Dossier par Caroline Fabre
La Ronde
Marion Bierry monte "La Ronde" de Schnitzler publiée en 1900. Cette suite de saynètes montre les comportements de dix couples face à l'acte d'amour. Nous avons rencontré Marion et deux de ses comédiens, Sandrine Molaro et Vincent Heden, après une répétition.
Marion, que représente pour vous, La Ronde ?
J'entends en elle les sonorités d'une ville et d'une langue qui font partie de ma vie. La Ronde marque la fin d'un monde englouti par la Première Guerre mondiale. Ellle met en scène des personnages qui se jettent dans la vie et dans l'amour. La présence de la mort, le goût du morbide omniprésents à Vienne, dans l'œuvre de Schnitzler comme dans celle de tant d'autres artistes viennois, sont apprivoisés par la joie et une pulsion de vie.
C'est important de dire cela aujourd'hui ?
Bien sûr ! Mais la résonance avec l'actualité n'ajoute pas de valeur aux œuvres ! On a le droit de savoir d'où on vient sans pour autant dire des choses sur ce qu'on vit aujourd'hui. Le sens vital de cette pièce ne peut être transmis que si l'on sait où elle se déroule. Il faut être conscient du foisonnement intellectuel artistique, scientifique... qui régnait à cette époque. La profondeur et l'intelligence allaient de pair avec la légèreté dans un contexte assez désespéré. La pièce foisonne de répliques comme "La vie est si brève, demain viendra bien assez tôt" ou "Je ne sais absolument pas pourquoi je vis". Or, il n'y a pas plus vital et joyeux que l'acte d'amour.
Comment concevez-vous votre rôle de metteur en scène ?
Je suis là pour interpréter un texte, le traduire en trouvant dans l'alphabet émotionnel de notre époque ce qui est nécessaire pour qu'il parvienne à nous. Ici, il y a les barrières de la langue, mais aussi du temps à franchir. La difficulté de cette pièce c'est qu'elle est invertébrée, on revoit la même situation de manières différentes. Il faut aller derrière chaque réplique, chercher les mots derrière les mots. Enfin, une bonne distribution est essentielle. Les acteurs sont des concertistes. Ils interprètent avec ce qu'ils sont, ce qu'ils sortent d'eux. Je les ai choisis pour leur part de mystère. Ils m'ont inspirée, me font fantasmer.
Comment ce travail s'est-il traduit dans les faits ?
Vincent Heden : On a d'abord beaucoup travaillé sur le fond du texte. On s'est retrouvé avec un puzzle explosé, puis on s'est cherché et, enfin, on a parlé le même langage, partagé une ambiance, une atmosphère. C'est comme si Marion nous avait remis des clés. L'important était de regarder dans la même direction à partir de cette œuvre.
Sandrine Molaro : Marion nous a communiqué l'âme d'un pays. Elle a su mettre en éveil tous nos sens. On a tout imaginé, y compris les odeurs, les saveurs. J'ai eu l'impression de partir en voyage, avant-guerre. Au début, le travail était très technique et tant mieux car c'est dans la contrainte que l'on trouve la liberté.
Vos personnages ?
V.H. : Je joue deux personnages. Un "jeune homme" éperdument amoureux d'une 'jeune dame", mais qui veut d'abord découvrir les plaisirs de la chair, avec la "femme de chambre". Ensuite, face à la "jeune dame", il goûtera chaque instant, trop sans doute car elle lui fera presser le pas. Dans les deux cas, les femmes mènent le jeu. Il vit cela comme un enfant devant une vitrine de friandises, il nage dans la crème chantilly ! Mon deuxième personnage, le "comte" a une forme de naïveté et cette même gourmandise. Il se retrouve face à une grande tarentule qui l'attire dans ces filets. Pourtant, on peut se demander qui manipule qui.
S.M. : Je suis la "jeune dame". Mariée, elle part à la recherche du plaisir avec un jeune homme. Elle dit des choses convenues. Or, elle est dans un état de désir et de volupté intenses. On la retrouve ensuite avec son mari, on comprend qu'elle s'ennuie mais qu'elle veut un enfant. Sa rage de vivre au-delà des convenances est belle.
Marion, cette notion de plaisir omniprésente, jusqu'à quel point la montrerez-vous ?
On est dans une époque de grande pornographie et je ne parle pas de films X. On ne veut plus de secret, plus de mystère. Or, l'érotisme se nourrit de choses cachées, imaginées. Ici, des corps seront habités par ce qui va sortir de chacun des comédiens. Les femmes seront déshabillées dans la soie. Pour moi, c'est comme jouer à la poupée, un rêve de petite fille.
J'entends en elle les sonorités d'une ville et d'une langue qui font partie de ma vie. La Ronde marque la fin d'un monde englouti par la Première Guerre mondiale. Ellle met en scène des personnages qui se jettent dans la vie et dans l'amour. La présence de la mort, le goût du morbide omniprésents à Vienne, dans l'œuvre de Schnitzler comme dans celle de tant d'autres artistes viennois, sont apprivoisés par la joie et une pulsion de vie.
C'est important de dire cela aujourd'hui ?
Bien sûr ! Mais la résonance avec l'actualité n'ajoute pas de valeur aux œuvres ! On a le droit de savoir d'où on vient sans pour autant dire des choses sur ce qu'on vit aujourd'hui. Le sens vital de cette pièce ne peut être transmis que si l'on sait où elle se déroule. Il faut être conscient du foisonnement intellectuel artistique, scientifique... qui régnait à cette époque. La profondeur et l'intelligence allaient de pair avec la légèreté dans un contexte assez désespéré. La pièce foisonne de répliques comme "La vie est si brève, demain viendra bien assez tôt" ou "Je ne sais absolument pas pourquoi je vis". Or, il n'y a pas plus vital et joyeux que l'acte d'amour.
Comment concevez-vous votre rôle de metteur en scène ?
Je suis là pour interpréter un texte, le traduire en trouvant dans l'alphabet émotionnel de notre époque ce qui est nécessaire pour qu'il parvienne à nous. Ici, il y a les barrières de la langue, mais aussi du temps à franchir. La difficulté de cette pièce c'est qu'elle est invertébrée, on revoit la même situation de manières différentes. Il faut aller derrière chaque réplique, chercher les mots derrière les mots. Enfin, une bonne distribution est essentielle. Les acteurs sont des concertistes. Ils interprètent avec ce qu'ils sont, ce qu'ils sortent d'eux. Je les ai choisis pour leur part de mystère. Ils m'ont inspirée, me font fantasmer.
Comment ce travail s'est-il traduit dans les faits ?
Vincent Heden : On a d'abord beaucoup travaillé sur le fond du texte. On s'est retrouvé avec un puzzle explosé, puis on s'est cherché et, enfin, on a parlé le même langage, partagé une ambiance, une atmosphère. C'est comme si Marion nous avait remis des clés. L'important était de regarder dans la même direction à partir de cette œuvre.
Sandrine Molaro : Marion nous a communiqué l'âme d'un pays. Elle a su mettre en éveil tous nos sens. On a tout imaginé, y compris les odeurs, les saveurs. J'ai eu l'impression de partir en voyage, avant-guerre. Au début, le travail était très technique et tant mieux car c'est dans la contrainte que l'on trouve la liberté.
Vos personnages ?
V.H. : Je joue deux personnages. Un "jeune homme" éperdument amoureux d'une 'jeune dame", mais qui veut d'abord découvrir les plaisirs de la chair, avec la "femme de chambre". Ensuite, face à la "jeune dame", il goûtera chaque instant, trop sans doute car elle lui fera presser le pas. Dans les deux cas, les femmes mènent le jeu. Il vit cela comme un enfant devant une vitrine de friandises, il nage dans la crème chantilly ! Mon deuxième personnage, le "comte" a une forme de naïveté et cette même gourmandise. Il se retrouve face à une grande tarentule qui l'attire dans ces filets. Pourtant, on peut se demander qui manipule qui.
S.M. : Je suis la "jeune dame". Mariée, elle part à la recherche du plaisir avec un jeune homme. Elle dit des choses convenues. Or, elle est dans un état de désir et de volupté intenses. On la retrouve ensuite avec son mari, on comprend qu'elle s'ennuie mais qu'elle veut un enfant. Sa rage de vivre au-delà des convenances est belle.
Marion, cette notion de plaisir omniprésente, jusqu'à quel point la montrerez-vous ?
On est dans une époque de grande pornographie et je ne parle pas de films X. On ne veut plus de secret, plus de mystère. Or, l'érotisme se nourrit de choses cachées, imaginées. Ici, des corps seront habités par ce qui va sortir de chacun des comédiens. Les femmes seront déshabillées dans la soie. Pour moi, c'est comme jouer à la poupée, un rêve de petite fille.
Paru le 15/02/2010
(17 notes) THÉÂTRE DU POCHE-MONTPARNASSE Du vendredi 11 décembre 2009 au jeudi 17 juin 2010
COMÉDIE DRAMATIQUE. Loin de nous mettre en garde contre l’aventure du désir, les personnages de La Ronde se risquent à dire oui à la vie! Près du volcan de la Première Guerre mondiale, ils dansent. Ils badinent avec la mort et plaisantent avec l’amour. Dans la frivolité, le jeu, l’ivresse, leur engagement sans réserv...
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