Interview par Xavier Leherpeur
Sandrine Anglade
“Le théâtre, c’est l’ailleurs...”
C'est parallèlement à des études littéraires que Sandrine Anglade commence à s'intéresser à la mise en scène en collaborant avec Andrei Serban et Jean-Pierre Miquel. Un parcours qui la mène rapidement à l'opéra et au théâtre ("La Mère confidente" de Marivaux et "Opéra Savon" de Jean-Daniel Magnin au Vieux Colombier). Cette toute jeune femme - pour qui le "théâtre c'est l'ailleurs, m'amenant hors de moi et me permettant de faire toucher les choses autrement" - s'attaque à "Solness le constructeur" d'Henrik Ibsen, pièce dont elle a retravaillé la traduction et dont elle nous offrira sa vision sur la scène de l'Athénée du 8 novembre au 6 décembre.
Pourquoi vous êtes-vous attelée à une nouvelle traduction ?
J'ai pris, bien sûr, connaissance de toutes les traductions qui existaient. Mais je crois que lorsque l'on travaille très en profondeur sur un texte, on a besoin à un moment donné de revenir au texte originel, pour mieux le comprendre, mieux saisir les enjeux. Je crois que chaque traduction - comme chaque mise en scène - est une interprétation du texte. J'ai d'abord demandé à Hélène Hervieu de m'expliquer chaque mot, chaque sens. Et puis nous nous sommes attelées à ce travail très excitant de re-traduction. Je me suis aperçue qu'on avait parfois eu tendance à édulcorer la langue d'Ibsen, à orienter le texte vers tel ou tel sens. Nous avons tenté de rester au plus près du texte. Trouver cette langue quotidienne, archaïque parfois, déconstruite souvent, et qui dérape vers une forme de lyrisme. Tenter de mettre en forme ce flou langagier, ne pas hésiter à revenir à des mots plus crus (qui sont ceux choisis par l'auteur). Une sorte de grand poème du quotidien qui nous fait toucher un autre monde, un au-delà de nous-mêmes.
Quel est pour vous l'enjeu de cette pièce ?
C'est le parcours d'un homme qui en deux heures accepte d'aller à la rencontre de lui-même, et à la rencontre de sa propre mort. C'est cette toute jeune fille, Hilde, mi-ange mi-démon (elle porte d'ailleurs le nom d'une des Walkyries, déesse de la mort) qui le pousse à s'ouvrir, à rendre des comptes. Ce que je trouve magnifique c'est de voir un homme qui accepte avec sérénité sa fin. Sans peut-être comprendre où il va et de quoi sera fait ce moment de liberté véritable. Mais il pressent très clairement que la liberté est ailleurs, que si la vie est lourde à porter, avec les erreurs et les horreurs commises, le seul refuge est dans l'imaginaire, dans la fuite éperdue vers le rêve. C'est aussi peut-être cela que cherche l'artiste qu'est Solness, comme tout artiste, cette œuvre ultime et définitive qui ne s'accomplit sûrement qu'à l'approche extrême de la mort.
Une telle thématique est-elle facile à mettre en scène ?
La pièce est une métaphore du début à la fin. Et ce qui est compliqué, c'est de l'incarner.
Comment incarner une métaphore au théâtre ?
C'est au spectateur de faire le grand saut dans l'imaginaire. L'acteur, avec sa voix, avec son corps, incarne un personnage, avec une forme de quotidienneté. Il ne peut pas jouer une abstraction. C'est pourquoi j'ai choisi de travailler dans un espace très épuré, où seul le texte se donne à entendre, un espace fantôme, où le texte est aussi un personnage. On raconte certes une histoire, mais cette histoire est plus mentale que réelle.
Pourquoi avoir choisi Tcheky Karyo ?
Je l'ai rencontré un peu par hasard en Espagne. J'étais complètement plongée dans la pièce, et en voyant Tcheky, en discutant avec lui, j'avais l'impression de parler à... Solness. Un aspect fermé, glaçant au premier abord, et cette image de personnage dangereux que véhiculent beaucoup des films qu'il a pu faire. Et puis, en réalité se dévoile un homme d'une beauté fragile, hyperlucide, possédant une vraie poésie. Pour moi, Solness est ainsi. Il porte le masque de la dureté, et à l'intérieur, il a une fragilité magnifique, une âme d'enfant. Et après... il a au moins ce courage formidable de revenir au théâtre après dix-sept années d'absence. Retrouver ces sensations-là, ce n'est pas simple. Il fait preuve d'un vrai courage, comme son personnage.
J'ai pris, bien sûr, connaissance de toutes les traductions qui existaient. Mais je crois que lorsque l'on travaille très en profondeur sur un texte, on a besoin à un moment donné de revenir au texte originel, pour mieux le comprendre, mieux saisir les enjeux. Je crois que chaque traduction - comme chaque mise en scène - est une interprétation du texte. J'ai d'abord demandé à Hélène Hervieu de m'expliquer chaque mot, chaque sens. Et puis nous nous sommes attelées à ce travail très excitant de re-traduction. Je me suis aperçue qu'on avait parfois eu tendance à édulcorer la langue d'Ibsen, à orienter le texte vers tel ou tel sens. Nous avons tenté de rester au plus près du texte. Trouver cette langue quotidienne, archaïque parfois, déconstruite souvent, et qui dérape vers une forme de lyrisme. Tenter de mettre en forme ce flou langagier, ne pas hésiter à revenir à des mots plus crus (qui sont ceux choisis par l'auteur). Une sorte de grand poème du quotidien qui nous fait toucher un autre monde, un au-delà de nous-mêmes.
Quel est pour vous l'enjeu de cette pièce ?
C'est le parcours d'un homme qui en deux heures accepte d'aller à la rencontre de lui-même, et à la rencontre de sa propre mort. C'est cette toute jeune fille, Hilde, mi-ange mi-démon (elle porte d'ailleurs le nom d'une des Walkyries, déesse de la mort) qui le pousse à s'ouvrir, à rendre des comptes. Ce que je trouve magnifique c'est de voir un homme qui accepte avec sérénité sa fin. Sans peut-être comprendre où il va et de quoi sera fait ce moment de liberté véritable. Mais il pressent très clairement que la liberté est ailleurs, que si la vie est lourde à porter, avec les erreurs et les horreurs commises, le seul refuge est dans l'imaginaire, dans la fuite éperdue vers le rêve. C'est aussi peut-être cela que cherche l'artiste qu'est Solness, comme tout artiste, cette œuvre ultime et définitive qui ne s'accomplit sûrement qu'à l'approche extrême de la mort.
Une telle thématique est-elle facile à mettre en scène ?
La pièce est une métaphore du début à la fin. Et ce qui est compliqué, c'est de l'incarner.
Comment incarner une métaphore au théâtre ?
C'est au spectateur de faire le grand saut dans l'imaginaire. L'acteur, avec sa voix, avec son corps, incarne un personnage, avec une forme de quotidienneté. Il ne peut pas jouer une abstraction. C'est pourquoi j'ai choisi de travailler dans un espace très épuré, où seul le texte se donne à entendre, un espace fantôme, où le texte est aussi un personnage. On raconte certes une histoire, mais cette histoire est plus mentale que réelle.
Pourquoi avoir choisi Tcheky Karyo ?
Je l'ai rencontré un peu par hasard en Espagne. J'étais complètement plongée dans la pièce, et en voyant Tcheky, en discutant avec lui, j'avais l'impression de parler à... Solness. Un aspect fermé, glaçant au premier abord, et cette image de personnage dangereux que véhiculent beaucoup des films qu'il a pu faire. Et puis, en réalité se dévoile un homme d'une beauté fragile, hyperlucide, possédant une vraie poésie. Pour moi, Solness est ainsi. Il porte le masque de la dureté, et à l'intérieur, il a une fragilité magnifique, une âme d'enfant. Et après... il a au moins ce courage formidable de revenir au théâtre après dix-sept années d'absence. Retrouver ces sensations-là, ce n'est pas simple. Il fait preuve d'un vrai courage, comme son personnage.
Paru le 15/11/2003
SOLNESS, LE CONSTRUCTEUR L'ATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVET Du samedi 8 novembre au samedi 6 décembre 2003
COMÉDIE DRAMATIQUE. Solness est un constructeur, mais la maison qu'il habite est un foyer détruit, ravagé par le vide… L'arrivée d'une toute jeune fille, mi-ange mi-démon, bouleversera sa vie. Pour elle, il bâtira un palais, une tour élancée vers l'infini. Un rêve d'enfant chatouillant les nuages? Un tombeau à ciel o...
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