Zoom par Philippe Escalier
Pauvre Bitos ou le dîner de têtes
Théâtre Hébertot
« Pauvre Bitos » de Jean Anouilh en faisant un parallèle entre La Terreur et l'Épuration nous offre une galerie grinçante de personnages esquissée avec un humour au vitriol. Cette pièce surprenante revit grâce à une troupe de comédiens exemplaires qui ravit le public du théâtre Hébertot.
Même avec une décennie de recul sur la Libération, « Pauvre Bitos » était trop dérangeant pour ne pas provoquer, lors de sa création en 1956, des réactions extrêmes. La critique et les politiques s'enflamment. D'un côté, ceux qui ne supportent pas que l'on remette en question la période de la Révolution et de la Libération, de l'autre, ceux qui ne demandent que cela en faisant mine d'oublier que la pièce n'épargne personne. Le public remet les pendules à l'heure en réservant à l'œuvre un accueil enthousiaste. Néanmoins la pièce ne sera reprise qu'en 1967 au théâtre de Paris. Il aura fallu l'énergie et le judicieux entêtement de Francis Lombrail pour donner à ce texte magnifique une nouvelle vie sur la scène de son théâtre. Maxime d'Aboville dont on connait le goût pour l'Histoire et Adrien Melin se sont attelés (et avec quel succès !) à l'adaptation pour en faire un moment théâtral resserré mais toujours d'une superbe intensité, n'ayant rien à envier à la création originale.
Dans une petite ville de province, André Bitos est devenu substitut du procureur.
Au sortir de la guerre, il prononce, sans états d'âme, des condamnations à mort à l'encontre de collaborateurs. Ses anciens camarades de classe issus pour la plupart de l'aristocratie, n'ont jamais supporté ce fort en thème, collectionnant les diplômes, venu d'un milieu très modeste, introverti, étriqué, engoncé dans ses certitudes, dissimulé derrière le paravent de sa réussite professionnelle. Désireux de lui faire payer son parcours et ses actes qu'ils réprouvent, ces conservateurs organisent un diner de têtes autour de cette Révolution Française qui en a fait tomber tant. André Bitos devra jouer le rôle de Robespierre, à qui il ressemble par bien des aspects. Un jeu surprenant et cruel va se mettre en place.
Avec la plume de celui qui a toujours magnifiquement écrit pour le théâtre, Jean Anouilh avec « Pauvre Bitos » nous livre une pièce d'une incroyable subtilité. Sans a priori, il fait le procès des excès de la Révolution et de l'Épuration, en décrivant si bien tout ce que les hommes de pouvoir peuvent avoir d'intransigeant, de petit et de cynique. Anouilh était inclassable. Ce n'est pas un bord politique qu'il attaque mais les abus de pouvoir qu'il avait en horreur, commis au nom du peuple qui en fait les frais. Ce faisant, il démontre que les auteurs les moins politiques, libres qu'ils sont de dédaigner les guerres partisanes, sont ceux qui en réalité ont le sens politique le plus affuté. Loin de se mettre au service d'un camp ou d'une idéologie, c'est l'Homme qu'ils entendent défendre. Un noble objectif qui n'exclut pas d'observer la dure réalité du monde sans s'encombrer d'un idéalisme aussi naïf que pesant.
Le public du théâtre Hébertot écoutera ce réquisitoire surprenant, ô combien théâtral, d'une habilité hors du commun, tout en admirant le jeu des comédiens. Dans le rôle-titre, Maxime d'Aboville réalise une performance admirable comme on en voit peu au théâtre. À ses côtés, et dans la lumineuse mise en scène de Thierry Harcourt, encore une fois très inspiré, Etienne Ménard, Adrien Melun, Sybille Montagne, Francis Lombrail, Adel Djemai, Clara Huet en alternance avec Adina Cartianu font merveille. Ils ont réveillé un texte trop longtemps endormi et nous ont offert une leçon de théâtre et une heure trente de bonheur. Que demande le peuple ?!
Dans une petite ville de province, André Bitos est devenu substitut du procureur.
Au sortir de la guerre, il prononce, sans états d'âme, des condamnations à mort à l'encontre de collaborateurs. Ses anciens camarades de classe issus pour la plupart de l'aristocratie, n'ont jamais supporté ce fort en thème, collectionnant les diplômes, venu d'un milieu très modeste, introverti, étriqué, engoncé dans ses certitudes, dissimulé derrière le paravent de sa réussite professionnelle. Désireux de lui faire payer son parcours et ses actes qu'ils réprouvent, ces conservateurs organisent un diner de têtes autour de cette Révolution Française qui en a fait tomber tant. André Bitos devra jouer le rôle de Robespierre, à qui il ressemble par bien des aspects. Un jeu surprenant et cruel va se mettre en place.
Avec la plume de celui qui a toujours magnifiquement écrit pour le théâtre, Jean Anouilh avec « Pauvre Bitos » nous livre une pièce d'une incroyable subtilité. Sans a priori, il fait le procès des excès de la Révolution et de l'Épuration, en décrivant si bien tout ce que les hommes de pouvoir peuvent avoir d'intransigeant, de petit et de cynique. Anouilh était inclassable. Ce n'est pas un bord politique qu'il attaque mais les abus de pouvoir qu'il avait en horreur, commis au nom du peuple qui en fait les frais. Ce faisant, il démontre que les auteurs les moins politiques, libres qu'ils sont de dédaigner les guerres partisanes, sont ceux qui en réalité ont le sens politique le plus affuté. Loin de se mettre au service d'un camp ou d'une idéologie, c'est l'Homme qu'ils entendent défendre. Un noble objectif qui n'exclut pas d'observer la dure réalité du monde sans s'encombrer d'un idéalisme aussi naïf que pesant.
Le public du théâtre Hébertot écoutera ce réquisitoire surprenant, ô combien théâtral, d'une habilité hors du commun, tout en admirant le jeu des comédiens. Dans le rôle-titre, Maxime d'Aboville réalise une performance admirable comme on en voit peu au théâtre. À ses côtés, et dans la lumineuse mise en scène de Thierry Harcourt, encore une fois très inspiré, Etienne Ménard, Adrien Melun, Sybille Montagne, Francis Lombrail, Adel Djemai, Clara Huet en alternance avec Adina Cartianu font merveille. Ils ont réveillé un texte trop longtemps endormi et nous ont offert une leçon de théâtre et une heure trente de bonheur. Que demande le peuple ?!
Paru le 23/02/2024
(96 notes) THÉÂTRE HÉBERTOT Jusqu'au dimanche 5 janvier 2025
COMÉDIE. André Bitos est un fils du peuple devenu substitut du procureur de la République et il a, à ce titre, fait régner la terreur au lendemain de la Libération en devenant un agent cruel. De retour dans sa petite ville de province, il est invité par d’anciens camarades de classe, membres de la bonne so...
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