Interview par Philippe Escalier
Pascal Amoyel : musique au cœur
Pascal Amoyel a consacré une part de sa vie de pianiste virtuose à des spectacles de théâtre musical lui permettant d'aller, d'une autre façon, à la rencontre de son public. Quand le pianiste devient conteur, ce sont les grands moments de la vie de ses compositeurs favoris qui nous sont dévoilés. « Le Pianiste aux 50 doigts » évocation de la vie de son maître, Georges Cziffra, permet de découvrir, dans un moment de partage fort et intimiste, le destin hors du commun d'un immense interprète, l'un des plus grands pianistes du XXème siècle. Avec Pascal Amoyel, nous sommes revenus sur un spectacle qui nous a bouleversé et qui fait le bonheur du public du Théâtre Montparnasse.
Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de votre rencontre avec Georges Cziffra ?
Mon premier rendez-vous a eu lieu en 1984 lorsque j'avais une douzaine d'années. Je suis allé à la Fondation à Senlis (à la Chapelle Royale Saint-Frambourg que Georges Cziffra a fait restaurer ndlr) et en Hongrie où il donnait des master class. Et puis j'ai eu la chance qu'il me propose des cours privés qui étaient des séances d'une richesse extraordinaire qui me permettaient de me recentrer sur la musique mais aussi sur moi-même. Georges Cziffra parlait assez peu de musique. Il jouait et il était tellement en lien avec son instrument que ce qui ressortait c'est que l'on était porté par un souffle qui vous enveloppait et qui faisait que vous ne pouviez plus ressentir les choses différemment.
Parmi vos points communs, j'ai noté que, comme lui, vous aviez joué dans des cabarets !
C'est vrai. J'ai joué dans les cabarets de Montmartre pour gagner ma vie. C'était à la fois sympathique pour les moments d'intimité avec les gens et puis aussi pas très enthousiasmant sur le plan musical, même si, au final, c'était assez formateur.
Il y a beaucoup d'émotions durant tout votre spectacle. En sortant, l'on peut même observer à quel point le public est touché. Sur scène, comment ressentez-vous cette ambiance si particulière ?
Ce qui me touche beaucoup c'est le silence et la qualité de l'écoute. J'essaie de dire les choses de la façon la plus simple et la plus juste possible. Je suis très concentré mais je ressens l'écoute du public, j'entends qu'il est avec moi dans une sorte d'unité. Au fond, quand on parle à une salle toute entière, quand il y a une écoute aussi profonde, sur scène, on est aussi dans un état de réceptivité totale qui donne une énergie considérable. Ces moments de plénitude on ne les retrouve nulle part ailleurs.
Comment et pourquoi sont nés les magnifiques spectacles de théâtre musical que vous nous donnez régulièrement ?
Au départ, avec le comédien Jean Piat que j'ai eu la chance de connaitre, je faisais des concerts autour de la correspondance de Franz Liszt et Marie d'Agoult. Je me suis rendu compte que le public mélomane était curieux de découvrir certains des aspects les moins connus de la vie des compositeurs et que cela pouvait aussi intéresser ceux qui voulaient aller à la rencontre de la musique. Un jour, avec mon épouse, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand, nous avons découvert les témoignages passionnants de deux musiciens qui ont réussi à survivre à Auschwitz grâce à la musique. Il nous a paru indispensable de les faire connaitre. Ce que nous avons fait à travers « Le Block 15, ou la musique en résistance » donné notamment aux « Jeunesses Musicales de France ». En 2010, on m'a appelé pour me dire qu'à l'occasion de l'ouverture de l'auditorium Cziffra à La Chaise-Dieu, festival qu'il avait créé, l'on souhaitait que je lui rende hommage. Je ne me voyais pas faire un discours, donc fort de ma première expérience avec « Le Block 15 », j'ai créé les prémices de ce spectacle. Je n'imaginais pas que même transformé, il vivrait toujours quinze ans après. En racontant les principaux épisodes de la vie de Cziffra, j'aborde la thématique de l'artiste sauvé par son art. La musique lui a servi de refuge et l'a chaque fois ramené à son humanité. Georges Cziffra était un homme d'une gentillesse et d'une bienveillance absolue. Il fait partie de ces grands hommes dont on connait souvent mal le destin, tout comme Franz Liszt, la première immense star de l'Histoire qui déplaçait les foules et les têtes couronnées et qui à 35 ans s'arrête en pleine gloire en disant qu'il veut rester chez lui pour composer. Ou encore Beethoven, le sujet de mon précédent spectacle. Autour de ces génies, il est toujours intéressant de se pencher sur le pourquoi de la création, question qui nous renvoie à une dimension philosophique et spirituelle du monde et qui nous aide à vivre et à réfléchir sur notre propre condition. Ce que j'ambitionne de faire, c'est moins de montrer la beauté des œuvres que de dire ce qui me touche à travers elles. C'est ce que je ferai aussi dans mon prochain spectacle qui aura lieu, probablement en 2024 au Ranelagh autour de Chopin.
Vous êtes toujours resté fidèle à Christian Fromont pour la mise en scène !
Oui, avec lui, c'est une longue histoire, il était déjà présent comme coach d'acteur sur le « Block 15 ». Depuis, il a mis en scène tous mes spectacles. Pour la petite histoire, pour Cziffra, je lui avais dit que je voulais contacter un acteur. Sa réaction a été que cela n'avait pas de sens et que j'étais le seul à pouvoir raconter ce que j'avais vécu. Je lui en sais gré, en effet, c'est beaucoup plus naturel comme ça ! Preuve qu'il est à mes côtés dans toutes mes folies, il m'a même accompagné dans « L'Étrange concert » qui navigue entre magie et musique que j'ai fait pour satisfaire ma passion de la magie et du mentalisme.
Comment partagez-vous votre temps entre concerts et spectacles ?
Il m'arrive, en effet, d'être un pianiste normal comme ce sera le cas, début février pour les « Folles Journées » de Nantes où je donne un concert. Il se trouve que j'y reprendrais aussi le spectacle « Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt ». Mon activité se partage donc entre concert et spectacle. J'apprécie cette diversité : j'ai toujours envié les acteurs qui investissent un lieu où ils sont comme chez eux pendant plusieurs semaines alors que, pour nous musiciens, les lieux sont différents, les instruments qui nous y attendent aussi. Les spectacles me permettent cette appropriation d'un théâtre, d'un instrument, d'une acoustique, tout en m'investissant sur une certaine durée. Même si cette année, en novembre, avec le festival « Notes d'automne » que j'organise au Perreux-sur-Marne, j'ai dû faire pas mal de navettes. Être sur scène du 28 septembre au 31 décembre, avec parfois cinq représentations par semaine, n'en demeure pas moins un marathon qui exige beaucoup d'endurance, physique et mentale. Mais l'histoire de Cziffra est si importante pour moi que j'éprouve toujours le même plaisir : quel que soit le nombre de représentations, être sur scène pour parler de lui est toujours un moment unique !
Pascal Amoyel, quelques dates de tournée 2024 :
23 janvier à 20 h 30 : Fosses, « Une leçon de piano, avec Chopin »
1er février : La Folle journée de Nantes, « Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt »
6 février : Cognac, « Une leçon de piano, avec Chopin »
13 février : Soyons, « Une leçon de piano, avec Chopin »
15 février à 20 h 30 : Privas, « Looking for Beethoven »
1er mars : Le Chesnay, « Looking for Beethoven »
4 mars : Paris, « Une leçon de piano, avec Chopin »
6 mars 2024 à 20 h : Courbevoie, « Une leçon de piano, avec Chopin »
17 mars : Versailles, « Duel », avec Dimitris Saroglou
24 mars 2024 à 20 h 30 : Coppet (Suisse) « Une leçon de piano, avec Chopin »
28 mars 2024 à 20 h : Meaux, Looking for Beethoven
18 avril 2024 à 21 h : Pont-St-Esprit, « Looking for Beethoven »
10 mai 2024 à 20 h : la Trinité sur Mer, « Looking for Beethoven »
Mon premier rendez-vous a eu lieu en 1984 lorsque j'avais une douzaine d'années. Je suis allé à la Fondation à Senlis (à la Chapelle Royale Saint-Frambourg que Georges Cziffra a fait restaurer ndlr) et en Hongrie où il donnait des master class. Et puis j'ai eu la chance qu'il me propose des cours privés qui étaient des séances d'une richesse extraordinaire qui me permettaient de me recentrer sur la musique mais aussi sur moi-même. Georges Cziffra parlait assez peu de musique. Il jouait et il était tellement en lien avec son instrument que ce qui ressortait c'est que l'on était porté par un souffle qui vous enveloppait et qui faisait que vous ne pouviez plus ressentir les choses différemment.
Parmi vos points communs, j'ai noté que, comme lui, vous aviez joué dans des cabarets !
C'est vrai. J'ai joué dans les cabarets de Montmartre pour gagner ma vie. C'était à la fois sympathique pour les moments d'intimité avec les gens et puis aussi pas très enthousiasmant sur le plan musical, même si, au final, c'était assez formateur.
Il y a beaucoup d'émotions durant tout votre spectacle. En sortant, l'on peut même observer à quel point le public est touché. Sur scène, comment ressentez-vous cette ambiance si particulière ?
Ce qui me touche beaucoup c'est le silence et la qualité de l'écoute. J'essaie de dire les choses de la façon la plus simple et la plus juste possible. Je suis très concentré mais je ressens l'écoute du public, j'entends qu'il est avec moi dans une sorte d'unité. Au fond, quand on parle à une salle toute entière, quand il y a une écoute aussi profonde, sur scène, on est aussi dans un état de réceptivité totale qui donne une énergie considérable. Ces moments de plénitude on ne les retrouve nulle part ailleurs.
Comment et pourquoi sont nés les magnifiques spectacles de théâtre musical que vous nous donnez régulièrement ?
Au départ, avec le comédien Jean Piat que j'ai eu la chance de connaitre, je faisais des concerts autour de la correspondance de Franz Liszt et Marie d'Agoult. Je me suis rendu compte que le public mélomane était curieux de découvrir certains des aspects les moins connus de la vie des compositeurs et que cela pouvait aussi intéresser ceux qui voulaient aller à la rencontre de la musique. Un jour, avec mon épouse, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand, nous avons découvert les témoignages passionnants de deux musiciens qui ont réussi à survivre à Auschwitz grâce à la musique. Il nous a paru indispensable de les faire connaitre. Ce que nous avons fait à travers « Le Block 15, ou la musique en résistance » donné notamment aux « Jeunesses Musicales de France ». En 2010, on m'a appelé pour me dire qu'à l'occasion de l'ouverture de l'auditorium Cziffra à La Chaise-Dieu, festival qu'il avait créé, l'on souhaitait que je lui rende hommage. Je ne me voyais pas faire un discours, donc fort de ma première expérience avec « Le Block 15 », j'ai créé les prémices de ce spectacle. Je n'imaginais pas que même transformé, il vivrait toujours quinze ans après. En racontant les principaux épisodes de la vie de Cziffra, j'aborde la thématique de l'artiste sauvé par son art. La musique lui a servi de refuge et l'a chaque fois ramené à son humanité. Georges Cziffra était un homme d'une gentillesse et d'une bienveillance absolue. Il fait partie de ces grands hommes dont on connait souvent mal le destin, tout comme Franz Liszt, la première immense star de l'Histoire qui déplaçait les foules et les têtes couronnées et qui à 35 ans s'arrête en pleine gloire en disant qu'il veut rester chez lui pour composer. Ou encore Beethoven, le sujet de mon précédent spectacle. Autour de ces génies, il est toujours intéressant de se pencher sur le pourquoi de la création, question qui nous renvoie à une dimension philosophique et spirituelle du monde et qui nous aide à vivre et à réfléchir sur notre propre condition. Ce que j'ambitionne de faire, c'est moins de montrer la beauté des œuvres que de dire ce qui me touche à travers elles. C'est ce que je ferai aussi dans mon prochain spectacle qui aura lieu, probablement en 2024 au Ranelagh autour de Chopin.
Vous êtes toujours resté fidèle à Christian Fromont pour la mise en scène !
Oui, avec lui, c'est une longue histoire, il était déjà présent comme coach d'acteur sur le « Block 15 ». Depuis, il a mis en scène tous mes spectacles. Pour la petite histoire, pour Cziffra, je lui avais dit que je voulais contacter un acteur. Sa réaction a été que cela n'avait pas de sens et que j'étais le seul à pouvoir raconter ce que j'avais vécu. Je lui en sais gré, en effet, c'est beaucoup plus naturel comme ça ! Preuve qu'il est à mes côtés dans toutes mes folies, il m'a même accompagné dans « L'Étrange concert » qui navigue entre magie et musique que j'ai fait pour satisfaire ma passion de la magie et du mentalisme.
Comment partagez-vous votre temps entre concerts et spectacles ?
Il m'arrive, en effet, d'être un pianiste normal comme ce sera le cas, début février pour les « Folles Journées » de Nantes où je donne un concert. Il se trouve que j'y reprendrais aussi le spectacle « Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt ». Mon activité se partage donc entre concert et spectacle. J'apprécie cette diversité : j'ai toujours envié les acteurs qui investissent un lieu où ils sont comme chez eux pendant plusieurs semaines alors que, pour nous musiciens, les lieux sont différents, les instruments qui nous y attendent aussi. Les spectacles me permettent cette appropriation d'un théâtre, d'un instrument, d'une acoustique, tout en m'investissant sur une certaine durée. Même si cette année, en novembre, avec le festival « Notes d'automne » que j'organise au Perreux-sur-Marne, j'ai dû faire pas mal de navettes. Être sur scène du 28 septembre au 31 décembre, avec parfois cinq représentations par semaine, n'en demeure pas moins un marathon qui exige beaucoup d'endurance, physique et mentale. Mais l'histoire de Cziffra est si importante pour moi que j'éprouve toujours le même plaisir : quel que soit le nombre de représentations, être sur scène pour parler de lui est toujours un moment unique !
Pascal Amoyel, quelques dates de tournée 2024 :
23 janvier à 20 h 30 : Fosses, « Une leçon de piano, avec Chopin »
1er février : La Folle journée de Nantes, « Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt »
6 février : Cognac, « Une leçon de piano, avec Chopin »
13 février : Soyons, « Une leçon de piano, avec Chopin »
15 février à 20 h 30 : Privas, « Looking for Beethoven »
1er mars : Le Chesnay, « Looking for Beethoven »
4 mars : Paris, « Une leçon de piano, avec Chopin »
6 mars 2024 à 20 h : Courbevoie, « Une leçon de piano, avec Chopin »
17 mars : Versailles, « Duel », avec Dimitris Saroglou
24 mars 2024 à 20 h 30 : Coppet (Suisse) « Une leçon de piano, avec Chopin »
28 mars 2024 à 20 h : Meaux, Looking for Beethoven
18 avril 2024 à 21 h : Pont-St-Esprit, « Looking for Beethoven »
10 mai 2024 à 20 h : la Trinité sur Mer, « Looking for Beethoven »
Paru le 20/12/2023