Interview par Marie-Céline Nivière
Rendez-vous avec Maria Pacôme...
Marie-Céline nous raconte !
Maria Pacôme revient enfin sur scène pour nous présenter "L'Éloge de ma paresse", un texte autobiogra-phique où elle dévoilera son univers insolent et passionné. Portrait d'une grande dame du théâtre et d'une femme libre comme l'air.
Lorsque Bruno Perroud a fait le tour de table, donnant les sujets du prochain magazine, un nom m'a fait bondir de ma chaise. Et j'ai crié, non pas "Aline", mais "les garçons, Maria Pacôme, c'est pour moi ou je me roule par terre". Cela les aurait amusés, mais ils n'ont pas insisté. Je n'allais pas laisser passer une si belle occasion d'approcher ce "monstre sacré". J'allais surtout réaliser un rêve d'adolescente : rencontrer Maria Pacôme.
La bourgeoise fofolle
Pour bon nombre d'entre nous, notre éducation théâtrale s'est faite par la télévision, notamment par le biais d'Au théâtre ce soir. La famille s'asseyait devant le petit poste, la voix paternelle imposait le silence, le rideau s'ouvrait et Maria Pacôme entrait en scène sous une salve d'applaudissements. Et c'était parti pour deux heures de délire. Nous avons tous en mémoire ses duels avec Jean Le Poulain dans Le noir te va si bien ou De Doux Dingues, deux petits chefs-d'œuvre du genre. Maria Pacôme avait le sens de la rupture et des changements de ton. Son corps gracieux accompagnait chaque réplique d'un jeu de bras, d'un jeu de jambes, d'une démarche dynamique. Elle survolait la scène, jouant au ping-pong avec ses partenaires, lançant la réplique, rebondissant sur une autre. Elle savait faire d'un texte, souvent futile, un grand moment de théâtre.
À cette époque, la bourgeoise fofolle marchait fort au théâtre, tenant haut le pavé du boulevard. Jacqueline Maillan, Sophie Desmarest et Maria Pacôme en étaient les reines incontestées. Maillan était plus classique, voire théâtrale, Pacôme plus spontanée et naturelle, Desmarest se situait entre les deux jeux. Aujourd'hui, nous retrouvons souvent la référence Maillan chez certaines comédiennes, mais Pacôme reste inimitable, tellement son jeu scénique est particulier.
Fidèle à son image
Vous l'imaginez aisément, mais le jour du rendez-vous, je n'en menais pas large. J'avais un de ces tracs ! J'arrive au théâtre de la Gaîté à onze heures précises. Agnès Boury, son metteur en scène, s'étonne. Maria Pacôme n'est pas encore arrivée. Or, elle n'est jamais en retard. On aurait pu penser l'inverse. En attendant la vedette, nous papotons et je me détends. Nous parlons théâtre, bien évidemment et du dernier spectacle mis en scène par Agnès Boury, les Chanson Plus Bifluorée. La porte s'ouvre et j'entends d'abord la voix. Cette voix singulière que nous avons tous en mémoire. "Désolée les enfants, mais cette journée commence mal, moi qui ne suis jamais en retard !" Je me retourne et la voilà ! Elle est telle que l'on se l'imagine, pétillante, dynamique et joyeuse. Elle est superbe. Je bafouille un "ce n'est pas grave !". Je n'ai plus d'inquiétudes. Si la comédienne est un "monstre sacré", la femme est humaine et accessible. Il paraît qu'elle a des accès de grosse colère, comme souvent les gens généreux et joyeux. C'est une forme de protection. Elle peste après son ascenseur qui est encore en panne, et sept étages, ça crève, et qu'on ne lui dise pas que cela forme les muscles du postérieur. Elle maudit les embouteillages, son choix d'itinéraire complètement stupide. "Oh ! Comme cette journée démarre mal", répète-t-elle.
Pas le temps de musarder, elle n'a que quelques heures pour répéter. Agnès Boury, égale à elle-même, s'efface discrètement et nous restons seules dans la salle vide du théâtre. "Où se met-on ?", me demande-t-elle. "Où vous voulez." Elle choisit les derniers rangs. Je m'installe dans un fauteuil, elle reste debout. Et me voilà spectatrice d'un show Maria Pacôme. Toute à ses angoisses des répétitions, elle fait les cent pas entre les fauteuils et l'allée. Je me lance. Je lui dis ce que je rêvais de dire depuis longtemps,
"Madame, je vous admire". Je lui explique que c'est un peu grâce à (ou à cause d') elle que je fais ce métier et que je suis entrée à 14 ans au Cours Simon (pour m'en faire vider à 20 ans, je vous rassure). "Oh ! C'est gentil ça", s'exclame-t-elle. La devinant quand même préoccupée par sa répétition à venir, je m'attaque tout de suite à l'interview. Je lui propose une petite conversation. Elle accepte, c'est ainsi qu'elle fonctionne en général. Elle s'arrête, me regarde et, avec ce sens inné de la rupture, me lance un savoureux : "Où ai-je mis mes lunettes de soleil ?" Nous cherchons des yeux. Je bafouille "Là sur votre...", mon Dieu le mot m'échappe, c'est pourtant simple, ça s'appelle..., j'ai retrouvé, "Là sur votre manuscrit". La voilà soulagée. J'en profite et pose ma première question, "Pourquoi êtes-vous devenue comédienne, parlez-nous de votre parcours ?". Faut bien commencer et ce n'est pas facile, je vous le jure. Et là, je vais de surprise en étonnement.
Devenir danseuse étoile
La petite fille rêvait d'être danseuse, une grande, une étoile. Dès qu'elle a su marcher, elle s'est mise sur les pointes. "Pourquoi, alors mystère, mais j'étais toujours sur la pointe des pieds." Ce qui explique sa démarche, qu'elle soit sur scène ou dans la vie, un véritable ballet aérien. Mais pour être danseuse, "Vous comprenez, faut travailler, or je suis une paresseuse. Mais une vraie paresseuse. C'est la paresse qui a dirigé ma vie". À 19 ans, elle entre au Cours Simon. Tiens ! Comme presque tout le monde à l'époque, c'était incontournable. "Mais je n'étais pas très assidue", accorde-t-elle. Au passage, elle n'a jamais répondu sur les motivations qui l'avaient poussée à choisir cette voie. Est-ce que cela s'explique vraiment ? Elle rencontre Maurice Ronet, l'épouse, et met de côté le théâtre. Elle excuse la jeunesse et ses délires. Ensemble, ils s'inventent une vie de bohème, un art de vivre de l'air du temps. Maria Pacôme, en avance sur son époque, était une jeune femme libre. Elle se souvient de ces années comme d'une grosse "déconnade". Elle s'était mise à la peinture sur tissu. "Et ça a marché, il y a même des stylistes qui achetaient ça !", s'étonne-t-elle encore en riant. "Maurice aussi peignait. Lui avait du talent. Il avait tous les talents." L'actrice va vite lorsqu'elle se raconte, ne termine pas ses phrases, laisse une idée flotter. On devine sa pudeur et puis elle a raconté ça tant de fois. Elle s'excuserait presque de prendre la vie comme elle vient. "Et le théâtre ?", insistais-je. "J'ai divorcé d'avec Maurice Ronet et il me fallait bien vivre. Alors j'ai répondu à une petite annonce. Et ils m'ont prise." Elle devine mon étonnement. "J'ai répondu comme ça, pour voir, c'était pour La Reine des insurgés, avec Terzieff et Piccoli." Elle voit bien que cela ne me dit rien et glisse poliment sur mon inculture. "C'était un drame. Je viens du drame." Alors là, qui l'eût cru ! Toutefois, je ne suis pas surprise, comme tous les grands comiques, elle peut jouer les rôles dramatiques. Je saisis au vol sa phrase et l'interroge sur sa carrière. Elle m'arrête et m'explique qu'elle n'a jamais été carriériste. "Je me suis laissée porter par la vie."
La cigale ayant...
Après cette pièce, qui fut un succès, elle part pour le Canada vivre une histoire d'amour, "faut être amoureuse pour faire ces choses-là". Et comme elle ne fait rien à moitié, elle avait le statut d'émigrante. Là-bas, elle continue à jouer. Mais les histoires d'amour ayant souvent une fin, elle rentre à Paris. Et elle auditionne pour Oscar. Voilà comment son personnage de "fofolle", dit-elle en riant, est né, et qu'elle n'est plus parvenue à s'en défaire. Même le cinéma n'a jamais pu la voir autrement. Elle reconnaît qu'elle n'a jamais cherché à s'en débarrasser. Elle avoue humblement qu'elle ne courait pas non plus après le travail. D'abord, il venait tout seul, ensuite : "Je jouais, j'arrêtais et lorsque je n'avais plus de sous, je remontais sur scène". D'accord, mais "vous avez du talent, vous avez inventé un style, un genre". Elle rougirait presque, enfin je l'imagine. Elle éclaircit tout de suite un point : "Si cela fonctionnait sur scène, c'était parce que je ne forçais jamais." Dans ses excès, elle gardait toujours une retenue, afin de ne pas surcharger. Ce qui lui valut de belles disputes avec Jean Le Poulain. Il fallait au moins ça pour garder l'équilibre et ne pas casser les effets comiques.
J'aimerais bien évoquer l'auteur de théâtre. Cela avait dû en surprendre plus d'un qu'elle soit de surcroît un auteur à succès. Elle ne répond pas et rebondit sur sa nouvelle pièce : "C'est ma dernière pièce." Faut pas me la faire ! (Ça, je l'ai uniquement pensé). "Vous l'aviez déjà dit la dernière fois", m'écriais-je. "Je sais, je sais, mais là je me demande même pourquoi j'ai dit oui. Et en plus, je suis seule sur la scène, personne pour me soutenir. Non je suis folle d'avoir accepté. Je suis une paresseuse !"
L'éloge de sa paresse
L'évocation de la pièce replonge Maria Pacôme dans ses pensées, dans sa répétition à venir. Elle murmure qu'elle parlera de son père, de son frère mort pendant la Seconde Guerre mondiale, de la vie, d'elle... Elle se tait et me regarde. Je lis une sorte de désarroi. "On s'arrête là ?", laisse-t-elle échapper dans un beau sourire. Je comprends, son trac est si palpable. Je ne peux abuser plus longtemps. Elle répète, "Pourquoi je fais ça ? Vous comprenez, j'aime la vie et l'on a si peu le temps de la vivre". Et je lui réponds, "Pour nous faire à nous, spectateurs, un magnifique cadeau". Elle sourit et m'embrasse. En la quittant, je lui glisse les cinq lettres. "Vous viendrez me voir ?" Évidemment, comme nous tous !
La bourgeoise fofolle
Pour bon nombre d'entre nous, notre éducation théâtrale s'est faite par la télévision, notamment par le biais d'Au théâtre ce soir. La famille s'asseyait devant le petit poste, la voix paternelle imposait le silence, le rideau s'ouvrait et Maria Pacôme entrait en scène sous une salve d'applaudissements. Et c'était parti pour deux heures de délire. Nous avons tous en mémoire ses duels avec Jean Le Poulain dans Le noir te va si bien ou De Doux Dingues, deux petits chefs-d'œuvre du genre. Maria Pacôme avait le sens de la rupture et des changements de ton. Son corps gracieux accompagnait chaque réplique d'un jeu de bras, d'un jeu de jambes, d'une démarche dynamique. Elle survolait la scène, jouant au ping-pong avec ses partenaires, lançant la réplique, rebondissant sur une autre. Elle savait faire d'un texte, souvent futile, un grand moment de théâtre.
À cette époque, la bourgeoise fofolle marchait fort au théâtre, tenant haut le pavé du boulevard. Jacqueline Maillan, Sophie Desmarest et Maria Pacôme en étaient les reines incontestées. Maillan était plus classique, voire théâtrale, Pacôme plus spontanée et naturelle, Desmarest se situait entre les deux jeux. Aujourd'hui, nous retrouvons souvent la référence Maillan chez certaines comédiennes, mais Pacôme reste inimitable, tellement son jeu scénique est particulier.
Fidèle à son image
Vous l'imaginez aisément, mais le jour du rendez-vous, je n'en menais pas large. J'avais un de ces tracs ! J'arrive au théâtre de la Gaîté à onze heures précises. Agnès Boury, son metteur en scène, s'étonne. Maria Pacôme n'est pas encore arrivée. Or, elle n'est jamais en retard. On aurait pu penser l'inverse. En attendant la vedette, nous papotons et je me détends. Nous parlons théâtre, bien évidemment et du dernier spectacle mis en scène par Agnès Boury, les Chanson Plus Bifluorée. La porte s'ouvre et j'entends d'abord la voix. Cette voix singulière que nous avons tous en mémoire. "Désolée les enfants, mais cette journée commence mal, moi qui ne suis jamais en retard !" Je me retourne et la voilà ! Elle est telle que l'on se l'imagine, pétillante, dynamique et joyeuse. Elle est superbe. Je bafouille un "ce n'est pas grave !". Je n'ai plus d'inquiétudes. Si la comédienne est un "monstre sacré", la femme est humaine et accessible. Il paraît qu'elle a des accès de grosse colère, comme souvent les gens généreux et joyeux. C'est une forme de protection. Elle peste après son ascenseur qui est encore en panne, et sept étages, ça crève, et qu'on ne lui dise pas que cela forme les muscles du postérieur. Elle maudit les embouteillages, son choix d'itinéraire complètement stupide. "Oh ! Comme cette journée démarre mal", répète-t-elle.
Pas le temps de musarder, elle n'a que quelques heures pour répéter. Agnès Boury, égale à elle-même, s'efface discrètement et nous restons seules dans la salle vide du théâtre. "Où se met-on ?", me demande-t-elle. "Où vous voulez." Elle choisit les derniers rangs. Je m'installe dans un fauteuil, elle reste debout. Et me voilà spectatrice d'un show Maria Pacôme. Toute à ses angoisses des répétitions, elle fait les cent pas entre les fauteuils et l'allée. Je me lance. Je lui dis ce que je rêvais de dire depuis longtemps,
"Madame, je vous admire". Je lui explique que c'est un peu grâce à (ou à cause d') elle que je fais ce métier et que je suis entrée à 14 ans au Cours Simon (pour m'en faire vider à 20 ans, je vous rassure). "Oh ! C'est gentil ça", s'exclame-t-elle. La devinant quand même préoccupée par sa répétition à venir, je m'attaque tout de suite à l'interview. Je lui propose une petite conversation. Elle accepte, c'est ainsi qu'elle fonctionne en général. Elle s'arrête, me regarde et, avec ce sens inné de la rupture, me lance un savoureux : "Où ai-je mis mes lunettes de soleil ?" Nous cherchons des yeux. Je bafouille "Là sur votre...", mon Dieu le mot m'échappe, c'est pourtant simple, ça s'appelle..., j'ai retrouvé, "Là sur votre manuscrit". La voilà soulagée. J'en profite et pose ma première question, "Pourquoi êtes-vous devenue comédienne, parlez-nous de votre parcours ?". Faut bien commencer et ce n'est pas facile, je vous le jure. Et là, je vais de surprise en étonnement.
Devenir danseuse étoile
La petite fille rêvait d'être danseuse, une grande, une étoile. Dès qu'elle a su marcher, elle s'est mise sur les pointes. "Pourquoi, alors mystère, mais j'étais toujours sur la pointe des pieds." Ce qui explique sa démarche, qu'elle soit sur scène ou dans la vie, un véritable ballet aérien. Mais pour être danseuse, "Vous comprenez, faut travailler, or je suis une paresseuse. Mais une vraie paresseuse. C'est la paresse qui a dirigé ma vie". À 19 ans, elle entre au Cours Simon. Tiens ! Comme presque tout le monde à l'époque, c'était incontournable. "Mais je n'étais pas très assidue", accorde-t-elle. Au passage, elle n'a jamais répondu sur les motivations qui l'avaient poussée à choisir cette voie. Est-ce que cela s'explique vraiment ? Elle rencontre Maurice Ronet, l'épouse, et met de côté le théâtre. Elle excuse la jeunesse et ses délires. Ensemble, ils s'inventent une vie de bohème, un art de vivre de l'air du temps. Maria Pacôme, en avance sur son époque, était une jeune femme libre. Elle se souvient de ces années comme d'une grosse "déconnade". Elle s'était mise à la peinture sur tissu. "Et ça a marché, il y a même des stylistes qui achetaient ça !", s'étonne-t-elle encore en riant. "Maurice aussi peignait. Lui avait du talent. Il avait tous les talents." L'actrice va vite lorsqu'elle se raconte, ne termine pas ses phrases, laisse une idée flotter. On devine sa pudeur et puis elle a raconté ça tant de fois. Elle s'excuserait presque de prendre la vie comme elle vient. "Et le théâtre ?", insistais-je. "J'ai divorcé d'avec Maurice Ronet et il me fallait bien vivre. Alors j'ai répondu à une petite annonce. Et ils m'ont prise." Elle devine mon étonnement. "J'ai répondu comme ça, pour voir, c'était pour La Reine des insurgés, avec Terzieff et Piccoli." Elle voit bien que cela ne me dit rien et glisse poliment sur mon inculture. "C'était un drame. Je viens du drame." Alors là, qui l'eût cru ! Toutefois, je ne suis pas surprise, comme tous les grands comiques, elle peut jouer les rôles dramatiques. Je saisis au vol sa phrase et l'interroge sur sa carrière. Elle m'arrête et m'explique qu'elle n'a jamais été carriériste. "Je me suis laissée porter par la vie."
La cigale ayant...
Après cette pièce, qui fut un succès, elle part pour le Canada vivre une histoire d'amour, "faut être amoureuse pour faire ces choses-là". Et comme elle ne fait rien à moitié, elle avait le statut d'émigrante. Là-bas, elle continue à jouer. Mais les histoires d'amour ayant souvent une fin, elle rentre à Paris. Et elle auditionne pour Oscar. Voilà comment son personnage de "fofolle", dit-elle en riant, est né, et qu'elle n'est plus parvenue à s'en défaire. Même le cinéma n'a jamais pu la voir autrement. Elle reconnaît qu'elle n'a jamais cherché à s'en débarrasser. Elle avoue humblement qu'elle ne courait pas non plus après le travail. D'abord, il venait tout seul, ensuite : "Je jouais, j'arrêtais et lorsque je n'avais plus de sous, je remontais sur scène". D'accord, mais "vous avez du talent, vous avez inventé un style, un genre". Elle rougirait presque, enfin je l'imagine. Elle éclaircit tout de suite un point : "Si cela fonctionnait sur scène, c'était parce que je ne forçais jamais." Dans ses excès, elle gardait toujours une retenue, afin de ne pas surcharger. Ce qui lui valut de belles disputes avec Jean Le Poulain. Il fallait au moins ça pour garder l'équilibre et ne pas casser les effets comiques.
J'aimerais bien évoquer l'auteur de théâtre. Cela avait dû en surprendre plus d'un qu'elle soit de surcroît un auteur à succès. Elle ne répond pas et rebondit sur sa nouvelle pièce : "C'est ma dernière pièce." Faut pas me la faire ! (Ça, je l'ai uniquement pensé). "Vous l'aviez déjà dit la dernière fois", m'écriais-je. "Je sais, je sais, mais là je me demande même pourquoi j'ai dit oui. Et en plus, je suis seule sur la scène, personne pour me soutenir. Non je suis folle d'avoir accepté. Je suis une paresseuse !"
L'éloge de sa paresse
L'évocation de la pièce replonge Maria Pacôme dans ses pensées, dans sa répétition à venir. Elle murmure qu'elle parlera de son père, de son frère mort pendant la Seconde Guerre mondiale, de la vie, d'elle... Elle se tait et me regarde. Je lis une sorte de désarroi. "On s'arrête là ?", laisse-t-elle échapper dans un beau sourire. Je comprends, son trac est si palpable. Je ne peux abuser plus longtemps. Elle répète, "Pourquoi je fais ça ? Vous comprenez, j'aime la vie et l'on a si peu le temps de la vivre". Et je lui réponds, "Pour nous faire à nous, spectateurs, un magnifique cadeau". Elle sourit et m'embrasse. En la quittant, je lui glisse les cinq lettres. "Vous viendrez me voir ?" Évidemment, comme nous tous !
Paru le 10/01/2003