pour Dis à ma fille que je pars en voyage, Christine Murillo, actrice généreuse, pétillante et passionnée que l'on a pu voir dernièrement dans Xu au Rond-Point (tiré du Baleinié, dictionnaire des tracas, qu'elle a écrit avec Jean-Claude Leguay et Grégoire Œstermann), remercie encore ses professeurs Jean Périmony, Louis Seigner, Jean-Paul Roussillon et Antoine Vitez. De sa longue fréquentation des planches, Christine retient les expériences "magiques" que furent Les Corbeaux avec Jean-Pierre Vincent, Ivanov avec Claude Régy ou La Baye avec Laurent Pelly. De ces Deux petites dames, Christine est la cadette. "Nous avons perdu notre mère et sommes entraînées dans une sorte de road theater ! Mais l'écriture ne suppose pas deux femmes s'apitoyant sur elles-mêmes. L'émotion vient plutôt des chansons, ritournelles que deux sœurs pourraient entonner sur la route de leurs vacances. Bernadette n'a pas eu la même vie que sa sœur. Plus libérée, elle a usé de sa liberté d'une manière peu orthodoxe. Elle s'est assagie et sa vie ressemble désormais à celle de sa sœur qui n'a, en revanche, rien osé avant la mort de leur mère. Je vais découvrir que ma vie est derrière moi tandis que la sienne débute ! Sans lui en vouloir toutefois, puisque dès lors qu'on est deux, la vie est toujours devant. J'ai joué plusieurs fois avec Catherine au Français, comme dans Dom Juan, avec Patrice Kerbrat, d'ailleurs ! Pierre n'a pas écrit cette pièce pour nous et les personnages ne nous ressemblent pas, mais notre complicité les sert incontestablement. Quant à notre plaisir d'être ensemble, il est intarissable !"
3 questions
à Pierre Notte
Pourquoi avez-vous choisi de confier cette création à Patrice Kerbrat ?
C'est un homme de lumière. Il est dans un rejet total et définitif de la nostalgie et de la mélancolie, et d'une dureté et d'une indélicatesse totales vis-à-vis de tout ce qui est de l'ordre de la convention ou de la convenance. C'est un peintre : il a imaginé des tableaux totalement surréalistes, le projet ne pouvant être envisagé que de manière poétique. Il s'est aussi approprié la pièce en y lisant des choses que je n'avais pas du tout voulu y mettre : deux petites bonnes femmes enfermées dans leur vie vont, par les épreuves qu'elles traversent, ouvrir leurs univers, leurs horizons, et se retrouver au grand air.
Quelles étaient donc vos premières intentions ?
Ma seule préoccupation était de confronter ces deux petites bonnes femmes, auxquelles je m'identifie totalement, à cette question : "Pourquoi est-il possible d'oublier l'endroit où son père a été enterré ?" C'est ce qui m'est arrivé. Le travail de l'écriture permet de résoudre ces questions. Leur recherche est celle que j'ai dû mener pour retrouver la tombe de mon père. Je me suis concentré sur quelque chose d'impudique et d'intime, une affaire familiale strictement privée qui est celle de la réconciliation avec le fantôme et notre capacité à danser avec les morts. J'ai bien sûr décidé de rire de tout cela pour ne pas entrer dans une complaisance morbide et mortifère. L'écriture théâtrale n'a de sens que si elle dénoue ce qui est emmêlé.
Quels sont vos projets ?
Nous allons chanter au mois de mai à Tokyo avec Marie Notte un récital, Sous les pierres et dans la boue, inspiré de Aucassin et Nicolette, une farce moyenâgeuse française, et le promener en tournée au Japon. Tokyo m'a aussi commandé une pièce, Pour l'amour de Gérard Philipe, qui raconte le contraire de Moi aussi je suis Catherine Deneuve. Une de mes autres pièces, Se mordre, est également jouée aux Déchargeurs.
dans le rôle d'Annette
Sociétaire de la Comédie-Française jusqu'en ce début d'année, où elle jouait encore Pedro et le Commandeur, Catherine Salviat, tempérament joyeux à la tendresse bienveillante, aborde avec gourmandise les nombreuses expériences qui l'attendent dans le théâtre privé. "Pierre Notte m'a envoyé une très belle lettre pour me proposer cette pièce. J'ai immédiatement pensé à ma sœur Christine comme partenaire, ce qu'il désirait aussi ! C'est une œuvre à la fois symbolique et terrienne. Quelle que soit l'ampleur de nos malheurs, la vie continue, c'est ce qu'illustre ce texte : admettre que nos morts continuent à vivre dans notre souvenir ou que, peut-être, ils nous attendent, pour ceux qui croient au Ciel. On rit beaucoup malgré le sérieux du sujet. Les plus beaux fous rires ont souvent lieu lors des enterrements, libérant ainsi l'angoisse, la peine et le chagrin. Ce qu'il y a de paradoxal avec la mort d'un être aimé, c'est qu'elle peut générer une libération, ce qui est le cas ici. Parfois les êtres nous appartiennent encore plus morts que vivants. Annette est la sœur aînée. Elles sont comme une balance avec deux plateaux, elles s'équilibrent. Elles forment un vieux couple mais restent deux petites filles : elles ont les mêmes valeurs et vivent les situations comme deux enfants se raconteraient des histoires." Non contente d'être à l'affiche de La Pépinière, Catherine occupera dans le même temps la scène du Tallia dans un monologue d'Alain Lahaye, À la maison. À noter : la sortie en DVD de La Trilogie de la villégiature, où la comédienne s'illustra en 1978 à l'Odéon sous la direction de Giorgio Strehler qu'elle considère comme son "maître".
Christine Murillo
dans le rôle de Bernadette
Sociétaire de la Comédie-Française jusqu'en 1988, Molière 2005 de la meilleure comédienne pour Dis à ma fille que je pars en voyage, Christine Murillo, actrice généreuse, pétillante et passionnée que l'on a pu voir dernièrement dans Xu au Rond-Point (tiré du Baleinié, dictionnaire des tracas, qu'elle a écrit avec Jean-Claude Leguay et Grégoire Œstermann), remercie encore ses professeurs Jean Périmony, Louis Seigner, Jean-Paul Roussillon et Antoine Vitez. De sa longue fréquentation des planches, Christine retient les expériences "magiques" que furent Les Corbeaux avec Jean-Pierre Vincent, Ivanov avec Claude Régy ou La Baye avec Laurent Pelly. De ces Deux petites dames, Christine est la cadette. "Nous avons perdu notre mère et sommes entraînées dans une sorte de road theater ! Mais l'écriture ne suppose pas deux femmes s'apitoyant sur elles-mêmes. L'émotion vient plutôt des chansons, ritournelles que deux sœurs pourraient entonner sur la route de leurs vacances. Bernadette n'a pas eu la même vie que sa sœur. Plus libérée, elle a usé de sa liberté d'une manière peu orthodoxe. Elle s'est assagie et sa vie ressemble désormais à celle de sa sœur qui n'a, en revanche, rien osé avant la mort de leur mère. Je vais découvrir que ma vie est derrière moi tandis que la sienne débute ! Sans lui en vouloir toutefois, puisque dès lors qu'on est deux, la vie est toujours devant. J'ai joué plusieurs fois avec Catherine au Français, comme dans Dom Juan, avec Patrice Kerbrat, d'ailleurs ! Pierre n'a pas écrit cette pièce pour nous et les personnages ne nous ressemblent pas, mais notre complicité les sert incontestablement. Quant à notre plaisir d'être ensemble, il est intarissable !"
3 questions
à Pierre Notte
Pourquoi avez-vous choisi de confier cette création à Patrice Kerbrat ?
C'est un homme de lumière. Il est dans un rejet total et définitif de la nostalgie et de la mélancolie, et d'une dureté et d'une indélicatesse totales vis-à-vis de tout ce qui est de l'ordre de la convention ou de la convenance. C'est un peintre : il a imaginé des tableaux totalement surréalistes, le projet ne pouvant être envisagé que de manière poétique. Il s'est aussi approprié la pièce en y lisant des choses que je n'avais pas du tout voulu y mettre : deux petites bonnes femmes enfermées dans leur vie vont, par les épreuves qu'elles traversent, ouvrir leurs univers, leurs horizons, et se retrouver au grand air.
Quelles étaient donc vos premières intentions ?
Ma seule préoccupation était de confronter ces deux petites bonnes femmes, auxquelles je m'identifie totalement, à cette question : "Pourquoi est-il possible d'oublier l'endroit où son père a été enterré ?" C'est ce qui m'est arrivé. Le travail de l'écriture permet de résoudre ces questions. Leur recherche est celle que j'ai dû mener pour retrouver la tombe de mon père. Je me suis concentré sur quelque chose d'impudique et d'intime, une affaire familiale strictement privée qui est celle de la réconciliation avec le fantôme et notre capacité à danser avec les morts. J'ai bien sûr décidé de rire de tout cela pour ne pas entrer dans une complaisance morbide et mortifère. L'écriture théâtrale n'a de sens que si elle dénoue ce qui est emmêlé.
Quels sont vos projets ?
Nous allons chanter au mois de mai à Tokyo avec Marie Notte un récital, Sous les pierres et dans la boue, inspiré de Aucassin et Nicolette, une farce moyenâgeuse française, et le promener en tournée au Japon. Tokyo m'a aussi commandé une pièce, Pour l'amour de Gérard Philipe, qui raconte le contraire de Moi aussi je suis Catherine Deneuve. Une de mes autres pièces, Se mordre, est également jouée aux Déchargeurs.
Paru le 04/04/2008
(37 notes) PÉPINIÈRE THÉÂTRE (LA) Du mercredi 12 mars au samedi 12 juillet 2008
COMÉDIE. Elles sont sœurs, et âgées. Un peu tassées, peut-être. Arrondies par le temps. À la mort de leur mère (quatre-vingt dix-sept ans), Annette et Bernadette réalisent qu’elles n’ont jamais revu la tombe de leur père, enterré vingt-cinq ans plus tôt du côté du Nord, région Amiens. Elles décident alors ...
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