Interview par Jeanne Hoffstetter
Maxime d’Aboville
au théâtre de L’Épée de Bois et au Déjazet
Il quitte le théâtre de Poche et les acclamations venues saluer "Je ne suis pas Michel Bouquet", pour rejoindre "Huis-clos" de Jean-Paul Sartre, dans le rôle de Garcin.
La pièce : Garcin, Estelle et Inès sont réunis dans un salon Second Empire sans miroir ni fenêtre. Ils ne se connaissent pas, n'ont apparemment rien de commun, si ce n'est qu'ils sont en enfer... Partant de ce postulat, l'auteur met en avant notre dépendance au jugement d'autrui qui dicte fatalement nos comportements.
Après avoir été assez peu joué, "Huis-clos" connait sur nos scènes un regain d'intérêt...
On a peut-être tardivement pris conscience de ce qu'elle est. Sartre avait une image d'intellectuel un peu dogmatique qui a sûrement été un frein. Aujourd'hui, on voit "Huis-clos" avec un regard neuf. C'est une pièce de situation, très moderne en ce sens qu'elle traite de rapports humains plus que d'échange d'idées, avec un côté beaucoup plus charnel et physique que l'on pourrait l'imaginer.
Trois personnages sont enfermés dans un salon Second Empire, donc dépendants du regard de l'autre et fatalement soumis à son jugement. Un lieu, un chiffre, qui n'ont rien d'anodin : L'enfer selon Sartre, qui pensait par ailleurs avoir écrit une pièce comique.
Ce qui est génial, c'est que Sartre imagine l'enfer sans bourreau ni tortures physiques, et que 3, c'est en effet un chiffre infernal. Ils sont morts et pourtant ce sont des êtres de chair qui se touchent, s'attirent, se repoussent, comme nous le faisons, nous vivants. Chacun est en permanence confronté au regard de l'autre, d'autant qu'il ne fait jamais noir et qu'ils ne peuvent dormir, alors que le sommeil est le seul moment où l'on peut s'échapper du monde. Une pièce comique je ne sais pas, mais il me semble qu'il a repris, pour les détourner, les ressorts du théâtre de boulevard et je sais que Jean-Louis Benoit, dans sa mise en scène tient beaucoup à mettre en valeur l'humour de la pièce. Le salon Second Empire est un clin d'œil à la bourgeoisie de l'époque.
La pièce est intéressante à plus d'un titre qu'il ne nous appartient pas de développer. Mais elle a été écrite en 1943, année au cours de laquelle l'auteur se lie d'amitié avec Camus, avant qu'ils ne se brouillent. Il pensait que l'auteur de "L'Étranger" monterait sa pièce et y jouerait le rôle de Garcin... Un personnage ambigu et peu sympathique au fond.
Je crois qu'il est intéressant d'avoir en tête que Sartre a pensé à Camus en écrivant ce rôle. Garcin et Camus, tous deux journalistes attachés à des idées généreuses. Mais selon Sartre, Camus n'était-il pas, comme Garcin, surtout attaché à l'image qu'il donnait de lui-même ? En lisant sa correspondance avec Maria Casarès, on sent que l'individu Camus est moins reluisant que son personnage public, légèrement pleutre et égocentrique, comme Garcin justement... Cela n'a pas d'importance au fond, car l'œuvre doit toujours être distinguée de l'individu. Pour en revenir à "Huis-clos", comme disait Céline, et c'est là où je commence à aimer Sartre : "C'est pas les idées des hommes qui m'intéressent, c'est leur trogne, c'est ce qu'ils ont à l'intérieur." Je pense que Sartre s'amuse aussi dans "Huis-clos" à aller chercher la trogne des individus !
Après avoir été assez peu joué, "Huis-clos" connait sur nos scènes un regain d'intérêt...
On a peut-être tardivement pris conscience de ce qu'elle est. Sartre avait une image d'intellectuel un peu dogmatique qui a sûrement été un frein. Aujourd'hui, on voit "Huis-clos" avec un regard neuf. C'est une pièce de situation, très moderne en ce sens qu'elle traite de rapports humains plus que d'échange d'idées, avec un côté beaucoup plus charnel et physique que l'on pourrait l'imaginer.
Trois personnages sont enfermés dans un salon Second Empire, donc dépendants du regard de l'autre et fatalement soumis à son jugement. Un lieu, un chiffre, qui n'ont rien d'anodin : L'enfer selon Sartre, qui pensait par ailleurs avoir écrit une pièce comique.
Ce qui est génial, c'est que Sartre imagine l'enfer sans bourreau ni tortures physiques, et que 3, c'est en effet un chiffre infernal. Ils sont morts et pourtant ce sont des êtres de chair qui se touchent, s'attirent, se repoussent, comme nous le faisons, nous vivants. Chacun est en permanence confronté au regard de l'autre, d'autant qu'il ne fait jamais noir et qu'ils ne peuvent dormir, alors que le sommeil est le seul moment où l'on peut s'échapper du monde. Une pièce comique je ne sais pas, mais il me semble qu'il a repris, pour les détourner, les ressorts du théâtre de boulevard et je sais que Jean-Louis Benoit, dans sa mise en scène tient beaucoup à mettre en valeur l'humour de la pièce. Le salon Second Empire est un clin d'œil à la bourgeoisie de l'époque.
La pièce est intéressante à plus d'un titre qu'il ne nous appartient pas de développer. Mais elle a été écrite en 1943, année au cours de laquelle l'auteur se lie d'amitié avec Camus, avant qu'ils ne se brouillent. Il pensait que l'auteur de "L'Étranger" monterait sa pièce et y jouerait le rôle de Garcin... Un personnage ambigu et peu sympathique au fond.
Je crois qu'il est intéressant d'avoir en tête que Sartre a pensé à Camus en écrivant ce rôle. Garcin et Camus, tous deux journalistes attachés à des idées généreuses. Mais selon Sartre, Camus n'était-il pas, comme Garcin, surtout attaché à l'image qu'il donnait de lui-même ? En lisant sa correspondance avec Maria Casarès, on sent que l'individu Camus est moins reluisant que son personnage public, légèrement pleutre et égocentrique, comme Garcin justement... Cela n'a pas d'importance au fond, car l'œuvre doit toujours être distinguée de l'individu. Pour en revenir à "Huis-clos", comme disait Céline, et c'est là où je commence à aimer Sartre : "C'est pas les idées des hommes qui m'intéressent, c'est leur trogne, c'est ce qu'ils ont à l'intérieur." Je pense que Sartre s'amuse aussi dans "Huis-clos" à aller chercher la trogne des individus !
Paru le 29/01/2020
HUIS CLOS - Déjazet THÉÂTRE DÉJAZET
COMÉDIE DRAMATIQUE.
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