« Il faut respecter la pudeur, la fierté et la noblesse de ces ancêtres », déclare l'auteur et metteur en scène Nasser Djemaï, « et aussi, avec délicatesse, brancher le détonateur et faire exploser des moments de vérité, avec toute la violence, la cruauté et la drôlerie qui s'imposent. » Les ancêtres dont il est ici question sont des Chibanis, des travailleurs immigrés venus travailler en France pour subvenir aux besoins de leur famille restée au Maghreb. Dans Invisibles, Nasser Djemaï met en scène cinq de ces exilés. Cinq retraités qui finissent leurs jours loin des leurs, dans un foyer Sonacotra. Coups de gueule, coups de main, éclats de rire, fantômes surgissant du passé, parties de dominos autour d'une table en formica... Servie par une troupe de comédiens remarquables (Lounès Tazaïrt, Mostefa Stiti, Angelo Aybar, Kader Kada, Azzedine Bouayad et David Arribe), cette fable initiatique fait surgir un théâtre du sensible, un théâtre du quotidien à haute valeur politique. Ces Chibanis nous font rirent, nous émeuvent. Ils donnent corps à un spectacle d'une humanité simple et essentielle, un spectacle qui place en pleine lumière des êtres habituellement cantonnés à l'ombre.