Article de Antoine Fernandez
Le Bourgeois gentilhomme
Lucernaire
Le Bourgeois Gentilhomme, c'est la pièce monstre, le Molière de la démesure ! Financée par le roi - budget sans limite - c'est une folie de Molière et Lully, moult et moult danseurs sur scène, un théâtre de bois créé pour l'occasion à Chambord et une perruque de Monsieur Jourdain de 200kg, paraît-il ! Cette nouvelle version par le Théâtre les Pieds Nus n'est pas financée par le roi mais a les mêmes ambitions d'extravagance et célèbre joyeusement son ancêtre !
Des perruques tout droit sorties de mangas japonais ou du terrier d'Alice au Pays des Merveilles, c'est un fond de scène coloré - pop ! - qui surprend comme première image d'un Molière, mais c'est comme un mouchoir imbibé de vinaigre glissé sous le nez : ça réveille les adaptations de classiques qui ont tendance à s'endormir et nous endormir !
Bastien Ossart, adaptateur, metteur en scène et, surtout, innocent et filou Monsieur Jourdain - jamais idiot ni méchant mais toujours rêveur égoïste - éparpille, avec un regard qu'on devine pétillant, de judicieux ajouts qui ne rendent pas la pièce plus "actuelle" mais explicitent à quel point elle l'a toujours été.
Point de modernisme à outrance, plutôt une revisite joyeusement dynamique du théâtre baroque, un style qu'on n'imaginait plus supportable à regarder... Que nenni dit maître Ossart ! Les mains qui se figent et se refigent dans des postures aux airs de voguing, les gestes et déplacements très chorégraphiés, les comédiens toujours face au public, c'est risqué mais on n'y perd pas son latin pour autant. Tout est clair, sautillant, rafraichissant plutôt qu'alourdissant. Pour preuve: les enfants qui rient dans la salle !
La diction doit y être pour quelque chose, totalement baroque elle-aussi ; elle vous attrape et vous embarque en plein 17ème à la cour du roi, où tout est bizarrement articulée à l'excès (bizarre pour un 21ème siècle mangeur de syllabes), avec des "r" bien rrrroulés, tout cela pour satisfaire ce bon vieux Jourdain, si envieux de faire tout bien comme à la cour dont il se rêve. Cette histoire, tout le monde la connait ; pas besoin de s'y repencher sinon pour dire - est ce nécessairrrre ? - qu'elle est toujours pertinente cette dérision de la soif d'ascension sociale par le paraître.
Monsieur Ossart voulait que ses comédiens s'amusent dans cette adaptation et c'est une réussite, de leur propre aveu ! Ça batifole et virevolte en tout sens, ça se glisse d'un rôle à l'autre avec l'agilité d'un courtisan, mais ça n'oublie jamais la gravité bien présente sous cette absurdité... On retrouve avec bonheur cette vieille famille qu'on connaît bien : Madame Jourdain - dure, belle et émouvante femme, et puissante comédienne, la volcanique Mathilde Guêtré-Rguieg -, Cléante - Nicolas Quelquejay, jubilatoire - avec ses sourcils trop hauts, complètement dépassé par son amour pour Lucille, la malicieuse - et exquise danseuse Liwen Liang-Gelas -, Dorante et Covielle - que Benoit Martinez habite tour à tour, virevoltant et méconnaissable - et cette chère Nicole, un peu pin-up ou niçoise, on ne sait plus vraiment - servie avec toute la vivacité de Iana Serena de Freitas... La troupe de Ossart, qu'il complète royalement, n'a pas à rougir de celle de Molière. Bravo, vivats !
Monsieur Jourdain l'a bien dit : "Suivez-moi, que j'aille un peu montrer cet habit - et ce bijou théâtral - par la ville !"
Bastien Ossart, adaptateur, metteur en scène et, surtout, innocent et filou Monsieur Jourdain - jamais idiot ni méchant mais toujours rêveur égoïste - éparpille, avec un regard qu'on devine pétillant, de judicieux ajouts qui ne rendent pas la pièce plus "actuelle" mais explicitent à quel point elle l'a toujours été.
Point de modernisme à outrance, plutôt une revisite joyeusement dynamique du théâtre baroque, un style qu'on n'imaginait plus supportable à regarder... Que nenni dit maître Ossart ! Les mains qui se figent et se refigent dans des postures aux airs de voguing, les gestes et déplacements très chorégraphiés, les comédiens toujours face au public, c'est risqué mais on n'y perd pas son latin pour autant. Tout est clair, sautillant, rafraichissant plutôt qu'alourdissant. Pour preuve: les enfants qui rient dans la salle !
La diction doit y être pour quelque chose, totalement baroque elle-aussi ; elle vous attrape et vous embarque en plein 17ème à la cour du roi, où tout est bizarrement articulée à l'excès (bizarre pour un 21ème siècle mangeur de syllabes), avec des "r" bien rrrroulés, tout cela pour satisfaire ce bon vieux Jourdain, si envieux de faire tout bien comme à la cour dont il se rêve. Cette histoire, tout le monde la connait ; pas besoin de s'y repencher sinon pour dire - est ce nécessairrrre ? - qu'elle est toujours pertinente cette dérision de la soif d'ascension sociale par le paraître.
Monsieur Ossart voulait que ses comédiens s'amusent dans cette adaptation et c'est une réussite, de leur propre aveu ! Ça batifole et virevolte en tout sens, ça se glisse d'un rôle à l'autre avec l'agilité d'un courtisan, mais ça n'oublie jamais la gravité bien présente sous cette absurdité... On retrouve avec bonheur cette vieille famille qu'on connaît bien : Madame Jourdain - dure, belle et émouvante femme, et puissante comédienne, la volcanique Mathilde Guêtré-Rguieg -, Cléante - Nicolas Quelquejay, jubilatoire - avec ses sourcils trop hauts, complètement dépassé par son amour pour Lucille, la malicieuse - et exquise danseuse Liwen Liang-Gelas -, Dorante et Covielle - que Benoit Martinez habite tour à tour, virevoltant et méconnaissable - et cette chère Nicole, un peu pin-up ou niçoise, on ne sait plus vraiment - servie avec toute la vivacité de Iana Serena de Freitas... La troupe de Ossart, qu'il complète royalement, n'a pas à rougir de celle de Molière. Bravo, vivats !
Monsieur Jourdain l'a bien dit : "Suivez-moi, que j'aille un peu montrer cet habit - et ce bijou théâtral - par la ville !"
Paru le 21/02/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (18 notes) THÉÂTRE DU LUCERNAIRE Jusqu'au dimanche 18 mai
COMÉDIE RÉPERTOIRE CLASSIQUE à partir de 7 ans. Version décalée d’un Bourgeois Gentilhomme repensé comme un théâtre total, tel qu’il fût créé, où se mêlent chants, danses et jeu d’acteurs. Des costumes plus colorés les uns que les autres, des maquillages chamarrés, un ensemble mixant le monde circassien, la comédie musicale et le théâtre baroqu...
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