Dossier par Samuel Ganes
Sister Act
Comédie musicale divine
L'une des comédies musicales de cette rentrée est sans conteste "Sister Act", inspirée du film et coproduite par Whoopi Goldberg et Stage Entertainment. Nous avons rencontré deux des interprètes, Kania et James Noah. Bruno Berberes, quant à lui signe les castings des plus grandes comédies musicales.?Un homme de l'ombre indispensable.
Kania, vous interprétez Dolorès, que jouait Whoopi Goldberg dans le film.
Ce qui est justement intéressant, c'est que ce personnage est peu différent dans le show par rapport au film. Ici, elle est plus jeune et plus naïve. Au début, c'est une femme-enfant, elle fait beaucoup de bruit, est extravertie et limite «too much», son rapport avec Curtis dans la séduction est aussi une figure paternelle. Au second acte, elle est plus introvertie, dans l'émotion. C'est vrai que, derrière le divertissement, Sister Act est aussi le chemin d'une femme, la confrontation intergénérationnelle, et aussi celle de deux mondes: la tradition des religieux et la modernité des laïques. C'est très actuel au fond.
Vous, James, vous interprétez plusieurs rôles.
Oui, nous sommes vingt-deux acteurs multirôles qui assurons, comme dans tous les grands shows, les doublures. Pour ma part, je double deux rôles principaux: celui d'Eddy, un jeune homme timide, pas très sûr de lui, qui perd tous ses moyens devant Dolores, et Curtis, le boss mafieux et manipulateur. C'est un vrai plaisir de jouer deux personnages aussi opposés. La difficulté n'est pas de passer d'un rôle à l'autre, car on les travaille en profondeur séparément, distinctement et en amont, mais elle réside plutôt dans le fait que tu arrives au théâtre le soir sans savoir si tu vas jouer ou non et qui tu vas devoir remplacer. Il y a un challenge du dernier moment plus intense, on se sent moins «installé» et, au fond, c'est une très bonne école.
Quelles ont été vos premières impressions à vous deux quand vous avez découvert le spectacle, les chansons ?
Kania : Je vis depuis quatorze ans en France, mais je suis québécoise et j'ai vécu aux Etats-Unis aussi. Au-delà du travail que je fais sur mon accent, chanter les «r» français, par exemple, c'est difficile pour moi, le vrai challenge était de faire sonner la soul, le blues ou le disco... en français! L'adaptation pour ça est vraiment réussie, mais il faut la faire passer, il faut que tout soit compréhensible.
James : Moi, j'ai moins ce problème de langue, étant originaire du Cameroun, même si j'ai vécu à Washington pour améliorer mon anglais. J'ai toujours été passionné par le cinéma, je connaissais donc le film que j'aime, mais qui est un peu daté selon moi. Je trouve que le show lui redonne une seconde vie, avec plus de fraîcheur, d'humour et aussi d'émotion. Sister Act reste une leçon de vie.
Kania : J'ai compris aussi une chose en allant voir la version allemande: les arrangements, comme les chansons, sont tellement bons, que peu importe la langue: ça passe! Et tout ça s'explique par le génie du compositeur Alan Menken, qui est celui qui écrit pour Disney aussi. D'ailleurs, les seules chansons qui ne m'ont pas dérangée une fois traduites en français sont celles de Disney: Le Rêve bleu d'Aladin, par exemple. Cet homme est un génie !
Bruno, comment devient-on directeur de casting ?
Les chemins sont multiples pour y parvenir. Pour ma part, j'ai fait des études de gestion et j'étais comédien-chanteur, jouant dans les premières parties de Juliette Gréco, partageant l'affiche avec les comédiens du Français, ou encore ma rencontre avec l'équipe du Piano Zinc. Très vite, je me suis improvisé manager, par plaisir de m'occuper des autres, travaillant sur les festivals (Bourges, Francofolies...), les petites salles (Sentier des Halles), ou participant à des concours de chant. Tu participes, tu regardes, tu écoutes et, sans t'en rendre compte, tu te forges une expérience de terrain incroyable. Tu essaies tout, tu te prends un paquet de portes dans le nez, mais tu n'abandonnes jamais. Le déclic c'est avec Les Dix Commandements et ma rencontre avec Lionel Florence. Je lui envoie trois artistes pour son casting et ils sont tous engagés. Dove Attia et Pascal Obispo, très étonnés, me proposent ensuite de m'occuper du casting pour la deuxième troupe. Ils insistent en me disant que je suis directeur de casting, même si je l'ignore. Après, tout s'est enchaîné: le casting de la Star Academy I, Autant en emporte le vent, Le Roi Soleil, Mozart, Sol en cirque... jusqu'à aujourd'hui: The Voice, 1789, Salut les copains et Sister Act.
Quelles sont, selon vous, les qualités d'un directeur de casting ?
Tout d'abord avoir l'œil et l'oreille, se projeter dans l'avenir et ne jamais juger sur l'ici et maintenant. Être curieux, aller voir les artistes sur scène, les réseaux sociaux, pour te constituer un bon fichier d'artistes. Avoir une bonne mémoire, car le meilleur fichier, c'est celui que tu as dans la tête. Évidemment, aimer les artistes, puis en respecter les différentes phases. Bien comprendre les besoins de ton producteur, puis ton précasting: tu penses à des artistes talentueux ou prometteurs qui se rapprochent des personnages, pour les personnages imaginaires, tu mises alors sur l'identité, la personnalité, bref, le talent de tes découvertes. Dernière phase: la plus stressante pour moi, tu présentes tes coups de cœur à tes producteurs, metteurs en scène. Tu es content pour ceux qui sont pris et, parfois, tu es supertriste pour ceux qui ne le sont pas. La considération de l'autre est toujours au cœur de mon travail, c'est un métier d'écoute, de passion et profondément humaniste.
Qu'est-ce qui fait, selon toi, une bonne distribution?
La diversité, déjà, le métissage des cultures et les meilleures distributions sont souvent celles où tu as pris le plus de risques dans ton choix final. Le casting de Sister Act en est un excellent exemple car ils viennent tous d'horizons et de mondes différents: théâtre ou musical, danse ou cirque...
On dit souvent que, en France, les artistes ne sont pas assez formés pour les musicals, vous êtes très bien placé pour donner votre avis.
Oui et non, la formation n'est pas assez adaptée au marché. Nous cherchons des artistes généralistes qui peuvent s'adapter à l'univers des créateurs tout en imposant leur marque, leur personnalité. Il y a de très bonnes écoles, mais si l'élève artiste n'est pas curieux de toutes les cultures, cela ne sert pas à grand-chose. La France reste le pays de la diversité, du choc des cultures. Il n'y a pas de malédiction française de la comédie musicale. Je suis particulièrement heureux du succès actuel des spectacles auxquels j'ai participé et qui donnent raison à l'ouverture. C'est aussi grâce aux émissions comme The Voice, Star Ac' ou Nouvelle Star que l'exigence du public est devenue plus forte. La qualité de chant des candidats dans les castings est plus élevée aujourd'hui qu'il y a dix ans.
Ce qui est justement intéressant, c'est que ce personnage est peu différent dans le show par rapport au film. Ici, elle est plus jeune et plus naïve. Au début, c'est une femme-enfant, elle fait beaucoup de bruit, est extravertie et limite «too much», son rapport avec Curtis dans la séduction est aussi une figure paternelle. Au second acte, elle est plus introvertie, dans l'émotion. C'est vrai que, derrière le divertissement, Sister Act est aussi le chemin d'une femme, la confrontation intergénérationnelle, et aussi celle de deux mondes: la tradition des religieux et la modernité des laïques. C'est très actuel au fond.
Vous, James, vous interprétez plusieurs rôles.
Oui, nous sommes vingt-deux acteurs multirôles qui assurons, comme dans tous les grands shows, les doublures. Pour ma part, je double deux rôles principaux: celui d'Eddy, un jeune homme timide, pas très sûr de lui, qui perd tous ses moyens devant Dolores, et Curtis, le boss mafieux et manipulateur. C'est un vrai plaisir de jouer deux personnages aussi opposés. La difficulté n'est pas de passer d'un rôle à l'autre, car on les travaille en profondeur séparément, distinctement et en amont, mais elle réside plutôt dans le fait que tu arrives au théâtre le soir sans savoir si tu vas jouer ou non et qui tu vas devoir remplacer. Il y a un challenge du dernier moment plus intense, on se sent moins «installé» et, au fond, c'est une très bonne école.
Quelles ont été vos premières impressions à vous deux quand vous avez découvert le spectacle, les chansons ?
Kania : Je vis depuis quatorze ans en France, mais je suis québécoise et j'ai vécu aux Etats-Unis aussi. Au-delà du travail que je fais sur mon accent, chanter les «r» français, par exemple, c'est difficile pour moi, le vrai challenge était de faire sonner la soul, le blues ou le disco... en français! L'adaptation pour ça est vraiment réussie, mais il faut la faire passer, il faut que tout soit compréhensible.
James : Moi, j'ai moins ce problème de langue, étant originaire du Cameroun, même si j'ai vécu à Washington pour améliorer mon anglais. J'ai toujours été passionné par le cinéma, je connaissais donc le film que j'aime, mais qui est un peu daté selon moi. Je trouve que le show lui redonne une seconde vie, avec plus de fraîcheur, d'humour et aussi d'émotion. Sister Act reste une leçon de vie.
Kania : J'ai compris aussi une chose en allant voir la version allemande: les arrangements, comme les chansons, sont tellement bons, que peu importe la langue: ça passe! Et tout ça s'explique par le génie du compositeur Alan Menken, qui est celui qui écrit pour Disney aussi. D'ailleurs, les seules chansons qui ne m'ont pas dérangée une fois traduites en français sont celles de Disney: Le Rêve bleu d'Aladin, par exemple. Cet homme est un génie !
Bruno, comment devient-on directeur de casting ?
Les chemins sont multiples pour y parvenir. Pour ma part, j'ai fait des études de gestion et j'étais comédien-chanteur, jouant dans les premières parties de Juliette Gréco, partageant l'affiche avec les comédiens du Français, ou encore ma rencontre avec l'équipe du Piano Zinc. Très vite, je me suis improvisé manager, par plaisir de m'occuper des autres, travaillant sur les festivals (Bourges, Francofolies...), les petites salles (Sentier des Halles), ou participant à des concours de chant. Tu participes, tu regardes, tu écoutes et, sans t'en rendre compte, tu te forges une expérience de terrain incroyable. Tu essaies tout, tu te prends un paquet de portes dans le nez, mais tu n'abandonnes jamais. Le déclic c'est avec Les Dix Commandements et ma rencontre avec Lionel Florence. Je lui envoie trois artistes pour son casting et ils sont tous engagés. Dove Attia et Pascal Obispo, très étonnés, me proposent ensuite de m'occuper du casting pour la deuxième troupe. Ils insistent en me disant que je suis directeur de casting, même si je l'ignore. Après, tout s'est enchaîné: le casting de la Star Academy I, Autant en emporte le vent, Le Roi Soleil, Mozart, Sol en cirque... jusqu'à aujourd'hui: The Voice, 1789, Salut les copains et Sister Act.
Quelles sont, selon vous, les qualités d'un directeur de casting ?
Tout d'abord avoir l'œil et l'oreille, se projeter dans l'avenir et ne jamais juger sur l'ici et maintenant. Être curieux, aller voir les artistes sur scène, les réseaux sociaux, pour te constituer un bon fichier d'artistes. Avoir une bonne mémoire, car le meilleur fichier, c'est celui que tu as dans la tête. Évidemment, aimer les artistes, puis en respecter les différentes phases. Bien comprendre les besoins de ton producteur, puis ton précasting: tu penses à des artistes talentueux ou prometteurs qui se rapprochent des personnages, pour les personnages imaginaires, tu mises alors sur l'identité, la personnalité, bref, le talent de tes découvertes. Dernière phase: la plus stressante pour moi, tu présentes tes coups de cœur à tes producteurs, metteurs en scène. Tu es content pour ceux qui sont pris et, parfois, tu es supertriste pour ceux qui ne le sont pas. La considération de l'autre est toujours au cœur de mon travail, c'est un métier d'écoute, de passion et profondément humaniste.
Qu'est-ce qui fait, selon toi, une bonne distribution?
La diversité, déjà, le métissage des cultures et les meilleures distributions sont souvent celles où tu as pris le plus de risques dans ton choix final. Le casting de Sister Act en est un excellent exemple car ils viennent tous d'horizons et de mondes différents: théâtre ou musical, danse ou cirque...
On dit souvent que, en France, les artistes ne sont pas assez formés pour les musicals, vous êtes très bien placé pour donner votre avis.
Oui et non, la formation n'est pas assez adaptée au marché. Nous cherchons des artistes généralistes qui peuvent s'adapter à l'univers des créateurs tout en imposant leur marque, leur personnalité. Il y a de très bonnes écoles, mais si l'élève artiste n'est pas curieux de toutes les cultures, cela ne sert pas à grand-chose. La France reste le pays de la diversité, du choc des cultures. Il n'y a pas de malédiction française de la comédie musicale. Je suis particulièrement heureux du succès actuel des spectacles auxquels j'ai participé et qui donnent raison à l'ouverture. C'est aussi grâce aux émissions comme The Voice, Star Ac' ou Nouvelle Star que l'exigence du public est devenue plus forte. La qualité de chant des candidats dans les castings est plus élevée aujourd'hui qu'il y a dix ans.
Paru le 28/12/2012
(23 notes) THÉÂTRE MOGADOR Du dimanche 9 septembre 2012 au dimanche 30 juin 2013
COMÉDIE/COMÉDIE MUSICALE. Vingt ans après le succès mondial du film dont il est tiré, le musical "Sister Act" triomphe à Londres en 2009. Il poursuit son tour du monde et reçoit 5 nominations aux Tony Awards®. Coproduit par Whoopi Goldberg et Stage Entertainment ("Le Roi Lion", "Cabaret", "Mamma Mia!"). Grâce à son humour ...
|