Interview par Manuel Piolat Soleymat
Belles-Sœurs
au théâtre du Rond-Point
René Richard Cyr transforme l'un des plus grands succès de Michel Tremblay en pièce de théâtre musical. Le metteur en scène et parolier québécois nous en dit plus sur cette aventure.
Pourquoi la présentation à la télévision canadienne de En pièces détachées de Michel Tremblay, en 1971, a-t-elle été pour vous une révélation ?
C'était la première fois que la véritable réalité prolétarienne québécoise prenait d'assaut la télévision publique. Un télé-théâtre de cent vingt minutes, à heure de grande écoute, qui montrait la misère d'une classe ouvrière démunie financièrement, culturellement, socialement, sexuellement. La langue québécoise y était portée pour une fois sans fard, avec une véracité jamais égalée. Outre cette formidable affirmation de notre identité, il y a chez Tremblay un sens du dialogue qui réussit à émouvoir et à faire rire dans une même réplique. Il y a des personnages extraordinaires, un souci de vérité et d'invention formidable, une construction audacieuse. Comme chez nombre de grands auteurs, l'idée que les personnages désirent être autre chose que ce qu'ils sont permet à ses œuvres d'avoir une portée profonde et universelle.
De quoi traite Belles-Sœurs ?
De la réalité des femmes, de leur asservissement, de leur éveil, de leur révolte, de leur combativité, de leur force, de leurs douleurs, de leurs joies. La pièce, écrite en 1965, annonce aussi la montée en puissance de la société de consommation. Germaine Lauzon, ménagère, gagne un million de "timbres primes" qui, une fois collés dans des livrets et remis à la compagnie qui a organisé le concours, lui permettront d'acquérir de nouveaux meubles, de nouveaux vêtements pour elle et pour sa famille, ainsi qu'une panoplie de choses dont elle n'a pas vraiment besoin ! Elle convie ses sœurs, ses belles-sœurs, ses voisines à venir coller le million de timbres dans les livrets, mais la jalousie aura raison de l'honnêteté...
Pensez-vous que la portée féministe de cette pièce sera aussi forte aujourd'hui qu'elle l'a été à sa création ?
Elle l'est indéniablement, car elle permet de reconnaître le chemin parcouru par les femmes de 1965 à nos jours, et de mesurer celui qu'il reste à parcourir.
Que pensez-vous que la musique puisse apporter à ce texte ?
Il y a déjà une musicalité dans la langue de Tremblay. Notre travail, à Daniel Bélanger (ndlr, le compositeur des musiques) et à moi, aura permis d'en augmenter la puissance. Ce qui était drame devient encore plus dramatique, le comique encore plus drôle, la charge émotive encore plus troublante. L'adaptation et l'ajout de chansons auront peut-être également fait subir à la pièce une cure de rajeunissement, telle une nouvelle traduction d'une pièce du répertoire. Lorsque la pièce fut créée à Montréal, en 1968, c'était la première fois que nos misères étaient exposées avec autant de justesse sur une scène. Aujourd'hui, c'est la vaillance de ces femmes qui semble apparaître en premier plan.
C'était la première fois que la véritable réalité prolétarienne québécoise prenait d'assaut la télévision publique. Un télé-théâtre de cent vingt minutes, à heure de grande écoute, qui montrait la misère d'une classe ouvrière démunie financièrement, culturellement, socialement, sexuellement. La langue québécoise y était portée pour une fois sans fard, avec une véracité jamais égalée. Outre cette formidable affirmation de notre identité, il y a chez Tremblay un sens du dialogue qui réussit à émouvoir et à faire rire dans une même réplique. Il y a des personnages extraordinaires, un souci de vérité et d'invention formidable, une construction audacieuse. Comme chez nombre de grands auteurs, l'idée que les personnages désirent être autre chose que ce qu'ils sont permet à ses œuvres d'avoir une portée profonde et universelle.
De quoi traite Belles-Sœurs ?
De la réalité des femmes, de leur asservissement, de leur éveil, de leur révolte, de leur combativité, de leur force, de leurs douleurs, de leurs joies. La pièce, écrite en 1965, annonce aussi la montée en puissance de la société de consommation. Germaine Lauzon, ménagère, gagne un million de "timbres primes" qui, une fois collés dans des livrets et remis à la compagnie qui a organisé le concours, lui permettront d'acquérir de nouveaux meubles, de nouveaux vêtements pour elle et pour sa famille, ainsi qu'une panoplie de choses dont elle n'a pas vraiment besoin ! Elle convie ses sœurs, ses belles-sœurs, ses voisines à venir coller le million de timbres dans les livrets, mais la jalousie aura raison de l'honnêteté...
Pensez-vous que la portée féministe de cette pièce sera aussi forte aujourd'hui qu'elle l'a été à sa création ?
Elle l'est indéniablement, car elle permet de reconnaître le chemin parcouru par les femmes de 1965 à nos jours, et de mesurer celui qu'il reste à parcourir.
Que pensez-vous que la musique puisse apporter à ce texte ?
Il y a déjà une musicalité dans la langue de Tremblay. Notre travail, à Daniel Bélanger (ndlr, le compositeur des musiques) et à moi, aura permis d'en augmenter la puissance. Ce qui était drame devient encore plus dramatique, le comique encore plus drôle, la charge émotive encore plus troublante. L'adaptation et l'ajout de chansons auront peut-être également fait subir à la pièce une cure de rajeunissement, telle une nouvelle traduction d'une pièce du répertoire. Lorsque la pièce fut créée à Montréal, en 1968, c'était la première fois que nos misères étaient exposées avec autant de justesse sur une scène. Aujourd'hui, c'est la vaillance de ces femmes qui semble apparaître en premier plan.
Paru le 12/03/2012
(23 notes) THÉÂTRE DU ROND-POINT Du jeudi 8 mars au samedi 7 avril 2012
CHANSONS. La règle du jeu: 1965, Germaine gagne un million de timbres-primes à coller dans un catalogue promotionnel, genre La Redoute ou les 3 Suisses. Cent points pour une assiette, 1000 pour un coussin, etc. Objectif: tout coller afin de tout recevoir gratos.
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