Dossier par Didier Roth-Bettoni
“Quand l’amour s’emmêle”
Un homme et une femme Un acteur discret face à une star du petit écran ? Le duo pourrait paraître déséquilibré. Mais le talent et la présence solides de Jean-Michel Dupuis font mieux qu'équilibrer la fougue et la nature de Véronique Genest dans "Quand l'amour s'emmêle", une histoire de couple joliment troussée par Anne-Marie Étienne...
Jean-Michel Dupuis,
le discret
Sur l'affiche, son nom est à égalité avec celui de Véronique Genest. Cela pourrait surprendre tant leur statut semble incomparable. Elle est l'actrice la plus populaire de la télé, là où il n'est qu'un visage familier de la scène et de l'écran, elle est une star pétulante et médiatique, lui un très discret interprète de textes souvent exigeants, un comédien très estimé mais mal connu. "Je fais la différence : je sais que je suis un acteur populaire car les gens me reconnaissent dans la rue, me parlent, me disent qu'ils apprécient mon travail, même s'ils ne connaissent pas forcément mon nom", explique avec lucidité un Jean-Michel Dupuis qui définit joliment le théâtre comme "l'art du recommencement". Trente ans après ses premiers pas sur les planches et son passage au Conservatoire (de Rouen, puis de Paris), Jean-Michel Dupuis n'est donc pas une vedette - "d'ailleurs, je ne sais pas comment on fait pour devenir une vedette" - mais ça ne le gêne pas plus que ça, d'autant que son riche parcours au théâtre (où il a joué Molière, Tchekhov, Boris Vian, Manuel Puig, Beckett, James Joyce ou Victor Haïm sous la direction de Planchon, Maréchal, Bluwal, Daniel Benoin ou Jean-Paul Roussillon, avec deux nominations aux Molière à la clé) et à la télévision (une quarantaine de téléfilms) plaide pour lui. "C'est un privilège pour moi de demeurer dans cette profession depuis tant de temps, avec la possibilité, au théâtre, de faire des choix. J'ai tout de suite vécu de ce travail, en cela j'ai été extrêmement chanceux et j'en conserve un vrai étonnement." Un étonnement d'autant plus fort que Jean-Michel Dupuis n'est pas de ces acteurs qui, dès l'enfance, ont identifié leur destin. "Jamais je n'aurais imaginé faire une carrière artistique. Je n'ai jamais eu la vocation, j'ai eu une révélation. À 17 ans, j'ai rencontré un professeur de théâtre de conservatoire dans le cadre de mon lycée. Quand je l'ai entendu dire une fable de La Fontaine, cela a été un choc d'une évidence totale : la révélation de ce que j'attendais sans savoir que je l'attendais. Il m'a tout de suite dit "Tu seras acteur", et je lui dois tout. Avant, j'étais très angoissé de me lancer dans la vie sans désir. J'ai tout de suite arrêté mes études, je me suis inscrit au Conservatoire. Et moi qui ne travaillais pas beaucoup, je me suis engouffré dans le travail avec un plaisir jubilatoire, et je n'ai jamais cessé."
en cinq dates :
1955 : naissance à Rouen.
1973 : entrée au Conservatoire de Rouen, premier spectacle.
1981 : triomphe dans "Jacques et son maître" de Milan Kundera,
son plus beau souvenir.
1987 : première nomination au Molière du meilleur second rôle pour "Conversation après un enterrement", de Yasmina Reza.
2004 : fait couple avec Véronique Genest dans "Quand l'amour s'emmêle".
Anne-Marie Étienne,
la Belge
En deux mots, comment définiriez-vous "Quand l'amour s'emmêle" ?
Le thème pourrait être l'envie de trouver un second souffle qu'éprouve un couple au long cours au bout de dix-sept ans de mariage. Un petit événement de leur vie (l'un et l'autre retrouvent un de leurs ex) les place devant une profonde remise en cause. Ils ne sont plus amoureux au sens professionnel du terme, mais est-ce qu'ils ont appris à s'aimer ? C'est ce qui m'intéressait : comment réussit-on le passage à l'amour après la passion, car c'est quand on n'est plus amoureux qu'on peut commencer à s'aimer. L'action se passe sur quelques jours lors desquels les deux personnages se posent des questions : est-ce qu'on peut continuer ensemble ?, est-ce qu'on a de bonnes raisons de le faire ?, etc. Je voulais une pièce en prise directe avec toutes les façons de vivre un couple aujourd'hui.
Cette histoire est-elle autobiographique ?
Si vous faites allusion à la partie de ma vie privée qui a été étalée dans la presse il y a quelques mois, c'est non, car la pièce était écrite avant. Mais oui c'est autobiographique car j'ai eu deux expériences de couples qui ont duré six et douze ans, j'ai fait un travail d'observation de mes amis, par conséquent je sais de quoi je parle. J'ai une grande lucidité de regard : je suis sans illusion sur le couple, donc j'y crois plus que jamais. Il faut être prêt à construire un couple. C'est un constat post-quarantaine. On m'a dit que ma pièce était douce-amère, je crois que c'est cela. Je suis peut-être désespérée, mais j'ai pris le parti d'en rire.
Effectivement, "Quand l'amour s'emmêle" est à la fois drôle et émouvant...
Les gens qui viennent pour rire ont leur compte, ceux qui sont plus sensibles trouvent aussi leur compte car cela dit des choses sur le couple. Je suis de toute manière incapable de faire quelque chose qui soit d'un bout à l'autre complètement drôle ou complètement noir.
Vous étiez comédienne, vous êtes aujourd'hui metteur en scène de théâtre, réalisatrice, auteur, c'est un profil très atypique. Qu'est-ce qui fait votre différence ?
Je définirais ma singularité par le fait que je suis belge... Ça peut paraître une plaisanterie, mais à Bruxelles, j'ai été nourrie par le théâtre anglo-saxon qui était très présent dans les salles, et aussi par la comédie italienne, cet humour très noir qui oscille toujours entre rire et émotion, et j'ai toujours voulu arriver à quelque chose d'aussi profond et intelligent tout en atteignant une efficacité comique. Vous savez, l'humour belge - je ne parle pas des blagues que vous racontez sur nous -, c'est un recul, une petite autodérision des choses, un regard un peu ironique et tendre sur les personnages et leurs tentatives :
"Je vous ai apporté des bonbons", c'est drôle et triste à la fois.
le discret
Sur l'affiche, son nom est à égalité avec celui de Véronique Genest. Cela pourrait surprendre tant leur statut semble incomparable. Elle est l'actrice la plus populaire de la télé, là où il n'est qu'un visage familier de la scène et de l'écran, elle est une star pétulante et médiatique, lui un très discret interprète de textes souvent exigeants, un comédien très estimé mais mal connu. "Je fais la différence : je sais que je suis un acteur populaire car les gens me reconnaissent dans la rue, me parlent, me disent qu'ils apprécient mon travail, même s'ils ne connaissent pas forcément mon nom", explique avec lucidité un Jean-Michel Dupuis qui définit joliment le théâtre comme "l'art du recommencement". Trente ans après ses premiers pas sur les planches et son passage au Conservatoire (de Rouen, puis de Paris), Jean-Michel Dupuis n'est donc pas une vedette - "d'ailleurs, je ne sais pas comment on fait pour devenir une vedette" - mais ça ne le gêne pas plus que ça, d'autant que son riche parcours au théâtre (où il a joué Molière, Tchekhov, Boris Vian, Manuel Puig, Beckett, James Joyce ou Victor Haïm sous la direction de Planchon, Maréchal, Bluwal, Daniel Benoin ou Jean-Paul Roussillon, avec deux nominations aux Molière à la clé) et à la télévision (une quarantaine de téléfilms) plaide pour lui. "C'est un privilège pour moi de demeurer dans cette profession depuis tant de temps, avec la possibilité, au théâtre, de faire des choix. J'ai tout de suite vécu de ce travail, en cela j'ai été extrêmement chanceux et j'en conserve un vrai étonnement." Un étonnement d'autant plus fort que Jean-Michel Dupuis n'est pas de ces acteurs qui, dès l'enfance, ont identifié leur destin. "Jamais je n'aurais imaginé faire une carrière artistique. Je n'ai jamais eu la vocation, j'ai eu une révélation. À 17 ans, j'ai rencontré un professeur de théâtre de conservatoire dans le cadre de mon lycée. Quand je l'ai entendu dire une fable de La Fontaine, cela a été un choc d'une évidence totale : la révélation de ce que j'attendais sans savoir que je l'attendais. Il m'a tout de suite dit "Tu seras acteur", et je lui dois tout. Avant, j'étais très angoissé de me lancer dans la vie sans désir. J'ai tout de suite arrêté mes études, je me suis inscrit au Conservatoire. Et moi qui ne travaillais pas beaucoup, je me suis engouffré dans le travail avec un plaisir jubilatoire, et je n'ai jamais cessé."
en cinq dates :
1955 : naissance à Rouen.
1973 : entrée au Conservatoire de Rouen, premier spectacle.
1981 : triomphe dans "Jacques et son maître" de Milan Kundera,
son plus beau souvenir.
1987 : première nomination au Molière du meilleur second rôle pour "Conversation après un enterrement", de Yasmina Reza.
2004 : fait couple avec Véronique Genest dans "Quand l'amour s'emmêle".
Anne-Marie Étienne,
la Belge
En deux mots, comment définiriez-vous "Quand l'amour s'emmêle" ?
Le thème pourrait être l'envie de trouver un second souffle qu'éprouve un couple au long cours au bout de dix-sept ans de mariage. Un petit événement de leur vie (l'un et l'autre retrouvent un de leurs ex) les place devant une profonde remise en cause. Ils ne sont plus amoureux au sens professionnel du terme, mais est-ce qu'ils ont appris à s'aimer ? C'est ce qui m'intéressait : comment réussit-on le passage à l'amour après la passion, car c'est quand on n'est plus amoureux qu'on peut commencer à s'aimer. L'action se passe sur quelques jours lors desquels les deux personnages se posent des questions : est-ce qu'on peut continuer ensemble ?, est-ce qu'on a de bonnes raisons de le faire ?, etc. Je voulais une pièce en prise directe avec toutes les façons de vivre un couple aujourd'hui.
Cette histoire est-elle autobiographique ?
Si vous faites allusion à la partie de ma vie privée qui a été étalée dans la presse il y a quelques mois, c'est non, car la pièce était écrite avant. Mais oui c'est autobiographique car j'ai eu deux expériences de couples qui ont duré six et douze ans, j'ai fait un travail d'observation de mes amis, par conséquent je sais de quoi je parle. J'ai une grande lucidité de regard : je suis sans illusion sur le couple, donc j'y crois plus que jamais. Il faut être prêt à construire un couple. C'est un constat post-quarantaine. On m'a dit que ma pièce était douce-amère, je crois que c'est cela. Je suis peut-être désespérée, mais j'ai pris le parti d'en rire.
Effectivement, "Quand l'amour s'emmêle" est à la fois drôle et émouvant...
Les gens qui viennent pour rire ont leur compte, ceux qui sont plus sensibles trouvent aussi leur compte car cela dit des choses sur le couple. Je suis de toute manière incapable de faire quelque chose qui soit d'un bout à l'autre complètement drôle ou complètement noir.
Vous étiez comédienne, vous êtes aujourd'hui metteur en scène de théâtre, réalisatrice, auteur, c'est un profil très atypique. Qu'est-ce qui fait votre différence ?
Je définirais ma singularité par le fait que je suis belge... Ça peut paraître une plaisanterie, mais à Bruxelles, j'ai été nourrie par le théâtre anglo-saxon qui était très présent dans les salles, et aussi par la comédie italienne, cet humour très noir qui oscille toujours entre rire et émotion, et j'ai toujours voulu arriver à quelque chose d'aussi profond et intelligent tout en atteignant une efficacité comique. Vous savez, l'humour belge - je ne parle pas des blagues que vous racontez sur nous -, c'est un recul, une petite autodérision des choses, un regard un peu ironique et tendre sur les personnages et leurs tentatives :
"Je vous ai apporté des bonbons", c'est drôle et triste à la fois.
Paru le 15/11/2004
QUAND L'AMOUR S'EMMÊLE THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL Du vendredi 17 septembre 2004 au dimanche 16 janvier 2005
COMÉDIE. "Quand l’amour s’emmêle… ", c’est l’histoire d’un couple, Anne et Olivier, qui s’aime encore. Mais comment? Après dix-sept ans de mariage et un enfant, on n’est plus amoureux fou... Mais ont-ils appris à s’aimer? C’est pour eux le moment de se poser vraiment la question. C’est aussi le moment que ...
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