Dossier par Manuel Piolat Soleymat
Don Juan
“Un homme qui piétine les obligations morales des autres hommes”
Écrite en 1953 par Bertolt Brecht, un an avant sa création par le Berliner Ensemble, cette adaptation de "Don Juan" propose une version désacralisée de l'œuvre de Molière. Le metteur en scène Jean-Michel Vier plonge Sylvain Katan, Charlotte Rondelez, Guy Segalen, Pierre Val, Cédric Villenave et Valérie Alane dans une comédie regardant du côté de Chaplin, de l'esprit de clown, des hommes de pouvoir contemporains...
Trois questions à Jean-Michel Vier, metteur en scène
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène le "Don Juan" de Bertolt Brecht plutôt que celui de Molière ?
Brecht traite la figure de Don Juan comme un homme du XXe siècle, il en regarde la modernité, sans perdre de vue la pièce de Molière. Dans la dernière phase de son œuvre, Brecht entretient un rapport à la fois libre et respectueux avec le répertoire. Ainsi, il ne regarde pas la pièce de Molière comme un texte sacré. La façon intelligente et vive dont il se l'est appropriée m'a totalement convaincu.
Quelles sont les principales différences de point de vue entre ces deux pièces ?
Brecht ne tombe pas dans une fascination aveugle pour la figure du conquérant. Il porte un regard satirique sur Don Juan, en éclaire le caractère comique tout en soulignant sa brutalité, voire sa trivialité. Au-delà même de ce personnage, il peint l'histoire d'une collectivité.
Quels aspects particuliers de la pièce de Bertolt Brecht souhaitez-vous éclairer à travers votre mise en scène ?
Brecht ne mythifie pas plus le peuple que Don Juan. C'est une chose centrale pour moi : il n'est pas dogmatique. Là où l'on pourrait s'attendre à quelque acte militant, Brecht regarde les "victimes" avec lucidité. Car celles-ci participent également à la tromperie. De même, Brecht ne voit pas en Don Juan un héros de la liberté, un athéiste progressiste en lutte contre la superstition. De manière plus profonde et plus sage, il voit un homme qui piétine les obligations morales des autres hommes.
Verbatim
Valérie Alane, interprète de Dona Elvira et Mathurine
"Comme la plupart de mes partenaires de jeu, j'interprète plusieurs rôles dans ce spectacle. Celui de Dona Elvira, qui a été enlevée du couvent par Don Juan, épousée puis abandonnée quelques jours plus tard ; celui de Mathurine, une fille de pêcheur à qui Don Juan propose le mariage en même temps qu'à son amie Charlotte. Toutes ces jeunes femmes se laissent berner sans être tout à fait dupes. Elles acceptent le jeu de Don Juan et finissent par rire de sa goujaterie. Brecht déconstruit le mythe du héros romantique. Il en fait une sorte de clown mû par la soif de possession et de pouvoir. La mise en scène de Jean-Michel Vier met l'accent sur cette dimension burlesque. Car ici, l'histoire est vue à travers les yeux de pêcheurs, des gens du peuple qui jubilent, s'amusent, s'indignent en direct autour de la piste sur laquelle se joue la pièce. Le plaisir du jeu dont sont investis ces 'pêcheurs acteurs' confère une dynamique très joyeuse à ce 'Don Juan.'"
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène le "Don Juan" de Bertolt Brecht plutôt que celui de Molière ?
Brecht traite la figure de Don Juan comme un homme du XXe siècle, il en regarde la modernité, sans perdre de vue la pièce de Molière. Dans la dernière phase de son œuvre, Brecht entretient un rapport à la fois libre et respectueux avec le répertoire. Ainsi, il ne regarde pas la pièce de Molière comme un texte sacré. La façon intelligente et vive dont il se l'est appropriée m'a totalement convaincu.
Quelles sont les principales différences de point de vue entre ces deux pièces ?
Brecht ne tombe pas dans une fascination aveugle pour la figure du conquérant. Il porte un regard satirique sur Don Juan, en éclaire le caractère comique tout en soulignant sa brutalité, voire sa trivialité. Au-delà même de ce personnage, il peint l'histoire d'une collectivité.
Quels aspects particuliers de la pièce de Bertolt Brecht souhaitez-vous éclairer à travers votre mise en scène ?
Brecht ne mythifie pas plus le peuple que Don Juan. C'est une chose centrale pour moi : il n'est pas dogmatique. Là où l'on pourrait s'attendre à quelque acte militant, Brecht regarde les "victimes" avec lucidité. Car celles-ci participent également à la tromperie. De même, Brecht ne voit pas en Don Juan un héros de la liberté, un athéiste progressiste en lutte contre la superstition. De manière plus profonde et plus sage, il voit un homme qui piétine les obligations morales des autres hommes.
Verbatim
Valérie Alane, interprète de Dona Elvira et Mathurine
"Comme la plupart de mes partenaires de jeu, j'interprète plusieurs rôles dans ce spectacle. Celui de Dona Elvira, qui a été enlevée du couvent par Don Juan, épousée puis abandonnée quelques jours plus tard ; celui de Mathurine, une fille de pêcheur à qui Don Juan propose le mariage en même temps qu'à son amie Charlotte. Toutes ces jeunes femmes se laissent berner sans être tout à fait dupes. Elles acceptent le jeu de Don Juan et finissent par rire de sa goujaterie. Brecht déconstruit le mythe du héros romantique. Il en fait une sorte de clown mû par la soif de possession et de pouvoir. La mise en scène de Jean-Michel Vier met l'accent sur cette dimension burlesque. Car ici, l'histoire est vue à travers les yeux de pêcheurs, des gens du peuple qui jubilent, s'amusent, s'indignent en direct autour de la piste sur laquelle se joue la pièce. Le plaisir du jeu dont sont investis ces 'pêcheurs acteurs' confère une dynamique très joyeuse à ce 'Don Juan.'"
Paru le 09/03/2011
(1 notes) THÉÂTRE DE L'ŒUVRE Du mardi 25 janvier au dimanche 13 mars 2011
COMÉDIE. Un type moderne de mâle conquérant, c'est la vision de Brecht dans son adaptation. Il revient à une version comique de Don Juan, lui enlève son aura romantique, son prestige de rebelle métaphysique. En mettant l'accent sur les rapports de pouvoir et de possession, Brecht nous rappelle que ce mythe...
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