Zoom par Philippe Escalier
35 minutes…
Véritable tour de force, Olivier Maillet, mis en scène par Éric Bouvron, parvient à nous faire vivre une heure palpitante en retraçant au théâtre Essaïon sa victoire contre un arrêt cardiaque qui aurait dû lui être fatal.
Olivier Maillet est un guerrier. Il a vaincu la mort par KO. Cet enseignant a réussi en prime à nous faire oublier qu'il n'était pas comédien en donnant vie à un texte magistral dont il est l'auteur et en nous captivant avec un sujet dont, de prime abord, l'on pourrait penser qu'il était tout sauf théâtral.
Olivier Maillet revient de loin, très loin. À 50 ans, il est victime d'une crise cardiaque. Pendant 35 interminables minutes, son cœur a cessé de battre. Au delà de 12 minutes, la médecine considère que les chances de survie sont quasi nulles. C'est donc bien un miraculé qui, dans l'intimité de la salle voutée de l'Essaïon, retrace cet extraordinaire voyage vers la mort, heureusement en mode aller-retour ! D'une vitalité remarquable, aussi original et exceptionnel que l'expérience qu'il a vécue, son récit est écrit exclusivement en rimes, sans que ce soit à proprement parler des vers, jouant avec les allitérations et un vocabulaire savoureux. Avec beaucoup d'humour et une bonne dose d'espièglerie, il nous fait partager les mois passés à l'hôpital Bichat, les rêves qui meublent les longues semaines de coma puis de réanimation, avant de retracer les épreuves liées à la rééducation. « 35 minutes... », ce texte dont on ne perd pas une miette, raisonne avec une belle spontanéité qui rajoute à son charme. Loin de vouloir séduire par des effets de style, il n'a qu'un but, celui de témoigner, d'abord de la présence continue et salvatrice des proches : « Pour moi, l'enfer, c'est quand il n'y a pas les autres » dit-il. Lui qui était « mal de partout » va pouvoir s'appuyer sur le soutien inconditionnel de ceux qui ont pourtant en face d'eux quelqu'un que l'on dit condamné, qui ne ressemble plus à rien et qui parait « sorti tout droit d'un tableau de Francis Bacon ». Quand enfin, il peut quitter la réa, arrive la douloureuse période de rééducation qui lui fait dire combien « il est crevant d'être vivant ». Il faut tout réapprendre en effet. À commencer par sortir de son lit et rester assis, des heures durant, jusqu'à n'en plus pouvoir, dans un fauteuil roulant. Puis retrouver ses fonctions vitales que son « mal dominant » lui a fait perdre, toutes, sans exception.
L'heure qu'Olivier Maillet partage avec nous est d'autant plus émouvante qu'elle est dépouillée de toute sensiblerie, de tout pathos. Magique, son texte, sur la mort, véritable hymne à l'amour et à la vie, transforme ce qui n'aurait dû être qu'une expérience clinique unique en une performance scénique mise en relief avec une infinie pudeur par Éric Bouvron. De cette résurrection, nous sortons transformés, séduits, heureux d'avoir éprouvé un vrai coup au cœur, aussi puissant qu'inoffensif.
L'heure qu'Olivier Maillet partage avec nous est d'autant plus émouvante qu'elle est dépouillée de toute sensiblerie, de tout pathos. Magique, son texte, sur la mort, véritable hymne à l'amour et à la vie, transforme ce qui n'aurait dû être qu'une expérience clinique unique en une performance scénique mise en relief avec une infinie pudeur par Éric Bouvron. De cette résurrection, nous sortons transformés, séduits, heureux d'avoir éprouvé un vrai coup au cœur, aussi puissant qu'inoffensif.
Paru le 08/06/2022
(34 notes) THÉÂTRE ESSAÏON Du lundi 30 août 2021 au mardi 28 juin 2022
TEXTE(S). Le 4 juin 2019, après un arrêt cardio-respiratoire de 35 minutes, Olivier Maillet, 50 ans, atterrit plus mort que vif au service réanimation de l’hôpital Bichat, à Paris. On ne donne pas cher de sa peau. Pas lourd de son cerveau. Seules 0,1% des victimes d’une telle aventure en sortent indemnes. I...
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