Dossier par Samuel Ganes
Les Caprices de Marianne
Explorez la part sombre de Musset
Grand classique du théâtre romantique de Musset, «Les Caprices de Marianne» vous sont proposés dans une version inédite par le metteur en scène et comédien Stéphane Peyran au Vingtième Théâtre. Rencontre avec cet artiste et l'un des comédiens, Robin Laporte.
En quoi cette nouvelle version est inédite ?
Stéphane Peyran : Après l'échec de sa pièce La nuit vénitienne à l'Odéon, Musset avait renoncé à écrire pour le théâtre. Au départ, Les Caprices de Marianne, publiés en 1833, faisaient partis d'une collection au nom équivoque «Un spectacle dans un fauteuil». Je suis parti de la version scénique qu'il avait alors réécrite sur commande en 1851 pour la Comédie Française. Cette version théâtrale du texte a ma préférence bien qu'elle ait été soumise à la censure pour être jouée et c'est pourquoi nous allons la présenter dans sa version non censurée. Presque deux siècles plus tard, elle a pour moi une résonance moderne incontestable. Elle parle d'une jeunesse désabusée en mal de repères qui veut s'affranchir d'un certain nombre de conventions que la société lui impose. Il y a cette phrase dans La Confession d'un enfant du siècle du même auteur et que j'aime citer : « Alors s'assit sur un monde en ruines, une jeunesse soucieuse. » Elle reflète particulièrement bien notre époque. La pièce nous parle de problématiques actuelles. Elle défend aussi les valeurs du féminisme, qui n'existait pas encore. Marianne n'est pas une capricieuse, le titre est un faux-ami car étymologiquement le caprice est une volonté soudaine: c'est donc une femme de caractère qui va se libérer. Après les thèmes sont multiples et universels : l'amour, la fidélité, l'amitié, la religion ou encore la dépression.
On est loin du classique de Musset souvent empreint de romantisme ?
Stéphane Peyran : J'adore cet auteur et son œuvre, et ma vision est la même depuis mes premières lectures : Musset est notre Shakespeare français et le voir comme un auteur romantique est réducteur. Moi j'y vois une profondeur bien plus sombre. Ma mise en scène et ma direction d'acteur vont dans ce sens.
Robin Laporte : C'est vrai que les partis-pris de Stéphane sont clairs : on aborde l'univers de Musset à travers cette dimension à la fois baroque et poétique, mais surtout profondément obscure et malsaine. Dans tous les personnages il y a une vraie dualité. Ils peuvent être à mourir de rire et complètement inquiétants en même temps. Tibia, que j'interprète, par exemple, est étrange, manipulateur, c'est un sadique - il n'a rien qui inspire l'empathie et pourtant il est drôle ! Les décors d'un onirisme cauchemardesque, conçus par Baptiste Belleudy, nous immergent dans une cité noire et décrépite, une Naples des caniveaux. Le carnaval ressemble plus à ces fêtes médiévales où la violence et l'alcool côtoient une certaine luxure. Les costumes sont salis et patinés, l'univers sonore aussi est très fort. L'ensemble est homogène, il y a des belles images, les autres interprètes sont tous surprenants, ... pour résumer je suis très heureux d'être enfermé avec eux dans cet écrin sombre.
Stéphane Peyran : Après l'échec de sa pièce La nuit vénitienne à l'Odéon, Musset avait renoncé à écrire pour le théâtre. Au départ, Les Caprices de Marianne, publiés en 1833, faisaient partis d'une collection au nom équivoque «Un spectacle dans un fauteuil». Je suis parti de la version scénique qu'il avait alors réécrite sur commande en 1851 pour la Comédie Française. Cette version théâtrale du texte a ma préférence bien qu'elle ait été soumise à la censure pour être jouée et c'est pourquoi nous allons la présenter dans sa version non censurée. Presque deux siècles plus tard, elle a pour moi une résonance moderne incontestable. Elle parle d'une jeunesse désabusée en mal de repères qui veut s'affranchir d'un certain nombre de conventions que la société lui impose. Il y a cette phrase dans La Confession d'un enfant du siècle du même auteur et que j'aime citer : « Alors s'assit sur un monde en ruines, une jeunesse soucieuse. » Elle reflète particulièrement bien notre époque. La pièce nous parle de problématiques actuelles. Elle défend aussi les valeurs du féminisme, qui n'existait pas encore. Marianne n'est pas une capricieuse, le titre est un faux-ami car étymologiquement le caprice est une volonté soudaine: c'est donc une femme de caractère qui va se libérer. Après les thèmes sont multiples et universels : l'amour, la fidélité, l'amitié, la religion ou encore la dépression.
On est loin du classique de Musset souvent empreint de romantisme ?
Stéphane Peyran : J'adore cet auteur et son œuvre, et ma vision est la même depuis mes premières lectures : Musset est notre Shakespeare français et le voir comme un auteur romantique est réducteur. Moi j'y vois une profondeur bien plus sombre. Ma mise en scène et ma direction d'acteur vont dans ce sens.
Robin Laporte : C'est vrai que les partis-pris de Stéphane sont clairs : on aborde l'univers de Musset à travers cette dimension à la fois baroque et poétique, mais surtout profondément obscure et malsaine. Dans tous les personnages il y a une vraie dualité. Ils peuvent être à mourir de rire et complètement inquiétants en même temps. Tibia, que j'interprète, par exemple, est étrange, manipulateur, c'est un sadique - il n'a rien qui inspire l'empathie et pourtant il est drôle ! Les décors d'un onirisme cauchemardesque, conçus par Baptiste Belleudy, nous immergent dans une cité noire et décrépite, une Naples des caniveaux. Le carnaval ressemble plus à ces fêtes médiévales où la violence et l'alcool côtoient une certaine luxure. Les costumes sont salis et patinés, l'univers sonore aussi est très fort. L'ensemble est homogène, il y a des belles images, les autres interprètes sont tous surprenants, ... pour résumer je suis très heureux d'être enfermé avec eux dans cet écrin sombre.
Paru le 17/02/2015
(28 notes) VINGTIÈME THÉÂTRE Du jeudi 26 février au dimanche 19 avril 2015
COMÉDIE DRAMATIQUE. Dans une Naples fantasmée, au centre de la folie carnavalesque, des personnages fictifs errent comme les marionnettes du destin. Au cœur de la cité corrompue, le danger peut venir de partout: les spadassins rôdent. Et c’est dans cet univers décadent, où les conventions sont des tyrannies, que la b...
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