Interview par Manuel Piolat Soleymat
Dominique Hervieu et José Montalvo
une nouvelle direction pour le Théâtre National de Chaillot
Succédant à Ariel Goldenberg à la tête du Théâtre national de Chaillot, les chorégraphes Dominique Hervieu et José Montalvo reviennent sur le projet qu'ils ont conçu pour ce lieu historique du théâtre populaire.
Votre nomination à la direction du Théâtre national de Chaillot a fait beaucoup de bruit. Que souhaitez-vous dire aux spectateurs qui regrettent que l'art dramatique ne soit plus majoritaire dans l'ancien théâtre de Firmin Gémier et Jean Vilar ?
Nous avons envie de leur dire que le Théâtre de Chaillot n'est pas devenu une maison de la danse, que l'art dramatique sera toujours présent sur nos plateaux, ainsi que d'autres formes, comme les arts visuels ou le cirque. Nous ne croyons pas à une vision unique des arts de la scène. Nous souhaitons que ce théâtre - philosophiquement, politiquement - s'ouvre de façon visible à la diversité, qu'il voie cohabiter toutes sortes de formes : des formes tenant de l'expérimentation, des œuvres spectaculaires, des travaux ludiques aux abords immédiats, des spectacles plus difficiles... Pour nous, le grand atout du Théâtre de Chaillot est sa capacité à accueillir un large éventail d'esthétiques et de formes artistiques.
Cette diversité vous semble-t-elle correspondre à l'âme de ce lieu emblématique ?
Parfaitement. Car, elle a précisément pour vocation de faire de cette maison un théâtre à la fois populaire et contemporain : contemporain dans ses réflexions artistiques, dans ses recherches sur les formes d'aujourd'hui ; populaire dans sa mission de théâtre national, mission que nous avons à cœur d'assumer pleinement. Il est d'ailleurs très injuste de penser qu'il n'y ait que l'art dramatique qui puisse relever de ce statut. La danse peut avoir la capacité, la force critique, esthétique et sociale de faire vivre les missions d'un théâtre national. Car, il s'agit d'un art qui a mûri. Qu'un lieu comme Chaillot lui soit dédié nous semble tout à fait justifié. Nous nous situons à un moment très particulier de l'histoire des formes. Les étiquettes sont gommées, les frontières changent. Et c'est à nous de démontrer - à travers nos choix de programmation - la nécessité de la danse. C'est à nous de casser les fausses images, de participer à un renouvellement du rapport à l'art, d'accueillir tous les courants des arts de la scène pour construire une véritable mixité des publics.
"Le Théâtre de Chaillot n'est pas devenu une maison de la danse"
Quelles sont ces missions de théâtre national que vous avez en charge de remplir ?
Elles sont multiples. Tout d'abord, nous devons assumer une mission de patrimoine : présenter les grandes pièces de l'histoire de la danse. Nous sommes d'autant plus heureux d'hériter de cette mission qu'elle n'était assurée, avant notre nomination, que par une seule institution : l'Opéra de Paris. Ensuite, nous devons, bien sûr, remplir une mission de création. Porter deux chorégraphes à la tête de ce lieu, c'est d'ailleurs déjà une façon de replacer la création au centre de son identité. Nous avons également une mission d'ouverture à l'international. Le Théâtre de Chaillot doit accueillir les formes les plus saillantes, les plus remarquables de la création mondiale : que ce soit en danse ou en art dramatique. Enfin, nous allons travailler à réinvestir l'esprit de Jean Vilar en menant une action forte de dialogue avec les publics, une action qui vise à revitaliser cet espace de dialogue à travers l'art.
Cet espace de dialogue passera-t-il par des actions pédagogiques ?
Oui. Car, nous croyons que l'un de nos devoirs est de livrer des repères - chronologiques, esthétiques... - au public. Qu'est-ce que la fin de l'avant-garde ? Qu'est-ce qu'un saut ?... Nous souhaitons trouver différents angles d'approche pour que le spectateur ne soit pas réduit à un simple statut de consommateur, pour qu'il entre dans la matière de l'art à travers les émotions, les sensations et la connaissance.
Vous signez la chorégraphie de Good Morning, Mr. Gershwin, le premier spectacle de cette rentrée 2009. Comment pourriez-vous caractériser votre univers artistique ?
Ce spectacle investit une dimension de la danse qui constitue le cœur de notre travail depuis de nombreuses années : la dimension de la complexité, du croisement, du mouvement, de la mise en perspective du mineur et du majeur. Nous avons toujours cherché, par le biais de la scène, à construire des ponts entre les cultures et les imaginaires. Good Morning, Mr. Gershwin correspond particulièrement à cette esthétique du métissage. Dans ce spectacle, cohabitent de la danse africaine, des pointes, de la danse contemporaine, du hip-hop... L'idée de nomadisme est très importante dans chacune de nos créations. Nous entendons par là le nomadisme du temps - nous aimons parler d'auteurs du passé, prendre en compte l'histoire pour ne pas tomber dans une forme d'amnésie contemporaine -, mais, également, le nomadisme esthétique. Car, nous créons des œuvres qui entremêlent la danse, le chant, la vidéo, les arts visuels : des œuvres aux écritures hybrides et polyphoniques.
La rentrée 2009 au Théâtre National de Chaillot
- "Good Morning, Mr. Gershwin", chorégraphie de José Montalvo et Dominique Hervieu (danse, du 7 janvier au 7 février).
- "En somme !", chorégraphie de Marion Lévy (danse/théâtre, du 8 au 31 janvier).
- "Paradis", chorégraphie de José Montalvo et Dominique Hervieu (danse, tout public, du 13 janvier au 3 février).
- "Un air de folies", chorégraphie de Béatrice Massin (danse, tout public, du 22 au 31 janvier).
- "Rien que cette ampoule dans l'obscurité du théâtre", texte et mise en scène de Georges Appaix (danse, du 5 au 8 février).
- "De deux points de vue", écriture scénique et chorégraphie de Michèle Noiret (danse, du 6 au 13 février).
- "Febre", de la Compagnie Membros (danse, du 12 au 15 février).
- "Idiotas", sous la direction artistique de Toméo Vergès (danse, du 12 au 14 février).
- "Idiot !", d'après Fedor Dostoïevski, adaptation et mise en scène de Vincent Macaigne (théâtre, du 4 au 21 mars) .
- "Batracien l'après-midi", chorégraphie et interprétation de Bernardo Montet (danse, du 4 au 21 mars)
- "Hymnen", chorégraphie
de Didier Deschamps et Lia Rodrigues
(danse, du 5 au 7 mars).
Nous avons envie de leur dire que le Théâtre de Chaillot n'est pas devenu une maison de la danse, que l'art dramatique sera toujours présent sur nos plateaux, ainsi que d'autres formes, comme les arts visuels ou le cirque. Nous ne croyons pas à une vision unique des arts de la scène. Nous souhaitons que ce théâtre - philosophiquement, politiquement - s'ouvre de façon visible à la diversité, qu'il voie cohabiter toutes sortes de formes : des formes tenant de l'expérimentation, des œuvres spectaculaires, des travaux ludiques aux abords immédiats, des spectacles plus difficiles... Pour nous, le grand atout du Théâtre de Chaillot est sa capacité à accueillir un large éventail d'esthétiques et de formes artistiques.
Cette diversité vous semble-t-elle correspondre à l'âme de ce lieu emblématique ?
Parfaitement. Car, elle a précisément pour vocation de faire de cette maison un théâtre à la fois populaire et contemporain : contemporain dans ses réflexions artistiques, dans ses recherches sur les formes d'aujourd'hui ; populaire dans sa mission de théâtre national, mission que nous avons à cœur d'assumer pleinement. Il est d'ailleurs très injuste de penser qu'il n'y ait que l'art dramatique qui puisse relever de ce statut. La danse peut avoir la capacité, la force critique, esthétique et sociale de faire vivre les missions d'un théâtre national. Car, il s'agit d'un art qui a mûri. Qu'un lieu comme Chaillot lui soit dédié nous semble tout à fait justifié. Nous nous situons à un moment très particulier de l'histoire des formes. Les étiquettes sont gommées, les frontières changent. Et c'est à nous de démontrer - à travers nos choix de programmation - la nécessité de la danse. C'est à nous de casser les fausses images, de participer à un renouvellement du rapport à l'art, d'accueillir tous les courants des arts de la scène pour construire une véritable mixité des publics.
"Le Théâtre de Chaillot n'est pas devenu une maison de la danse"
Quelles sont ces missions de théâtre national que vous avez en charge de remplir ?
Elles sont multiples. Tout d'abord, nous devons assumer une mission de patrimoine : présenter les grandes pièces de l'histoire de la danse. Nous sommes d'autant plus heureux d'hériter de cette mission qu'elle n'était assurée, avant notre nomination, que par une seule institution : l'Opéra de Paris. Ensuite, nous devons, bien sûr, remplir une mission de création. Porter deux chorégraphes à la tête de ce lieu, c'est d'ailleurs déjà une façon de replacer la création au centre de son identité. Nous avons également une mission d'ouverture à l'international. Le Théâtre de Chaillot doit accueillir les formes les plus saillantes, les plus remarquables de la création mondiale : que ce soit en danse ou en art dramatique. Enfin, nous allons travailler à réinvestir l'esprit de Jean Vilar en menant une action forte de dialogue avec les publics, une action qui vise à revitaliser cet espace de dialogue à travers l'art.
Cet espace de dialogue passera-t-il par des actions pédagogiques ?
Oui. Car, nous croyons que l'un de nos devoirs est de livrer des repères - chronologiques, esthétiques... - au public. Qu'est-ce que la fin de l'avant-garde ? Qu'est-ce qu'un saut ?... Nous souhaitons trouver différents angles d'approche pour que le spectateur ne soit pas réduit à un simple statut de consommateur, pour qu'il entre dans la matière de l'art à travers les émotions, les sensations et la connaissance.
Vous signez la chorégraphie de Good Morning, Mr. Gershwin, le premier spectacle de cette rentrée 2009. Comment pourriez-vous caractériser votre univers artistique ?
Ce spectacle investit une dimension de la danse qui constitue le cœur de notre travail depuis de nombreuses années : la dimension de la complexité, du croisement, du mouvement, de la mise en perspective du mineur et du majeur. Nous avons toujours cherché, par le biais de la scène, à construire des ponts entre les cultures et les imaginaires. Good Morning, Mr. Gershwin correspond particulièrement à cette esthétique du métissage. Dans ce spectacle, cohabitent de la danse africaine, des pointes, de la danse contemporaine, du hip-hop... L'idée de nomadisme est très importante dans chacune de nos créations. Nous entendons par là le nomadisme du temps - nous aimons parler d'auteurs du passé, prendre en compte l'histoire pour ne pas tomber dans une forme d'amnésie contemporaine -, mais, également, le nomadisme esthétique. Car, nous créons des œuvres qui entremêlent la danse, le chant, la vidéo, les arts visuels : des œuvres aux écritures hybrides et polyphoniques.
La rentrée 2009 au Théâtre National de Chaillot
- "Good Morning, Mr. Gershwin", chorégraphie de José Montalvo et Dominique Hervieu (danse, du 7 janvier au 7 février).
- "En somme !", chorégraphie de Marion Lévy (danse/théâtre, du 8 au 31 janvier).
- "Paradis", chorégraphie de José Montalvo et Dominique Hervieu (danse, tout public, du 13 janvier au 3 février).
- "Un air de folies", chorégraphie de Béatrice Massin (danse, tout public, du 22 au 31 janvier).
- "Rien que cette ampoule dans l'obscurité du théâtre", texte et mise en scène de Georges Appaix (danse, du 5 au 8 février).
- "De deux points de vue", écriture scénique et chorégraphie de Michèle Noiret (danse, du 6 au 13 février).
- "Febre", de la Compagnie Membros (danse, du 12 au 15 février).
- "Idiotas", sous la direction artistique de Toméo Vergès (danse, du 12 au 14 février).
- "Idiot !", d'après Fedor Dostoïevski, adaptation et mise en scène de Vincent Macaigne (théâtre, du 4 au 21 mars) .
- "Batracien l'après-midi", chorégraphie et interprétation de Bernardo Montet (danse, du 4 au 21 mars)
- "Hymnen", chorégraphie
de Didier Deschamps et Lia Rodrigues
(danse, du 5 au 7 mars).
Paru le 23/02/2009
(28 notes) CHAILLOT - Théâtre National de la Danse Du mercredi 7 janvier au samedi 7 février 2009
DANSE. Quatorze interprètes sont de la fête pour servir ce tourbillon gestuel. Partie intégrante de la mémoire américaine, Gershwin disait, avec sa désarmante sincérité, que deux choses importaient dans la musique: les idées et les sentiments. Et il osait le parallèle avec les gratte-ciels de sa ville, N...
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