Dossier par Jeanne Hoffstetter
René l’énervé
Jean-Michel Ribes dirige depuis dix ans le théâtre du Rond-Point. Un anniversaire qu'il convient de fêter joyeusement en compagnie d'un certain René l'énervé, opéra bouffe mis en musique par Reinhardt Wagner.
Jean-Michel Ribes
auteur et metteur en scène
Connaissant l'artiste, son humour et son sens de la provocation, le spectacle promet ! De sa plume caustique et joyeuse, il habille notre président, devenu pour l'occasion René l'énervé. Mais Jean-Michel Ribes sachant prendre de la hauteur ne signe pas là un spectacle à charge contre un homme, il nous entraîne dans une véritable épopée visant la comédie du pouvoir autant que celle du contre-pouvoir. Voyons plutôt...
Son point de vue sur le rôle de l'artiste dans la société
"Il n'y a pas d'art sans subversion. Un artiste doit faire bouger les lignes, ouvrir des espaces, des perspectives vers des utopies et, comme disait Aragon : il creuse des galeries vers le ciel. J'ai fait ça toute ma vie à travers l'absurde, sans me sentir obligé de donner une réponse exacte à l'actualité. Aujourd'hui c'est différent, car ni la gouvernance ni les réponses qu'elle nous donne ne me semblent satisfaisantes. Je me suis senti si mal à l'aise avec ce côté girouette du discours politique, que j'ai éprouvé le besoin de réagir à ma manière, sans amertume, j'ai voulu dire NON en riant."
De la réalité à la fiction : naissance de "René l'énervé"
"Mon métier étant d'écrire et de faire des spectacles, j'ai longuement réfléchi à la manière d'exprimer ce sentiment que j'éprouvais déjà, avant 2007... J'ai commencé à prendre des notes et à écrire en 2006. Le problème pour moi était de trouver la forme à travers laquelle j'allais pouvoir m'exprimer. Ça m'a demandé beaucoup de temps car je ne voulais pas tomber dans la polémique, dans le côté spectacle de chansonniers... Il faut aussi préciser que si aujourd'hui tout a tendance à être noir ou blanc, il n'y a pas de manichéisme dans ce spectacle. Pour preuve, le personnage de René a un double qui lutte constamment contre lui, contre ce qu'il fait, qui lui pose des questions. Ça n'est pas une attaque à l'homme, c'est un regard sur la dérive à laquelle on assiste et qui conduit finalement à l'immobilité, à partir du moment où une agitation extrême se met à gouverner. Voilà. Je voulais m'engager et raconter ça de manière bouffonne sans recréer des sosies. J'ai changé les noms, réinventé des choses et traité ça je l'espère avec esprit et drôlerie. C'est une fiction satirique reflétant ce que l'on vit car je pense depuis longtemps que la fiction est la réalité du monde. Gargantua et Grandgousier en disent plus sur le XVIe siècle que les chroniques des tribunaux. Et pour savoir ce qu'était le XIXe siècle, il vaut mieux lire Victor Hugo que les journaux de l'époque. Pour en revenir à la forme, étant un fanatique d'opéra bouffe et d'Offenbach, il m'est apparu tout à coup que c'était ça la solution qui allait me permettre de dire les choses avec légèreté sans qu'elles perdent de leur profondeur. J'ai soumis mon idée à Reinhardt Wagner avec lequel je travaille depuis longtemps, ça l'a beaucoup amusé, il a accepté d'en écrire la musique et nous avons monté une production à laquelle se sont joints l'Opéra de Nancy, le théâtre du Châtelet et le Théâtre musical de Paris."
Pour constituer l'équipe
"J'ai auditionné 280 personnes et j'en ai sélectionné 21. Il était impératif que ces chanteurs soient également capables de jouer la comédie aussi bien dans les parties théâtrales que chantées, car il est essentiel que le public comprenne le texte, suive l'histoire. Si ce n'était que lyrique ce pourrait être ennuyeux. Parallèlement, Reinhardt dirigera un orchestre de 7 musiciens et le vidéaste international Pierrick Sorin, qui fait à la fois partie de l'art contemporain et du spectacle vivant, apporte des images, Patrick Dutertre travaille la scénographie, Juliette Chanot les costumes et Lionel Hoche m'accompagne pour faire un peu de chorégraphie. L'équipe est très enthousiaste, et s'il fallait lui donner un sous-titre je dirais : 'De l'audace joyeuse.'
Dix années de direction en quelques lignes
Mon projet semblait fou : ne présenter que des pièces d'auteurs vivants qui n'avaient pas encore eu droit à des scènes de cette dimension. J'ai voulu faire de ce théâtre moribond, un lieu de vie, j'ai ajouté une salle, refait le restaurant et ouvert une librairie. J'ai aussi amené quelques mauvaises herbes de la culture qui à mon avis avaient plus de talent et de parfum que certains glaïeuls de l'institution. J'ai équilibré tout ça en demandant à mes amis, des acteurs connus, de soutenir des auteurs qui ne l'étaient pas, et ça c'est formidable ! Le public est beaucoup plus curieux qu'on ne le croit, il a suivi et il est fidèle. Tout ça est le résultat du travail constant de l'équipe formidable qui m'entoure. On me donnait six mois pour tenir et vous voyez, ça fait dix ans !"
Rachel Pignot
endosse plusieurs petits rôles
D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'avait qu'une envie : chanter. Mais elle aimait aussi raconter des histoires. Le théâtre ? L'idée de ne pas arriver à la cheville de ses parents, tous deux dans le milieu, la paralysait, mais elle a pris son courage à deux mains et suivi en parallèle les deux formations. Qu'est-ce qui l'excite dans ce projet peu conventionnel ? "Des tas de choses ! Je le vois comme une fable moderne, une façon originale et habile de traiter la politique, dont j'aime par ailleurs entendre parler lorsque c'est fait intelligemment. La pièce m'a d'ailleurs éclairée sur beaucoup de choses. Ensuite, c'est de travailler avec Jean-Michel Ribes dont j'aime l'univers, la folie douce, et puis Reinhardt Wagner ce très grand musicien. Ce sont des gens très rigoureux tous les deux mais très ouverts et respectueux. C'est très rassurant pour moi qui dois jouer de multiples personnages ce qui suppose des changements rapides de costume, d'interprétation que ce soit dans le physique, le jeu ou dans la voix. C'est difficile, ça m'oblige à chercher, à trouver des choses, mais j'adore ce côté ludique des choses bien que ça demande beaucoup de travail. De toute façon, je n'aime pas beaucoup les vacances alors je brûle d'impatience de commencer les répétitions !"
Sinan Bertrand
interprète également plusieurs rôles
Il déteste l'expression "enfant de la balle" trop galvaudée, mais il a passé son enfance dans les coulisses du Théâtre national d'Ankara où sa mère était comédienne. Lorsqu'il fallait une voix d'enfant dans les studios de synchronisation, il prêtait sa voix, bref ce séduisant jeune connaît déjà la musique lorsqu'il rejoint Paris avec l'idée ferme de faire du théâtre ! En 1998, il signe son premier gros contrat pour Hair sur la scène de Mogador, joue aussi dans des spectacles comme Le Cabaret des hommes perdus, Eliott Fall... "J'ai pratiqué l'opérette, mais jamais l'opéra bouffe. Ce qui me plaît là, c'est l'écriture de Jean-Michel, sa personne, mais aussi son idée de bâtir un opéra bouffe sur un sujet actuel en créant des personnages fictifs très inspirés de la réalité. Nous allons tous être amenés à créer, à mettre en valeur l'humour qu'il y a dans cette histoire. Quant à la musique de Reinhardt Wagner elle colle particulièrement bien à la prosodie, c'est indispensable afin que chaque parole chantée soit comprise. C'est une fresque extrêmement savoureuse irrévérencieuse mais jamais irrespectueuse qui nous conte plusieurs années de politique française mais parvient à universaliser le propos en prenant du recul. C'est ça la force d'un plateau de théâtre. Comme Rachel je vais jouer une flopée de petits personnages, et comme toute l'équipe je suis ravi et j'ai hâte de commencer !" n
auteur et metteur en scène
Connaissant l'artiste, son humour et son sens de la provocation, le spectacle promet ! De sa plume caustique et joyeuse, il habille notre président, devenu pour l'occasion René l'énervé. Mais Jean-Michel Ribes sachant prendre de la hauteur ne signe pas là un spectacle à charge contre un homme, il nous entraîne dans une véritable épopée visant la comédie du pouvoir autant que celle du contre-pouvoir. Voyons plutôt...
Son point de vue sur le rôle de l'artiste dans la société
"Il n'y a pas d'art sans subversion. Un artiste doit faire bouger les lignes, ouvrir des espaces, des perspectives vers des utopies et, comme disait Aragon : il creuse des galeries vers le ciel. J'ai fait ça toute ma vie à travers l'absurde, sans me sentir obligé de donner une réponse exacte à l'actualité. Aujourd'hui c'est différent, car ni la gouvernance ni les réponses qu'elle nous donne ne me semblent satisfaisantes. Je me suis senti si mal à l'aise avec ce côté girouette du discours politique, que j'ai éprouvé le besoin de réagir à ma manière, sans amertume, j'ai voulu dire NON en riant."
De la réalité à la fiction : naissance de "René l'énervé"
"Mon métier étant d'écrire et de faire des spectacles, j'ai longuement réfléchi à la manière d'exprimer ce sentiment que j'éprouvais déjà, avant 2007... J'ai commencé à prendre des notes et à écrire en 2006. Le problème pour moi était de trouver la forme à travers laquelle j'allais pouvoir m'exprimer. Ça m'a demandé beaucoup de temps car je ne voulais pas tomber dans la polémique, dans le côté spectacle de chansonniers... Il faut aussi préciser que si aujourd'hui tout a tendance à être noir ou blanc, il n'y a pas de manichéisme dans ce spectacle. Pour preuve, le personnage de René a un double qui lutte constamment contre lui, contre ce qu'il fait, qui lui pose des questions. Ça n'est pas une attaque à l'homme, c'est un regard sur la dérive à laquelle on assiste et qui conduit finalement à l'immobilité, à partir du moment où une agitation extrême se met à gouverner. Voilà. Je voulais m'engager et raconter ça de manière bouffonne sans recréer des sosies. J'ai changé les noms, réinventé des choses et traité ça je l'espère avec esprit et drôlerie. C'est une fiction satirique reflétant ce que l'on vit car je pense depuis longtemps que la fiction est la réalité du monde. Gargantua et Grandgousier en disent plus sur le XVIe siècle que les chroniques des tribunaux. Et pour savoir ce qu'était le XIXe siècle, il vaut mieux lire Victor Hugo que les journaux de l'époque. Pour en revenir à la forme, étant un fanatique d'opéra bouffe et d'Offenbach, il m'est apparu tout à coup que c'était ça la solution qui allait me permettre de dire les choses avec légèreté sans qu'elles perdent de leur profondeur. J'ai soumis mon idée à Reinhardt Wagner avec lequel je travaille depuis longtemps, ça l'a beaucoup amusé, il a accepté d'en écrire la musique et nous avons monté une production à laquelle se sont joints l'Opéra de Nancy, le théâtre du Châtelet et le Théâtre musical de Paris."
Pour constituer l'équipe
"J'ai auditionné 280 personnes et j'en ai sélectionné 21. Il était impératif que ces chanteurs soient également capables de jouer la comédie aussi bien dans les parties théâtrales que chantées, car il est essentiel que le public comprenne le texte, suive l'histoire. Si ce n'était que lyrique ce pourrait être ennuyeux. Parallèlement, Reinhardt dirigera un orchestre de 7 musiciens et le vidéaste international Pierrick Sorin, qui fait à la fois partie de l'art contemporain et du spectacle vivant, apporte des images, Patrick Dutertre travaille la scénographie, Juliette Chanot les costumes et Lionel Hoche m'accompagne pour faire un peu de chorégraphie. L'équipe est très enthousiaste, et s'il fallait lui donner un sous-titre je dirais : 'De l'audace joyeuse.'
Dix années de direction en quelques lignes
Mon projet semblait fou : ne présenter que des pièces d'auteurs vivants qui n'avaient pas encore eu droit à des scènes de cette dimension. J'ai voulu faire de ce théâtre moribond, un lieu de vie, j'ai ajouté une salle, refait le restaurant et ouvert une librairie. J'ai aussi amené quelques mauvaises herbes de la culture qui à mon avis avaient plus de talent et de parfum que certains glaïeuls de l'institution. J'ai équilibré tout ça en demandant à mes amis, des acteurs connus, de soutenir des auteurs qui ne l'étaient pas, et ça c'est formidable ! Le public est beaucoup plus curieux qu'on ne le croit, il a suivi et il est fidèle. Tout ça est le résultat du travail constant de l'équipe formidable qui m'entoure. On me donnait six mois pour tenir et vous voyez, ça fait dix ans !"
Rachel Pignot
endosse plusieurs petits rôles
D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'avait qu'une envie : chanter. Mais elle aimait aussi raconter des histoires. Le théâtre ? L'idée de ne pas arriver à la cheville de ses parents, tous deux dans le milieu, la paralysait, mais elle a pris son courage à deux mains et suivi en parallèle les deux formations. Qu'est-ce qui l'excite dans ce projet peu conventionnel ? "Des tas de choses ! Je le vois comme une fable moderne, une façon originale et habile de traiter la politique, dont j'aime par ailleurs entendre parler lorsque c'est fait intelligemment. La pièce m'a d'ailleurs éclairée sur beaucoup de choses. Ensuite, c'est de travailler avec Jean-Michel Ribes dont j'aime l'univers, la folie douce, et puis Reinhardt Wagner ce très grand musicien. Ce sont des gens très rigoureux tous les deux mais très ouverts et respectueux. C'est très rassurant pour moi qui dois jouer de multiples personnages ce qui suppose des changements rapides de costume, d'interprétation que ce soit dans le physique, le jeu ou dans la voix. C'est difficile, ça m'oblige à chercher, à trouver des choses, mais j'adore ce côté ludique des choses bien que ça demande beaucoup de travail. De toute façon, je n'aime pas beaucoup les vacances alors je brûle d'impatience de commencer les répétitions !"
Sinan Bertrand
interprète également plusieurs rôles
Il déteste l'expression "enfant de la balle" trop galvaudée, mais il a passé son enfance dans les coulisses du Théâtre national d'Ankara où sa mère était comédienne. Lorsqu'il fallait une voix d'enfant dans les studios de synchronisation, il prêtait sa voix, bref ce séduisant jeune connaît déjà la musique lorsqu'il rejoint Paris avec l'idée ferme de faire du théâtre ! En 1998, il signe son premier gros contrat pour Hair sur la scène de Mogador, joue aussi dans des spectacles comme Le Cabaret des hommes perdus, Eliott Fall... "J'ai pratiqué l'opérette, mais jamais l'opéra bouffe. Ce qui me plaît là, c'est l'écriture de Jean-Michel, sa personne, mais aussi son idée de bâtir un opéra bouffe sur un sujet actuel en créant des personnages fictifs très inspirés de la réalité. Nous allons tous être amenés à créer, à mettre en valeur l'humour qu'il y a dans cette histoire. Quant à la musique de Reinhardt Wagner elle colle particulièrement bien à la prosodie, c'est indispensable afin que chaque parole chantée soit comprise. C'est une fresque extrêmement savoureuse irrévérencieuse mais jamais irrespectueuse qui nous conte plusieurs années de politique française mais parvient à universaliser le propos en prenant du recul. C'est ça la force d'un plateau de théâtre. Comme Rachel je vais jouer une flopée de petits personnages, et comme toute l'équipe je suis ravi et j'ai hâte de commencer !" n
Paru le 09/09/2011
(71 notes) THÉÂTRE DU ROND-POINT Du mercredi 7 septembre au samedi 29 octobre 2011
MUSIQUE. Les citoyens d’un pays imaginaire cherchent un nouveau leader, leur vieux président malade s’en allant. Soudain, ils aperçoivent un petit homme agité courant matin et soir. Il se nomme René. Énergique et courant droit, n’appréciant que le bon sens. René est repéré par le parti majoritaire. L’heure...
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