Zoom par François Varlin
L’Hiver sous la table
Depuis le mois de janvier, le théâtre de l'Atelier résonne des applaudissements du public qui saluent "L'Hiver sous la table" de Roland Topor, avec la talentueuse et belle Isabelle Carré. La pièce vient d'être récompensée de six Molière.
Cinq silhouettes se profilent sur le devant de la scène, cinq pantins venus prendre leur place dans un conte, puis qui repartent et laissent les belles lumières d'André Diot baigner la scène sans rideau du théâtre de l'Atelier. Voici L'Hiver sous la table de monsieur Dragomir.
Sous la table...
Immigré d'Europe centrale, Dragomir est le locataire de la jolie mademoiselle Michalon. Pas une location ordinaire. En manque d'argent, la belle lui loue... le dessous de sa table ! Cordonnier de son état, il vit et tape sur les savates sous la table, tandis que la jeune femme vit et tape à la machine dessus. Dessus-dessous, la vie s'organise, leurs rapports de voisinage aussi. Le soir, ils abaissent les montants de la nappe pour délimiter leurs espaces d'intimité respectifs. Mais à trop s'ignorer, on finit par s'aimer. L'un monte déjeuner avec l'autre, quand l'une descend chercher un objet tombé chez le premier. La vue de l'étroit espace vital n'est guère variée pour ce savetier ; ce sont les jambes de la jeune femme élégamment croisées qui s'imposent à lui, mais il s'interdit d'y penser : un jour Dragomir héberge son cousin... La table abrite alors deux colocataires.
En toute simplicité !
Isabelle Carré (mademoiselle Michalon) veille donc jalousement sur ses deux protégés Dominique Pinon (Dragomir) et Liviu Badiu (Gritzka). Elle leur concède son espace vital, les introduit dans le sien avec la naïveté d'un Petit Prince s'asseyant face à deux renards pour les apprivoiser... Entre tendresse et rires, cette comédie vole vers le conte et la poésie. Zabou Breitman signe une nouvelle fois une mise en scène rigoureuse, optant pour des personnages au caractère précis et marqué. Entre chaque scène, des jeux de lumière, une projection de petits jeux de jambes ou d'habiles changements de costumes - quasiment à vue -, soutiennent le rythme. Zabou fait danser ses personnages, les fait bondir, les exhibe comme des marionnettes qui joueraient une histoire impossible où seuls les sentiments éprouvés existeraient.
Isabelle Carré, tout en blondeur façon Marilyn, sa jolie voix aussi bien placée que ses jambes dont elle joue habilement sous le nez de Dominique Pinon, est juste, vraie. Elle donne avec générosité toute la part d'elle-même que requiert son personnage, sans ajout, sans redondance, sans fioritures. Dominique Pinon, qui se casse le dos dans son étroit logis, personnifie un Dragomir bâti de ce bois qui compose les gens que la vie fait trop souffrir pour en profiter : 2 m2 lui conviennent. Du moment qu'il y est bien, il s'applique à aimer ce qu'il a. À leurs côtés, Guilaine Londez, Éric Prat et Liviu Badiu apportent une fantaisie qui sait demeurer sobre pour ce texte qui se suffit à lui-même.
Simplicité, fraîcheur, bien que reviennent les beaux jours, on n'hésite pas à replonger dans l'hiver, du moment qu'il loge sous la table de Roland Topor.
Topo sur Topor
Roland Topor, artiste anticonformiste
Parler de Roland Topor, c'est parler d'un fantaisiste, d'un touche-à-tout. Il naît à Paris en 1938 et durant les cinquante-neuf années de sa vie, il ne cesse de dérouter par son goût de la surprise et des univers décalés : il publie en 1961 ses dessins et ses contes dans le mensuel Hara-Kiri, fonde le groupe "Panique" avec Arrabal, Jodorowsky et Sternberg, réalise de nombreuses émissions de télévision drôles et insolentes. On se souvient de Merci Bernard, de Palace, avec la complicité de Jean-Michel Ribes, et aussi du fameux Téléchat pour les enfants. Aussi bien auteur, dessinateur, scénographe, metteur en scène, qu'acteur, il participe au Nosferatu de Werner Herzog, Un amour de Swann de Volker Schlöndorff, dessine la lanterne magique du Casanova de Fellini. En 1992, il met en scène et crée les décors et costumes d'Ubu Roi d'Alfred Jarry au Théâtre national de Chaillot. L'Hiver sous la table est sa dernière pièce de théâtre, créée au Théâtre Flamand de Bruxelles en 1996, il en signe lui-même la mise en scène, la scénographie et les costumes. Il meurt en 1997. La pièce est entrée, depuis, au répertoire de la Comédie-Française.
Sous la table...
Immigré d'Europe centrale, Dragomir est le locataire de la jolie mademoiselle Michalon. Pas une location ordinaire. En manque d'argent, la belle lui loue... le dessous de sa table ! Cordonnier de son état, il vit et tape sur les savates sous la table, tandis que la jeune femme vit et tape à la machine dessus. Dessus-dessous, la vie s'organise, leurs rapports de voisinage aussi. Le soir, ils abaissent les montants de la nappe pour délimiter leurs espaces d'intimité respectifs. Mais à trop s'ignorer, on finit par s'aimer. L'un monte déjeuner avec l'autre, quand l'une descend chercher un objet tombé chez le premier. La vue de l'étroit espace vital n'est guère variée pour ce savetier ; ce sont les jambes de la jeune femme élégamment croisées qui s'imposent à lui, mais il s'interdit d'y penser : un jour Dragomir héberge son cousin... La table abrite alors deux colocataires.
En toute simplicité !
Isabelle Carré (mademoiselle Michalon) veille donc jalousement sur ses deux protégés Dominique Pinon (Dragomir) et Liviu Badiu (Gritzka). Elle leur concède son espace vital, les introduit dans le sien avec la naïveté d'un Petit Prince s'asseyant face à deux renards pour les apprivoiser... Entre tendresse et rires, cette comédie vole vers le conte et la poésie. Zabou Breitman signe une nouvelle fois une mise en scène rigoureuse, optant pour des personnages au caractère précis et marqué. Entre chaque scène, des jeux de lumière, une projection de petits jeux de jambes ou d'habiles changements de costumes - quasiment à vue -, soutiennent le rythme. Zabou fait danser ses personnages, les fait bondir, les exhibe comme des marionnettes qui joueraient une histoire impossible où seuls les sentiments éprouvés existeraient.
Isabelle Carré, tout en blondeur façon Marilyn, sa jolie voix aussi bien placée que ses jambes dont elle joue habilement sous le nez de Dominique Pinon, est juste, vraie. Elle donne avec générosité toute la part d'elle-même que requiert son personnage, sans ajout, sans redondance, sans fioritures. Dominique Pinon, qui se casse le dos dans son étroit logis, personnifie un Dragomir bâti de ce bois qui compose les gens que la vie fait trop souffrir pour en profiter : 2 m2 lui conviennent. Du moment qu'il y est bien, il s'applique à aimer ce qu'il a. À leurs côtés, Guilaine Londez, Éric Prat et Liviu Badiu apportent une fantaisie qui sait demeurer sobre pour ce texte qui se suffit à lui-même.
Simplicité, fraîcheur, bien que reviennent les beaux jours, on n'hésite pas à replonger dans l'hiver, du moment qu'il loge sous la table de Roland Topor.
Topo sur Topor
Roland Topor, artiste anticonformiste
Parler de Roland Topor, c'est parler d'un fantaisiste, d'un touche-à-tout. Il naît à Paris en 1938 et durant les cinquante-neuf années de sa vie, il ne cesse de dérouter par son goût de la surprise et des univers décalés : il publie en 1961 ses dessins et ses contes dans le mensuel Hara-Kiri, fonde le groupe "Panique" avec Arrabal, Jodorowsky et Sternberg, réalise de nombreuses émissions de télévision drôles et insolentes. On se souvient de Merci Bernard, de Palace, avec la complicité de Jean-Michel Ribes, et aussi du fameux Téléchat pour les enfants. Aussi bien auteur, dessinateur, scénographe, metteur en scène, qu'acteur, il participe au Nosferatu de Werner Herzog, Un amour de Swann de Volker Schlöndorff, dessine la lanterne magique du Casanova de Fellini. En 1992, il met en scène et crée les décors et costumes d'Ubu Roi d'Alfred Jarry au Théâtre national de Chaillot. L'Hiver sous la table est sa dernière pièce de théâtre, créée au Théâtre Flamand de Bruxelles en 1996, il en signe lui-même la mise en scène, la scénographie et les costumes. Il meurt en 1997. La pièce est entrée, depuis, au répertoire de la Comédie-Française.
Paru le 17/06/2004
HIVER SOUS LA TABLE (L') THÉÂTRE DE L'ATELIER Du mardi 27 janvier au samedi 17 juillet 2004
COMÉDIE. Dragomir, émigré et cordonnier, sous-loue le dessous de la table de travail de Florence Michalon, une jeune traductrice peu argentée. En cet endroit incongru, il souhaite installer son atelier et son domicile. De cette promiscuité (les très belles jambes de la loueuse ajoutant au trouble de Dragom...
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