Le saltimbanque est royal cette semaine. Pour quelques soirées seulement, Le 100 sera l'écrin de Beckett et Christophe Collin donnera corps à L'Innomable.
Seul dans un univers vide, un cube blanc pour lui tenir compagnie ; autour du cube, ou sur le cube, ou dans le cube, il fait cheville avec sa matière rugueuse. Le cube, son double, son compagnon, son repère de stabilité en prise avec la terre, son copulatif le reliant aux attributs du monde. Comme pour homologuer que "là où il y a des gens, il y a des choses".
Innommable mais pas irreprésentable, il "est dans l'impossibilité de ne plus jamais rien faire". Tour à tour clown et pantin, il prête son corps désarticulé au texte, stimule les atomes des mots permettant de créer des radiations et dans une symbiose totale, le langage lui prête son sens démantibulé. Disloqué, sa silhouette désossée, il sillonne dans un univers invisible que seul son silence visibilise ; les mots qu'il baragouine échappent à l'embarras du sens. Le prodige de Beckett s'accomplit : l'enfant dans la salle rit aux éclats, ensuite son rire se fige de gravité ; acquise à la tendresse humaine, à cet instant de grâce qu'elle ne saura pas nommer.
Un grand moment de théâtre, la révélation d'un immense comédien.