Interview par Manuel Piolat Soleymat
Stanislas Nordey met en scène “Incendies”
au Théâtre des Quartiers d’Ivry
Suite au décès de leur mère, deux jumeaux partent à la découverte de leurs origines... Après avoir mis en scène "Incendies" au Théâtre national de la Colline, en 2008, Stanislas Nordey reprend la pièce de Wajdi Mouawad au Théâtre des Quartiers d'Ivry.
Qu'est-ce qui vous inspire et vous questionne dans le théâtre de Wajdi Mouawad ?
J'ai été élevé au biberon par le choc Heiner Müller, par la façon dont se déconstruisaient la narration et les codes habituels du récit théâtral. Cela a structuré mon rapport au théâtre. J'aime la forme de réaction de Wajdi Mouawad, face à trente ou quarante ans d'explosion de la fable. Il me semble que cette affirmation quasi désespérée de l'importance de raconter des histoires renvoie à l'enfance du théâtre et particulièrement au théâtre grec. Incendies me semble être, dans l'œuvre de Mouawad, une réussite totale, la quintessence de son projet.
Quelles thématiques vous interpellent-elles le plus profondément dans cette pièce ?
Le dialogue entre les personnages de Nawal et Sawda, qui se situe exactement au centre de la pièce, est ce qui m'a décidé à la monter. J'y retrouve toutes mes interrogations sur la question des formes possibles de l'engagement, et notamment l'irréconciliable débat sur la nécessité de l'usage de la violence dans tout mouvement de protestation, dans toute révolution. Est-il parfois nécessaire de tuer ? Il me semble que la puissance du dispositif mis en place par Mouawad tient au fait que ce sont deux femmes, et non deux hommes, qui posent de façon brûlante cette question.
De quelle façon avez-vous abordé Incendies ?
Dans ce projet, il était important pour moi de mettre en danger mon travail de metteur en scène. L'écriture de Mouawad est éloignée de mes choix habituels : j'aime les écritures trouées, elliptiques et Mouawad dit tout, dit beaucoup, ne laisse que peu de zones d'ombres. D'autre part, je n'ai pas l'habitude de mettre en scène des histoires. Le mode de récit scénique était une nouveauté pour moi. Mettre en scène Incendies a fait vaciller les fondamentaux de mon théâtre et ce fut revigorant. Cela a laissé des traces dans mes travaux suivants. J'ai la sensation d'avoir rouvert le jeu, d'avoir élargi le spectre de mes possibilités. La place laissée à l'émotion de l'acteur et du spectateur est nécessaire dans un travail comme celui-ci et ce fut pour moi une épreuve dans le sens positif du terme. J'ai toujours peur d'une certaine forme de complaisance quand l'émotion est au premier plan. Grâce à la rigueur de l'écriture qui ne déborde jamais et grâce à l'intelligence des comédiens, il me semble que nous avons trouvé un beau point d'équilibre.
Quelle vision de l'art dramatique cherchez-vous à défendre depuis vos débuts au théâtre, à la fin des années 1980 ?
Je cherche à faire entendre plus qu'à faire voir. Je me suis très tôt, par la découverte de Pasolini, inscrit dans le "théâtre de parole", un théâtre qui revendique la force concomitante du poétique et du politique. Mouawad en serait la traduction la plus populaire jusqu'à ce jour.
J'ai été élevé au biberon par le choc Heiner Müller, par la façon dont se déconstruisaient la narration et les codes habituels du récit théâtral. Cela a structuré mon rapport au théâtre. J'aime la forme de réaction de Wajdi Mouawad, face à trente ou quarante ans d'explosion de la fable. Il me semble que cette affirmation quasi désespérée de l'importance de raconter des histoires renvoie à l'enfance du théâtre et particulièrement au théâtre grec. Incendies me semble être, dans l'œuvre de Mouawad, une réussite totale, la quintessence de son projet.
Quelles thématiques vous interpellent-elles le plus profondément dans cette pièce ?
Le dialogue entre les personnages de Nawal et Sawda, qui se situe exactement au centre de la pièce, est ce qui m'a décidé à la monter. J'y retrouve toutes mes interrogations sur la question des formes possibles de l'engagement, et notamment l'irréconciliable débat sur la nécessité de l'usage de la violence dans tout mouvement de protestation, dans toute révolution. Est-il parfois nécessaire de tuer ? Il me semble que la puissance du dispositif mis en place par Mouawad tient au fait que ce sont deux femmes, et non deux hommes, qui posent de façon brûlante cette question.
De quelle façon avez-vous abordé Incendies ?
Dans ce projet, il était important pour moi de mettre en danger mon travail de metteur en scène. L'écriture de Mouawad est éloignée de mes choix habituels : j'aime les écritures trouées, elliptiques et Mouawad dit tout, dit beaucoup, ne laisse que peu de zones d'ombres. D'autre part, je n'ai pas l'habitude de mettre en scène des histoires. Le mode de récit scénique était une nouveauté pour moi. Mettre en scène Incendies a fait vaciller les fondamentaux de mon théâtre et ce fut revigorant. Cela a laissé des traces dans mes travaux suivants. J'ai la sensation d'avoir rouvert le jeu, d'avoir élargi le spectre de mes possibilités. La place laissée à l'émotion de l'acteur et du spectateur est nécessaire dans un travail comme celui-ci et ce fut pour moi une épreuve dans le sens positif du terme. J'ai toujours peur d'une certaine forme de complaisance quand l'émotion est au premier plan. Grâce à la rigueur de l'écriture qui ne déborde jamais et grâce à l'intelligence des comédiens, il me semble que nous avons trouvé un beau point d'équilibre.
Quelle vision de l'art dramatique cherchez-vous à défendre depuis vos débuts au théâtre, à la fin des années 1980 ?
Je cherche à faire entendre plus qu'à faire voir. Je me suis très tôt, par la découverte de Pasolini, inscrit dans le "théâtre de parole", un théâtre qui revendique la force concomitante du poétique et du politique. Mouawad en serait la traduction la plus populaire jusqu'à ce jour.
Paru le 15/05/2012
(18 notes) THÉÂTRE ANTOINE VITEZ - SCÈNE D'IVRY Du lundi 30 avril au dimanche 27 mai 2012
COMÉDIE DRAMATIQUE. "Simon, je t’appelle pour te dire que je pars vers le pays. Je vais essayer de retrouver ce père, et si je le trouve, s’il est encore en vie, je vais lui remettre l’enveloppe. Ce n’est pas pour elle, c’est pour moi. C’est pour toi. Pour la suite..."
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