Portrait par Marie-Céline Nivière
Le rendez-vous de Marie-Céline avec Michel Leeb
“C’est une pièce qui apporte tellement lorsque vous la jouez”
En 1997, il avait créé la surprise en interprétant le rôle du juré numéro 8 dans "Douze hommes en colère" de Reginald Rose, mis en scène par Stephan Meldegg. Douze ans après, il revient au Théâtre de Paris, avec ce texte dont les thèmes sont plus que jamais d'actualité.
Pour des raisons de bouclage du journal, le rendez-vous a eu lieu début juin au Théâtre de Paris. Nous sommes en début d'après-midi, tout est calme dans le hall... L'assistante du metteur en scène m'invite à entrer dans la salle. Sur le plateau, Michel Leeb, toujours d'une grande élégance, pose pour un photographe. La scène porte les couleurs joyeuses du spectacle du soir, au milieu une table austère. C'est la rencontre entre l'univers de Feydeau et celui de Reginald Rose. Stephan Meldegg entre par le fond sur la scène, regarde la table, la salle, interroge Charlie Mangel, le décorateur. Le comédien André Thorent les rejoint... La fourmilière se met en place pour une première séance de travail. Je promets à Meldegg de ne pas retenir trop longtemps son juré numéro 8.
Pour m'être déjà entretenue avec lui plusieurs fois, je sais combien il est aisé d'interviewer Michel Leeb. Dans un esprit de synthèse et de précision, il sait aller à l'essentiel. Ma première question arrive comme une évidence : pourquoi reprendre la pièce ? Il répond par une évidence : "Parce que c'est une pièce très moderne et indémodable par son sujet qui est la peine de mort, l'erreur judiciaire." Il constate qu'il ressent un "besoin intellectuel de la jouer", car elle remet en place des valeurs auxquelles il tient, comme la tolérance, l'intégration, la lutte contre le racisme et la justice. "C'est une pièce qui apporte tellement lorsque vous la jouez. C'est une véritable expérience humaine et professionnelle."
Écrite dans les années 50, adaptée au cinéma par Lumet, avec Henry Fonda, la pièce raconte l'histoire d'un jury qui doit statuer sur le cas d'un jeune homme de 18 ans, issu d'un quartier difficile, accusé du meurtre de son père. "Un homme doute (le juré numéro 8) et se remet en question. C'est une pièce civique, conçue comme une enquête policière. C'est même un grand spectacle !" Il insiste sur l'aspect choral de l'œuvre. Michel Leeb regrette qu'aujourd'hui, la tendance soit de monter des seul-en-scène, des lectures. "Ce qui n'enlève rien au comédien, mais là il y a une différence !" Sur scène, ils sont douze hommes qui s'affrontent et, comme il le souligne, "donnent à réfléchir, sur la vie, sur la qualité de celle-ci". La diversité des caractères qui composent le jury, tous issus de milieux sociaux différents. "Ce qui en fait une pièce universelle !"
Lorsque je l'interroge sur la genèse du projet en 1997, il "rend gloire à Jean-Claude Houdinière", producteur et tourneur. "C'est lui qui a pris le risque de monter cette pièce. Lorsque je lui ai proposé le projet, il a dit tout de suite oui. Nous l'avons monté à la Maison de la Culture de Nantes, alors dirigée par Jean-Luc Tardieu. Puis nous avons joué au théâtre Marigny, avec le succès que vous savez. Ensuite, nous avons fait une très grosse tournée. Cette fois-ci, il n'y aura pas de tournée, mais nous nous installons pour 80 représentations et plus si affinité."
Ce spectacle avait révélé Michel Leeb comme comédien. L'amuseur dévoilait une face de son talent jusque-là mise en sommeil. Il reconnaît qu'en douze ans, il y a eu une évolution dans son jeu. "Je suis un artisan qui travaille. Cette progression, je l'ai surtout ressentie en jouant Amitiés sincères de Stéphan Archinard, avec Bernard Murat." Il est pleinement heureux de retrouver ce juré numéro 8. "Ce rôle est beau, christique même. Mon personnage n'a pas d'agressivité, uniquement des doutes. Il désire arriver à la vérité tout simplement. Ce n'est pas non plus un saint.
Il n'a pas toujours la main dans le débat. Il pose des questions qui déstabilisent le système. Et petit à petit les bastions dressés en face de lui tombent. Le dernier à tenir bon est le juré numéro 3, joué par Pierre Santini. L'attitude de ce juré, très agressive envers le jeune accusé, est justifiée par les problèmes qu'il a avec son fils. Pour lui, tous ces gamins sont des cons ! C'est un passage magnifique quand il cède enfin. À la fin, le 8 reste seul, regarde autour de lui, il n'a aucune fierté. Il a traversé une aventure et sait qu'il en sort différent. Ce qui est valable pour tous."
Pour cette nouvelle production de la pièce, il retrouve le metteur en scène Stephan Meldegg, qui a également signé l'adaptation avec Attica Guedj. Autour de lui une partie de la troupe du début, comme André Thorent, Jacques Échantillon, Louis-Marie Audubert, Jérôme Le Paulmier, et de nouveaux venus et pas des moindres, comme Pierre Santini, Alain Doutey, Jean-Jacques Moreau, César Méric, Elrik Thomas, Éric Viellard. "Leur arrivée insuffle un sang nouveau. Il faut savoir que je suis amoureux des acteurs et que j'adore les regarder jouer. Là, je suis servi." On vient le prévenir qu'on a besoin de lui pour la photo de groupe. Il me regarde et me demande si j'ai tout ce qu'il me faut. Je le rassure.
Avant de se lever, il me raconte une anecdote qui montre ô combien !, comme ce spectacle a compté pour lui. "Pendant la pièce, j'ai deux minutes quinze où je suis dos au public. Je suis censé être en train de gratter sur une feuille. C'est long. Au début, je faisais des gribouillages. Puis petit à petit, parce que plus à l'aise avec mon personnage, je me suis mis à écrire des réflexions sur la vie, l'amour, les enfants... Chaque soir, et pendant 100 représentations, j'ai écrit un feuillet. Je les ai ressortis, triés, et c'est devenu un livre, 'Scène réflexion' aux éditions du Cherche-Midi. Je vais demander à Béatrice de vous l'envoyer." Même si on sent la pression monter de la salle, où on l'attend pour la photo mais aussi pour commencer les premières lectures, il tient à s'assurer que je ne sois frustrée en rien. Nous nous quittons en nous donnant
rendez-vous pour le mois d'octobre.
Pour m'être déjà entretenue avec lui plusieurs fois, je sais combien il est aisé d'interviewer Michel Leeb. Dans un esprit de synthèse et de précision, il sait aller à l'essentiel. Ma première question arrive comme une évidence : pourquoi reprendre la pièce ? Il répond par une évidence : "Parce que c'est une pièce très moderne et indémodable par son sujet qui est la peine de mort, l'erreur judiciaire." Il constate qu'il ressent un "besoin intellectuel de la jouer", car elle remet en place des valeurs auxquelles il tient, comme la tolérance, l'intégration, la lutte contre le racisme et la justice. "C'est une pièce qui apporte tellement lorsque vous la jouez. C'est une véritable expérience humaine et professionnelle."
Écrite dans les années 50, adaptée au cinéma par Lumet, avec Henry Fonda, la pièce raconte l'histoire d'un jury qui doit statuer sur le cas d'un jeune homme de 18 ans, issu d'un quartier difficile, accusé du meurtre de son père. "Un homme doute (le juré numéro 8) et se remet en question. C'est une pièce civique, conçue comme une enquête policière. C'est même un grand spectacle !" Il insiste sur l'aspect choral de l'œuvre. Michel Leeb regrette qu'aujourd'hui, la tendance soit de monter des seul-en-scène, des lectures. "Ce qui n'enlève rien au comédien, mais là il y a une différence !" Sur scène, ils sont douze hommes qui s'affrontent et, comme il le souligne, "donnent à réfléchir, sur la vie, sur la qualité de celle-ci". La diversité des caractères qui composent le jury, tous issus de milieux sociaux différents. "Ce qui en fait une pièce universelle !"
Lorsque je l'interroge sur la genèse du projet en 1997, il "rend gloire à Jean-Claude Houdinière", producteur et tourneur. "C'est lui qui a pris le risque de monter cette pièce. Lorsque je lui ai proposé le projet, il a dit tout de suite oui. Nous l'avons monté à la Maison de la Culture de Nantes, alors dirigée par Jean-Luc Tardieu. Puis nous avons joué au théâtre Marigny, avec le succès que vous savez. Ensuite, nous avons fait une très grosse tournée. Cette fois-ci, il n'y aura pas de tournée, mais nous nous installons pour 80 représentations et plus si affinité."
Ce spectacle avait révélé Michel Leeb comme comédien. L'amuseur dévoilait une face de son talent jusque-là mise en sommeil. Il reconnaît qu'en douze ans, il y a eu une évolution dans son jeu. "Je suis un artisan qui travaille. Cette progression, je l'ai surtout ressentie en jouant Amitiés sincères de Stéphan Archinard, avec Bernard Murat." Il est pleinement heureux de retrouver ce juré numéro 8. "Ce rôle est beau, christique même. Mon personnage n'a pas d'agressivité, uniquement des doutes. Il désire arriver à la vérité tout simplement. Ce n'est pas non plus un saint.
Il n'a pas toujours la main dans le débat. Il pose des questions qui déstabilisent le système. Et petit à petit les bastions dressés en face de lui tombent. Le dernier à tenir bon est le juré numéro 3, joué par Pierre Santini. L'attitude de ce juré, très agressive envers le jeune accusé, est justifiée par les problèmes qu'il a avec son fils. Pour lui, tous ces gamins sont des cons ! C'est un passage magnifique quand il cède enfin. À la fin, le 8 reste seul, regarde autour de lui, il n'a aucune fierté. Il a traversé une aventure et sait qu'il en sort différent. Ce qui est valable pour tous."
Pour cette nouvelle production de la pièce, il retrouve le metteur en scène Stephan Meldegg, qui a également signé l'adaptation avec Attica Guedj. Autour de lui une partie de la troupe du début, comme André Thorent, Jacques Échantillon, Louis-Marie Audubert, Jérôme Le Paulmier, et de nouveaux venus et pas des moindres, comme Pierre Santini, Alain Doutey, Jean-Jacques Moreau, César Méric, Elrik Thomas, Éric Viellard. "Leur arrivée insuffle un sang nouveau. Il faut savoir que je suis amoureux des acteurs et que j'adore les regarder jouer. Là, je suis servi." On vient le prévenir qu'on a besoin de lui pour la photo de groupe. Il me regarde et me demande si j'ai tout ce qu'il me faut. Je le rassure.
Avant de se lever, il me raconte une anecdote qui montre ô combien !, comme ce spectacle a compté pour lui. "Pendant la pièce, j'ai deux minutes quinze où je suis dos au public. Je suis censé être en train de gratter sur une feuille. C'est long. Au début, je faisais des gribouillages. Puis petit à petit, parce que plus à l'aise avec mon personnage, je me suis mis à écrire des réflexions sur la vie, l'amour, les enfants... Chaque soir, et pendant 100 représentations, j'ai écrit un feuillet. Je les ai ressortis, triés, et c'est devenu un livre, 'Scène réflexion' aux éditions du Cherche-Midi. Je vais demander à Béatrice de vous l'envoyer." Même si on sent la pression monter de la salle, où on l'attend pour la photo mais aussi pour commencer les premières lectures, il tient à s'assurer que je ne sois frustrée en rien. Nous nous quittons en nous donnant
rendez-vous pour le mois d'octobre.
Paru le 27/12/2009
(30 notes) THÉÂTRE DE PARIS Du jeudi 8 octobre 2009 au mardi 5 janvier 2010
COMÉDIE DRAMATIQUE. Un jury doit statuer sur le cas d'un jeune homme de 18 ans, issu d'un quartier difficile, accusé du meurtre de son père. Les preuves sont accablantes, les hommes sont pressés d'en finir, mias il faut l'unanimité des votes pour condamner l'accusé. Or, sur les douze jurés, l'un d'entre eux a un dout...
|