Zoom par Alain Bugnard
Le “Monsieur de Pourceaugnac” d’Isabelle Starkier est noir
Comédie-ballet composée pour le divertissement du roi en 1669, Monsieur de Pourceaugnac fait figure d'œuvre de maturité dans laquelle Molière déploie avec encore plus de cynisme les thématiques du Malade imaginaire, de George Dandin ou du Misanthrope. La légende veut que le dramaturge l'ait écrite en réponse à l'arrogance que lui aurait témoignée la noblesse limousine à Ambazac. Arroseur arrosé, Monsieur de Pourceaugnac gagne la capitale afin d'intégrer la noblesse parisienne par un mariage arrangé. Mais l'accueil que lui réserve sa famille d'adoption relève du jeu de massacre : "Molière utilise la structure de charivari : on monte la comédie dans la comédie et on se déguise pour s'amuser aux dépens de quelqu'un", commente Isabelle Starkier, directrice de la compagnie Star Théâtre. "L'effroyable mécanique de déconstruction identitaire que vont opérer les détracteurs de Monsieur de Pourceaugnac est à la fois psychique - ils le font passer pour fou et syphilitique -, financière - en le dépouillant de ses biens -, sexuelle - en le travestissant et lui inventant des enfants de plusieurs femmes. Deux vers du final, 'Ne pensons qu'à nous réjouir / La grande affaire, c'est le plaisir', sont d'une actualité criante : nous vivons dans une société individualiste, de consommation, de jouissance au détriment de l'autre que l'on piétine en exploitant. Je pense que sur un classique, le travail du metteur en scène est de mettre en valeur le texte par le contexte. Il est important de redonner accès aux pièces du répertoire en faisant ressortir leur intemporalité sans qu'il soit nécessaire de changer un seul mot. Limoges étant dans la pièce perçue comme un pays étranger, barbare ('Pourquoi ne laisse-t-il pas en repos les bons chrétiens ?'), j'ai voulu donner au Limousin la couleur des Antilles, les frontières ayant été repoussées et les Noirs portant cette image de l'autre, de la différence." Ce parti pris "contextuel" s'inscrit-il vraiment dans la tradition humaniste si chère à Molière ? À l'heure où l'extension de la pauvreté, l'exclusion et la division des citoyens font le jeu des détenteurs des richesses, exacerber, dans un contexte social difficile, l'idée simpliste selon laquelle les problèmes d'intégration seraient l'unique conséquence du rejet de l'étranger, ne paraît pas la meilleure stratégie fédératrice.
Paru le 24/05/2009
(10 notes) MONFORT THÉÂTRE Du mardi 26 mai au dimanche 21 juin 2009
COMÉDIE. "Monsieur de Pourceaugnac" ou les déboires d’un étranger débarqué à Paris et que tous rejettent. Limousin hier, Noir aujourd’hui, la farce est cruelle, même si elle reste pathétiquement drôle. Dans ce carnaval masqué, quatre comédiens endossent les rôles de vingt personnages acharnés à monter les ...
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