Interview par Manuel Piolat Soleymat
Jean-Louis Martinelli
“J’aurais voulu être égyptien”, d’Alaa El Aswany
Jean-Louis Martinelli met en scène "J'aurais voulu être égyptien", d'Alaa El Aswany, au Théâtre Nanterre-Amandiers. Une adaptation théâtrale de "Chicago", roman au sein duquel l'écrivain égyptien confronte la réalité contemporaine de son pays à celle des États-Unis.
Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser aux romans d'Alaa El Aswany ?
Comme beaucoup de personnes en France, j'ai découvert cet auteur en lisant L'Immeuble Yacoubian. Ce qui m'intéresse dans cette écriture, c'est un peu, je pense, ce qui doit intéresser les artistes qui travaillent sur l'œuvre de Dostoïevski : un matériau romanesque extrêmement riche, composé d'une profusion de personnages, mêlant événements intimes et perspectives politiques. Dans son roman, Alaa El Aswany présente une communauté d'émigrés égyptiens vivant à Chicago. Il y a des jeunes gens, nouvellement arrivés aux États-Unis, et des personnes plus âgées, qui vivent là-bas depuis très longtemps. À travers les histoires de six couples très différents, Chicago fait dialoguer l'Occident et le Moyen-Orient.
Il s'agit donc d'un texte sur l'exil...
D'un texte sur tous les exils, sur tous les déplacements : sur les déplacements géographiques, bien sûr, mais aussi sur les déplacements du regard, sur ces pas de côté qui nous amènent à regarder l'autre, à nous questionner sur une culture qui n'est pas la nôtre.
Quels ont été les principaux enjeux de votre travail d'adaptation ?
J'ai cherché à rendre compte de la lecture d'un roman, à faire du théâtre avec de l'écriture romanesque plutôt qu'à créer une pièce. J'aurais voulu être égyptien s'inscrit dans une forme de théâtre-récit. On part de témoignages et on arrive à l'incarnation. C'est dans l'espace de ces allers-retours que le spectacle prend corps, qu'il fait naître toutes les possibilités de lieux et de fictions de Chicago.
Quelle vision de l'Égypte ce roman porte-t-il ?
Ce qui est très troublant, c'est que ce texte - qui se déroule après les attentats du 11 Septembre 2001, peu avant une visite de Hosni Moubarak à Chicago - a été écrit en 2006, et qu'on a souvent l'impression que tout cela pourrait se passer aujourd'hui. Tous les problèmes de la société égyptienne que la révolution de ce début d'année a mis au jour sont déjà là : le rapport à la religion, à la corruption, l'insatisfaction d'une jeunesse qui aspire à une autre Égypte...
Alaa El Aswany déclare ne pas avoir voulu écrire un roman politique, mais un roman fondé sur l'humain. Qu'en est-il de votre spectacle ?
Le théâtre uniquement centré sur des histoires de nombril ne m'intéresse pas. Les problèmes qui se posent à l'individu doivent être mis en relation avec l'autre et avec le monde. C'est pourquoi il me paraît impensable de créer un spectacle qui n'ait pas de portée politique, même s'il ne doit pas se réduire à cela. Je souhaite créer un théâtre qui - au-delà d'exprimer une thèse ou une idée - éclaire ce qui motive une pensée, ce qui fonde une parole.
Comme beaucoup de personnes en France, j'ai découvert cet auteur en lisant L'Immeuble Yacoubian. Ce qui m'intéresse dans cette écriture, c'est un peu, je pense, ce qui doit intéresser les artistes qui travaillent sur l'œuvre de Dostoïevski : un matériau romanesque extrêmement riche, composé d'une profusion de personnages, mêlant événements intimes et perspectives politiques. Dans son roman, Alaa El Aswany présente une communauté d'émigrés égyptiens vivant à Chicago. Il y a des jeunes gens, nouvellement arrivés aux États-Unis, et des personnes plus âgées, qui vivent là-bas depuis très longtemps. À travers les histoires de six couples très différents, Chicago fait dialoguer l'Occident et le Moyen-Orient.
Il s'agit donc d'un texte sur l'exil...
D'un texte sur tous les exils, sur tous les déplacements : sur les déplacements géographiques, bien sûr, mais aussi sur les déplacements du regard, sur ces pas de côté qui nous amènent à regarder l'autre, à nous questionner sur une culture qui n'est pas la nôtre.
Quels ont été les principaux enjeux de votre travail d'adaptation ?
J'ai cherché à rendre compte de la lecture d'un roman, à faire du théâtre avec de l'écriture romanesque plutôt qu'à créer une pièce. J'aurais voulu être égyptien s'inscrit dans une forme de théâtre-récit. On part de témoignages et on arrive à l'incarnation. C'est dans l'espace de ces allers-retours que le spectacle prend corps, qu'il fait naître toutes les possibilités de lieux et de fictions de Chicago.
Quelle vision de l'Égypte ce roman porte-t-il ?
Ce qui est très troublant, c'est que ce texte - qui se déroule après les attentats du 11 Septembre 2001, peu avant une visite de Hosni Moubarak à Chicago - a été écrit en 2006, et qu'on a souvent l'impression que tout cela pourrait se passer aujourd'hui. Tous les problèmes de la société égyptienne que la révolution de ce début d'année a mis au jour sont déjà là : le rapport à la religion, à la corruption, l'insatisfaction d'une jeunesse qui aspire à une autre Égypte...
Alaa El Aswany déclare ne pas avoir voulu écrire un roman politique, mais un roman fondé sur l'humain. Qu'en est-il de votre spectacle ?
Le théâtre uniquement centré sur des histoires de nombril ne m'intéresse pas. Les problèmes qui se posent à l'individu doivent être mis en relation avec l'autre et avec le monde. C'est pourquoi il me paraît impensable de créer un spectacle qui n'ait pas de portée politique, même s'il ne doit pas se réduire à cela. Je souhaite créer un théâtre qui - au-delà d'exprimer une thèse ou une idée - éclaire ce qui motive une pensée, ce qui fonde une parole.
Paru le 13/09/2011
(10 notes) THÉÂTRE NANTERRE-AMANDIERS Du vendredi 16 septembre au vendredi 21 octobre 2011
COMÉDIE DRAMATIQUE. Les personnages de ce roman polyphonique se débattent entre deux mondes, dans une Amérique traumatisée par les attentats du 11-Septembre et juste avant une visite du président Moubarak. Il sera certes question de système policier, de corruption, de désir de révolution mais le grand art d’Aswany es...
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