L'auteur y raconte les folies de la Grande Guerre, celle qui emportera des milliers de jeunes hommes, poussés à se battre sans vraiment savoir dans quel but. Meurtrière, sanglante et traumatisante, la Première Guerre Mondiale reste l'exemple même d'une boucherie sans nom.

Par ce récit, Céline propose sa vision, celle d'un jeune homme blessé physiquement, mentalement, et qui, toute sa vie, devra se souvenir de cette période, des pertes qui l'accompagnent et du sang qu'il aura vu couler. Il va mélanger les souvenirs et le présent, la mort et la vie, les amis et ceux d'en face sur qui il faut tirer. Avec gouaille, il raconte sa renaissance à l'hospice, entouré d'autres soldats eux aussi écorchés vifs, son retour à la vie avec l'amitié, mais aussi les premières sensations physiques plaisantes, celles du sexe. Benoît Lavigne et Bérangère Gallot ont su choisir un texte adéquat pour le théâtre. Écrit à la première personne, plutôt court et très descriptif, ce texte a été publié sans relecture de l'auteur, au premier jet. C'est donc un monologue théâtral parfait. Si le duo en a fait une adaptation, le texte n'en reste pas moins brut, et fait réapparaitre le personnage de Ferdinand, version autobiographique romancée de Céline lui-même, connu d'abord dans « Voyage au bout de la Nuit ». La misère humaine, la violence au sein de la société, thèmes déjà abordés dans ce précédent ouvrage, sont ici retrouvés pour être cette fois-ci décryptés dans un environnement de guerre, de mort permanente.

Un plateau presque nu, un tabouret, des pierres, un sol terreux qu'on imagine boueux, et une ambiance tamisée couleur rouille accueillent Benjamin Voisin en tenue de soldat. Il se réveille sur un champ de bataille, il ne sait plus où il est mais il se souvient. La scénographie de Seymour Laval et la mise en scène de Benoît Lavigne proposent une esthétique si réelle qu'on s'y raccroche sans difficultés. Les éclairs se fondent aux tirs d'obus et la mise en scène suit l'histoire contée avec précision. Ainsi, d'un champ de bataille à l'hospice, en passant par la taverne, il n'y a que les lumières et le comédien pour vous y emmener.

Benjamin Voisin est à la fois Ferdinand, son camarade Cascade, Angèle la fiancée de ce dernier, ses parents et le corps médical. Seul, il interprète avec brio tous ces personnages. Par le langage cru mais teinté d'humour, il saura vous entrainer dans ce récit de vie et de mort. Si les images et les mots peuvent parfois être dérangeants par leur dureté, la prestation du comédien vous laisse sans voix. Benjamin est le soldat Ferdinand et c'est une vraie performance de sa part ! Deux fois nommé au César du haut de ses 26 ans, on ne doute pas que de nombreuses autres récompenses viendront sans attendre.
Nous avons eu la possibilité de découvrir cette pièce au Chêne Noir lors du Festival d'Avignon et il n'y avait plus une seule place de libre dans la salle. Si nous avons un conseil à vous donner pour les dates parisiennes à venir, c'est de vite réserver avant qu'il ne joue à guichet fermé.