Interview par Alain Bugnard
Catherine Jacob et Christian Charmetant
dans “Célibataires” Au Studio des Champs-Élysées
Michel et Sylvie, célibataires et employés d'une agence matrimoniale, se démènent pour trouver l'âme sœur de leurs clients au point d'en oublier leur propre vie amoureuse ! Mais à l'heure où la concurrence avec Internet fait rage, le bureau se vide et ces deux solitudes se retrouvent confrontées à elles-mêmes. Sur une mise en scène d'Anouche Setbon, Catherine Jacob et Christian Charmetant donnent corps à ces petits fonctionnaires de l'amour imaginés par le romancier David Foenkinos.
Quel est le propos de Célibataires ?
Catherine Jacob : La pièce traite de l'absence d'issue à toute velléité de vie et de construction de vie, avec ou sans amour. L'auteur ne donne pas de solution. Il décortique l'idée qu'on pourrait essayer de la trouver pour finalement nous expliquer qu'il n'y en a pas ! Ce n'est pas une pièce qui donne des leçons, elle se contente de poser deux, trois questions. On espère agacer un peu le public !
Christian Charmetant : Ce texte explique que certains êtres humains sont uniquement sur Terre pour tuer le temps. Ces deux personnages assis dans le même bureau en sont et croient, peut-être, qu'ils sont amoureux l'un de l'autre.
Ils ne savent donc pas décrypter le fond de leur cœur, même en tant que professionnels de la relation sentimentale ?!
C. J. : Ils travaillent avant tout dans un bureau de conseil. Il s'agit d'une agence matrimoniale car il est plus intéressant de parler d'amour, de cœur, de destins, de ratages et d'espoirs. Mais ce sont des petits donneurs de leçons, à des années-lumière de pouvoir s'appliquer les conseils qu'ils délivrent. Ce qui est finalement notre cas à tous, plus ou moins...
C. C. : Les cordonniers sont les plus mal chaussés ! L'ensemble est exprimé dans un langage simple qui frôle l'absurde. Comme le dit Foenkinos, tout est dans les creux, les non-dits. Ce qu'ils se disent est peut-être moins intéressant que ce qu'ils ne se disent pas. C'est aussi cela le grand théâtre. L'exercice est d'autant plus stimulant que le texte est difficile à articuler.
C. J. : D'où de nombreuses ruptures de rythme, de tension, de sautes d'humeur. Ils mélangent les genres entre autoritarisme, jalousie, lâcheté et sont amoureux de l'idée d'être amoureux de l'amour. C'est leur fonds de commerce. Ils pourraient aussi bien vendre des petits pains au chocolat. L'important, c'est de vendre, même s'ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ils sont dans les lieux communs et bétonnent leur conversation avec de grosses phrases bien
carrées auxquelles ils s'efforcent de croire.
Comment les décririez-vous ?
C. C. : Comme des êtres privés de caractère et de personnalité. Si l'avenir est incertain, la faute en revient toujours à quelqu'un d'autre. Il faut durer alors ils se débrouillent avec leurs petits moyens intellectuels et leur petite capacité à aimer.
C. J. : Michel est chez sa mère trois fois par semaine et on peut imaginer que Sylvie a connu trois ou quatre coups foireux. Ce sont des ados attardés bloqués à l'entresol, entre frotti-frotta et touche-pipi. Ils ont énormément peur du contact : au lieu de lui dire qu'il la trouve jolie, il lui propose d'aller bouffer du cassoulet.
C. C. : Ils théorisent le vide. Le décor est d'ailleurs minimaliste, stylisé, dans un univers proche de celui de Jacques Tati et met en évidence ce vide qu'il y a entre eux. La pièce est coupée en 7 séquences. On peut croire chaque scène différente mais le spectateur revit toujours les mêmes situations.
C. J. : Ils tricotent, ils s'écoutent parler. C'est un tout petit univers replié sur lui-même. Ils réussissent quand même à s'engueuler car c'est aussi ça le couple, avoir quelqu'un avec qui se disputer !
Vous êtes sans pitié pour vos personnages !
C. C. : Ils sont tout de même touchants car perdus : ils ne savent pas trouver les mots, les gestes. Ils mettent de l'énergie, de la conviction dans ce qu'ils peuvent dire de bateau et plus ils paraissent convaincus par leurs propos, plus ils sont drôles !
C. J. : Ils n'ont pas vu le loup et ne savent même pas que ça existe ! Le jour où ils prendront un petit électrochoc, ils seront assez vite carbonisés. Ils sont en position dominante au départ car ils reçoivent des gens soi-disant plus paumés. Eux sont très scolaires face à des êtres en demande et n'ont donc aucune raison de se remettre en question. Les choses se compliquent quand ils commencent à se chercher car la réalité de l'amour est aussi une question de territoire...
Catherine Jacob : La pièce traite de l'absence d'issue à toute velléité de vie et de construction de vie, avec ou sans amour. L'auteur ne donne pas de solution. Il décortique l'idée qu'on pourrait essayer de la trouver pour finalement nous expliquer qu'il n'y en a pas ! Ce n'est pas une pièce qui donne des leçons, elle se contente de poser deux, trois questions. On espère agacer un peu le public !
Christian Charmetant : Ce texte explique que certains êtres humains sont uniquement sur Terre pour tuer le temps. Ces deux personnages assis dans le même bureau en sont et croient, peut-être, qu'ils sont amoureux l'un de l'autre.
Ils ne savent donc pas décrypter le fond de leur cœur, même en tant que professionnels de la relation sentimentale ?!
C. J. : Ils travaillent avant tout dans un bureau de conseil. Il s'agit d'une agence matrimoniale car il est plus intéressant de parler d'amour, de cœur, de destins, de ratages et d'espoirs. Mais ce sont des petits donneurs de leçons, à des années-lumière de pouvoir s'appliquer les conseils qu'ils délivrent. Ce qui est finalement notre cas à tous, plus ou moins...
C. C. : Les cordonniers sont les plus mal chaussés ! L'ensemble est exprimé dans un langage simple qui frôle l'absurde. Comme le dit Foenkinos, tout est dans les creux, les non-dits. Ce qu'ils se disent est peut-être moins intéressant que ce qu'ils ne se disent pas. C'est aussi cela le grand théâtre. L'exercice est d'autant plus stimulant que le texte est difficile à articuler.
C. J. : D'où de nombreuses ruptures de rythme, de tension, de sautes d'humeur. Ils mélangent les genres entre autoritarisme, jalousie, lâcheté et sont amoureux de l'idée d'être amoureux de l'amour. C'est leur fonds de commerce. Ils pourraient aussi bien vendre des petits pains au chocolat. L'important, c'est de vendre, même s'ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ils sont dans les lieux communs et bétonnent leur conversation avec de grosses phrases bien
carrées auxquelles ils s'efforcent de croire.
Comment les décririez-vous ?
C. C. : Comme des êtres privés de caractère et de personnalité. Si l'avenir est incertain, la faute en revient toujours à quelqu'un d'autre. Il faut durer alors ils se débrouillent avec leurs petits moyens intellectuels et leur petite capacité à aimer.
C. J. : Michel est chez sa mère trois fois par semaine et on peut imaginer que Sylvie a connu trois ou quatre coups foireux. Ce sont des ados attardés bloqués à l'entresol, entre frotti-frotta et touche-pipi. Ils ont énormément peur du contact : au lieu de lui dire qu'il la trouve jolie, il lui propose d'aller bouffer du cassoulet.
C. C. : Ils théorisent le vide. Le décor est d'ailleurs minimaliste, stylisé, dans un univers proche de celui de Jacques Tati et met en évidence ce vide qu'il y a entre eux. La pièce est coupée en 7 séquences. On peut croire chaque scène différente mais le spectateur revit toujours les mêmes situations.
C. J. : Ils tricotent, ils s'écoutent parler. C'est un tout petit univers replié sur lui-même. Ils réussissent quand même à s'engueuler car c'est aussi ça le couple, avoir quelqu'un avec qui se disputer !
Vous êtes sans pitié pour vos personnages !
C. C. : Ils sont tout de même touchants car perdus : ils ne savent pas trouver les mots, les gestes. Ils mettent de l'énergie, de la conviction dans ce qu'ils peuvent dire de bateau et plus ils paraissent convaincus par leurs propos, plus ils sont drôles !
C. J. : Ils n'ont pas vu le loup et ne savent même pas que ça existe ! Le jour où ils prendront un petit électrochoc, ils seront assez vite carbonisés. Ils sont en position dominante au départ car ils reçoivent des gens soi-disant plus paumés. Eux sont très scolaires face à des êtres en demande et n'ont donc aucune raison de se remettre en question. Les choses se compliquent quand ils commencent à se chercher car la réalité de l'amour est aussi une question de territoire...
Paru le 03/10/2008
(7 notes) STUDIO DES CHAMPS-ELYSEES Du vendredi 19 septembre au mercredi 31 décembre 2008
COMÉDIE. Les rencontres amoureuses sur Internet… c’est la fin des agences matrimoniales! Michel et Sylvie sont deux employés de ces sociétés en voie de disparition. Célibataires, ils mettent leur cœur à aider les autres. Jusqu’à s’oublier eux-mêmes. Comme plus personne ne vient dans l’agence, il serait peu...
|