Interview par Alain Bugnard
Elizabeth Macocco
Le théâtre de l’amante anglaise
Jusqu'au 17 avril, la directrice du Centre dramatique régional de Haute-Normandie incarnera l'héroïne de Marguerite Duras au théâtre Artistic-Athévains sur une mise en scène d'Ahmed Madani.
En quoi ce texte de Marguerite Duras a-t-il retenu votre attention ?
Mon projet pour le Centre dramatique de Haute-Normandie accorde une très grande importance à l'écriture et au partage par le verbe et le langage : comment dire et parvenir à dire ? Aussi, je trouve extraordinaire d'essayer de porter et faire entendre cette langue durassienne, très poétique et stylée, au-delà de l'intrigue et de l'héroïne. Je voulais également aborder les thématiques du couple et de la folie. Aussi, quand j'ai relu L'Amante anglaise, il m'est apparu évident que je devais aller vers ce texte et cette écriture. Et j'ai été très heureuse qu'Ahmed Madani me rejoigne dans ce désir.
Qu'a voulu illustrer Marguerite Duras à travers ce crime familial et conjugal ?
Claire Lannes est un peu comme toutes les héroïnes de Marguerite Duras, toujours en quête d'un amour idéal. Ici, l'amour total est derrière elle, et le crime de sa cousine sourde et muette, dont l'omniprésence a empêché le couple de se réaliser, est à la fois une renaissance et un suicide. Avant ce passage à l'acte, Claire ne peut plus parler : elle s'enterre et s'enferme en elle-même. Après, elle retrouve le langage, mais c'est aussi un crime contre elle-même qui l'entraîne vers l'abîme et une solitude extrême. L'endroit du crime et de la passion, c'est l'endroit de la révolution, celui où la société contraint les êtres. Le fait divers dont s'inspire Marguerite Duras devient sous sa plume une tragédie : elle dépasse la dimension sociale pour entrer dans le mythe. Claire Lannes tue sa propre chair et par là même son couple. Cet assassinat est un cri d'amour, un crime fondateur. Nous avons voulu, avec Ahmed, un dispositif très proche des spectateurs pour être vraiment dans l'agora. L'interrogateur devient la société qui interroge la criminelle et s'interroge sur elle-même, l'humain qui cherche à se comprendre. Claire Lannes persiste à chercher cet amour idéal qui est derrière elle. Il y a souvent chez Duras ce moment d'incandescence amoureuse qui ne peut durer tel quel, et cette incapacité à se fixer dans une situation et s'y reconnaître. La vraie vie, pour elle, est ailleurs dans une autre vie impossible à vivre. Marguerite Duras décrit merveilleusement cette inadaptation à la vie.
Comment avez-vous choisi d'incarner Claire Lannes ?
L'incarnation doit être à la fois très concrète et très poétique. Ce n'est pas une héroïne désincarnée mais une femme de chair, avec ses désirs, son vécu, qui s'exprime dans une langue construite et stylisée. Il y a une incandescence des personnages féminins chez Duras et c'est précisément cette incandescence-là qu'il faut parvenir à incarner.
Mon projet pour le Centre dramatique de Haute-Normandie accorde une très grande importance à l'écriture et au partage par le verbe et le langage : comment dire et parvenir à dire ? Aussi, je trouve extraordinaire d'essayer de porter et faire entendre cette langue durassienne, très poétique et stylée, au-delà de l'intrigue et de l'héroïne. Je voulais également aborder les thématiques du couple et de la folie. Aussi, quand j'ai relu L'Amante anglaise, il m'est apparu évident que je devais aller vers ce texte et cette écriture. Et j'ai été très heureuse qu'Ahmed Madani me rejoigne dans ce désir.
Qu'a voulu illustrer Marguerite Duras à travers ce crime familial et conjugal ?
Claire Lannes est un peu comme toutes les héroïnes de Marguerite Duras, toujours en quête d'un amour idéal. Ici, l'amour total est derrière elle, et le crime de sa cousine sourde et muette, dont l'omniprésence a empêché le couple de se réaliser, est à la fois une renaissance et un suicide. Avant ce passage à l'acte, Claire ne peut plus parler : elle s'enterre et s'enferme en elle-même. Après, elle retrouve le langage, mais c'est aussi un crime contre elle-même qui l'entraîne vers l'abîme et une solitude extrême. L'endroit du crime et de la passion, c'est l'endroit de la révolution, celui où la société contraint les êtres. Le fait divers dont s'inspire Marguerite Duras devient sous sa plume une tragédie : elle dépasse la dimension sociale pour entrer dans le mythe. Claire Lannes tue sa propre chair et par là même son couple. Cet assassinat est un cri d'amour, un crime fondateur. Nous avons voulu, avec Ahmed, un dispositif très proche des spectateurs pour être vraiment dans l'agora. L'interrogateur devient la société qui interroge la criminelle et s'interroge sur elle-même, l'humain qui cherche à se comprendre. Claire Lannes persiste à chercher cet amour idéal qui est derrière elle. Il y a souvent chez Duras ce moment d'incandescence amoureuse qui ne peut durer tel quel, et cette incapacité à se fixer dans une situation et s'y reconnaître. La vraie vie, pour elle, est ailleurs dans une autre vie impossible à vivre. Marguerite Duras décrit merveilleusement cette inadaptation à la vie.
Comment avez-vous choisi d'incarner Claire Lannes ?
L'incarnation doit être à la fois très concrète et très poétique. Ce n'est pas une héroïne désincarnée mais une femme de chair, avec ses désirs, son vécu, qui s'exprime dans une langue construite et stylisée. Il y a une incandescence des personnages féminins chez Duras et c'est précisément cette incandescence-là qu'il faut parvenir à incarner.
Paru le 21/03/2010
(7 notes) ARTISTIC THÉÂTRE (L') Du mardi 16 mars au samedi 17 avril 2010
COMÉDIE DRAMATIQUE. Élizabeth Macocco, qui fut sous la direction d'Anne-Marie Lazzarini un diable inoubliable dans "L'Étrange histoire de Peter Schlemihl " d'Adalbert von Chamisso, dirige actuellement le Centre dramatique régional de Haute-Normandie. Elle nous propose d'accueillir, juste après sa création au Théâtre ...
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