La pièce, comme un miroir tendu
Nul n'imagine, lorsque le rideau s'ouvre sur l'air de chien battu d'Alex, tenant en ses mains une laisse rouge désertée par son grand chien gris-miel, nul n'imagine le cataclysme que l'incompréhensible disparition de Toutou va déclencher. Rien ici n'est laissé au hasard, des relations conjugales, de l'amitié, des petites entorses, de la jalousie, de l'ambition et de la société dans laquelle nous vivons. Josiane Stoleru, Patrick Chesnais et Sam Karmann, mis en scène par Anne Bourgeois, font pétiller le texte de Daniel et Agnès Besse. Bienvenue dans la ronde ! Bienvenue, c'est une comédie et l'on s'amuse !

Sam Karmann, Pavel, l'ami arrivé
par hasard, met involontairement
le feu aux poudres
"Architecte, de retour d'un chantier en Italie, ayant (soi-disant) perdu les clefs de chez moi, je débarque à 11 heures du soir chez mes amis et les découvre en plein drame. L'état de crise est tel autour de la perte de leur chien que le rideau des convenances tombe et qu'on en arrive à un règlement de comptes total ! Le couple, l'amitié, tout y passe."
Peut-on dire qu'il s'agit d'une véritable remise en perspective de nos valeurs ? "Oui, et c'est ce qui est intéressant. Lorsque je m'aperçois qu'ils placent l'amour pour ce chien au-delà de leur amitié pour moi, ça va trop loin, et je commence dans un premier temps par leur dire violemment ce que je pense de l'aliénation à leur Toutou... Puis je réfléchis et fais amende honorable. Car je préfère garder mes amis quitte à renier mes convictions."
Un rôle attachant qui permet en outre de jouer sur la gamme de sentiments contradictoires. "L'évolution de ce personnage est intéressante, oui. Il va se montrer tour à tour procureur et défenseur de la gent canine." Le rôle de l'animal peut donc se révéler essentiel pour le couple qui en possède un !
"L'animal a souvent cette capacité à fédérer ou disloquer la relation d'un couple lorsque, au fil des années, la parole circule moins. Le chien devient le point de convergence des silences, des non-dits, des frustrations. À la fois ciment du couple quand il est présent, il peut le déstabiliser quand il disparaît." Fasciné par la caméra, passionné par l'image dont il a "appris la grammaire" en observant les metteurs en scène, il se lance à son tour dans la réalisation, découvrant qu'il avait lui aussi son point de vue, son mot à dire dans ce domaine. L'image l'accapare et le détourne du théâtre de ses débuts, qu'il ne visite plus qu'en pointillés. Mais à la veille de la première représentation de Toutou, il l'affirme : "J'ai tellement de plaisir à réaliser un film, et tellement de plaisir à jouer au théâtre ! Mais ce sont des plaisirs différents. J'adore être sur scène, c'est un espace de liberté pour l'acteur." Et puis, ajoute-t-il en riant :"C'est là que l'ego trouve son compte !"