Et si la politique n'était pas réservée aux professionnels des partis, et si l'on pouvait se battre pour une cause avec sa famille derrière soi, est-ce que l'activité de "youtubeur" sur les réseaux sociaux est un vrai métier ? Telles sont les questions posées par "Louise au parapluie" écrit et mis en scène par Emmanuel Robert-Espalieu. Présentée cet été au festival Off d'Avignon, "Louise au parapluie" est une pièce formidable, à la tonalité très fraiche qui évoque les sujets contemporains de société. Proche de la retraite, Louise prend son fils au mot lorsqu'il ironise sur l'hypothèse de sa candidature aux élections municipales. C'est donc au théâtre du Gymnase, là-même où Cédric Villani - qui n'est pas non plus issu du sérail politique - a tenu son premier meeting pour la Mairie de Paris, que Myriam Boyer incarne une ouvrière d'une usine de parapluies qui se lance en politique avec sa mémoire des luttes, l'amour de sa ville, des gens, de ses camarades d'usine.

Loin des idées philanthropes de sa mère, Antoine, joué avec sobriété par Guillaume Viry, multiplie ses clips pour son compte youtube où il vend des articles de sport. C'est donc le face-à-face entre un monde mercantiliste et superficiel d'un jeune, qui suit et donne les tendances et l'univers de Louise, où l'on se soucie de l'autre, où la solidarité existe, qui se joue sur scène. Myriam Boyer a travaillé à l'usine dans sa jeunesse. Elle sait de quoi elle parle quand elle fait allusion avec nostalgie de son atelier qu'elle va bientôt quitter à regret, pour cause de victoire aux municipales ou pour la retraite. Ses collègues, représentées par Prune Lichtlé, se mobilisent immédiatement pour suivre cette leader qui leur ressemble. On n'est donc pas dans une folie révolutionnaire où "tous les politiques sont pourris". "Louise au parapluie" est le chantre d'un monde qui nous fait rêver, où l'on pratique le bon sens, où l'affect reprend ses droits et l'on se prend à vouloir la voir gagner aux élections, la Louise qui n'a jamais fait de politique mais y va avec son cœur. Détentrice de deux Molière, Myriam Boyer n'en mériterait-elle pas un autre pour son jeu magnifique qui réconcilie fils, collègues, voisins et public ? Car Louise ouvre le parapluie, pas pour elle, mais pour les autres !