Dossier par Jeanne Hoffstetter
Le Horla
à La Folie théâtre
La Nouvelle de Maupassant, écrite sous forme de journal intime, raconte le calvaire d'un homme qui tente d'analyser les phénomènes étranges de plus en plus prégnants dont il est victime. Frédéric Gray adapte et met en scène, assisté par Olivier Troyon, ce récit qu'ils jouent en alternance. Guillaume Blanchard en est le narrateur.
Guillaume Blanchard, le narrateur
Il explique avec enthousiasme ce en quoi « Le Horla » l'inspire, et la manière dont il va littéralement se fondre dans ce personnage qui oscille sans arrêt entre le rationnel et l'irrationnel. « Ce que j'apprécie dans ce texte, c'est qu'au départ, le narrateur est raisonné, très intéressé par ce qui l'entoure, aux détails de la nature qu'il essaie de comprendre. Il est capable d'imaginer la vie possible dans une goutte d'eau ou dans les étoiles. Mais un jour, arrivent des événements qui le touchent personnellement et qu'il ne parvient pas, malgré ses efforts, à comprendre. Alors, jusqu'au bout, il s'interrogera : devient-il fou ou non ? Il est constamment sur le fil et bascule sans arrêt d'un état à l'autre. Tout l'intérêt de ce texte, c'est qu'on ne parvient pas à savoir si les événements qu'il subit sont réels ou s'ils sont le fruit de son imagination. J'espère que les spectateurs se poseront également cette question et si la moitié d'entre eux y voit la folie, l'autre le fantastique, alors nous aurons tout gagné ! » Reste à se glisser au cœur de ce journal intime, de cette analyse froide, presque scientifique que fait l'auteur de ses symptômes. « C'est justement tout l'intérêt et le plaisir d'incarner ce personnage que de se plonger complètement dedans. Plus je plongerai dans son univers et plus il se passera de choses autant pour moi que pour les spectateurs. Et je rajouterai que cette écriture a un côté complètement cinématographique dans cette façon de passer d'un jour à l'autre, d'une émotion à l'autre, d'un univers à l'autre, comme on passe d'un plan à l'autre. Pour moi qui ai une formation plutôt cinématographique, ce journal intime évoque beaucoup le cinéma. C'est une façon très moderne et dynamique qu'a Maupassant d'aborder ce sujet fascinant, surtout pour l'époque. C'est vraiment un rôle en or que je me sens très privilégié de pouvoir interpréter ! »
Frédéric Gray, également directeur de La Folie Théâtre
Une autre nouvelle de Maupassant, « Madame Hermet », commence par Les fous m'attirent », est-ce votre cas ?
Absolument. C'est bien pour ça que je dirige un théâtre qui s'appelle « À la folie théâtre. » La folie peut faire peur et ce qui fait peur peut être attractif. Et dans le domaine du théâtre c'est un thème qui ouvre des perspectives sur d'autres contrées.
Concernant «Le Horla» vous dites que ce texte vous poursuit depuis des années, quelles en sont les raisons ?
Parce qu'il se situe aux frontières du fantastique. J'avais déjà monté « Le Portrait de Dorian Gray », et « Mademoiselle Frankestein ». C'est un univers qui me parle énormément mais que les gens connaissent surtout à travers le cinéma, sans forcément savoir qu'au départ ce sont des livres, des histoires. Comme un enfant peut être attiré par les fées, les châteaux, les histoires de fantômes, tout ça continue à me fasciner, on pourrait dire que c'est dans mes gènes depuis le début, quoi ! Au début Maupassant donnait des textes aux journaux, avec peut-être l'idée d'effrayer les bourgeois. Avec « Le Horla », il va plus loin. Au-delà de la folie dont il est question, il passe des messages et pose un regard cynique sur la société qui l'entoure.
Vous n'avez pas choisi la facilité en faisant intervenir physiquement tous les personnages et lieux inhérents à cette histoire, et de les jouer vous-même en alternance.
Je suis parti du principe suivant : Le Horla existe-t-il ou pas ? Le narrateur est-il fou, ou non ? Pour ça, il fallait sur scène donner cette sensation de présence, de quelque chose de dérangeant. D'où l'idée d'un deuxième comédien pour incarner tous les personnages aussi furtifs soient-ils. Je voulais théâtraliser le texte magnifique de Maupassant. On l'oublie, mais il y a des passages véritablement dialogués et je voulais aller jusqu'au bout. Le théâtre c'est aussi le dialogue et pour dialoguer il faut être deux.
Qu'aimeriez-vous que l'on vous dise après avoir vu ce spectacle ?
Le plus beau compliment serait : ça me donne envie de relire, ou de découvrir ce livre !
Le regard d'Olivier Troyon sur la Nouvelle, sur le spectacle.
Avec « Le Horla », écrit à une époque où l'hypnose rayonnait, Maupassant interpelle en allant plus loin encore dans l'analyse qu'il fait des symptômes du narrateur.
« Oui, c'était très avant-gardiste dans la manière de questionner nos limites à nous, humains. Outre l'hypnose à laquelle il fait référence, il se pose des questions sur ce qui l'entoure, sur l'univers, les étoiles, sur de possibles puissances qui nous dépassent, sur Dieu... On sent constamment le poids d'une menace que l'on ne peut identifier. C'était assez subversif pour l'époque. Est-on dans un conte fantastique, ou dans la tête d'un homme qui devient progressivement fou et passe sans arrêt du Je vais bien, au Je suis malade ? On ne le saura pas. Voit-il réellement le Horla ou non? Cette ambiguïté créé une ambiance un peu angoissante. Moi qui aime les romans fantastiques, les thrillers, les films d'horreur, j'éprouve en lisant «Le Horla» les mêmes sensations. C'est un livre d'horreur de l'époque !»
Être à la fois assistant à la mise en scène et interpréter en alternance avec le metteur en scène les huit rôles secondaires qui surgissent autour du narrateur, est une idée particulièrement intéressante. « On avait déjà travaillé ensemble, et dans le cas du Horla ce travail en commun nous permet d'alterner sur le deuxième rôle, chacun peut ainsi rentrer facilement dans les chaussons du personnage puisqu'on les a fabriqués ensemble. » Ces huit rôles dont certains sont muets, matérialisés sur scène, doivent en grande partie, en épousant les délires et les tourments du personnage principal, restituer l'étrangeté du récit. Un défi... « En effet, même s'ils sont très secondaires, ils doivent donner le sentiment d'une présence inquiétante jamais identifiée. Je trouve que ce travail que nous avons élaboré, reproduit particulièrement bien l'angoisse que Maupassant voulait communiquer à ses lecteurs et que nous voulons communiquer aux spectateurs ! »
Il explique avec enthousiasme ce en quoi « Le Horla » l'inspire, et la manière dont il va littéralement se fondre dans ce personnage qui oscille sans arrêt entre le rationnel et l'irrationnel. « Ce que j'apprécie dans ce texte, c'est qu'au départ, le narrateur est raisonné, très intéressé par ce qui l'entoure, aux détails de la nature qu'il essaie de comprendre. Il est capable d'imaginer la vie possible dans une goutte d'eau ou dans les étoiles. Mais un jour, arrivent des événements qui le touchent personnellement et qu'il ne parvient pas, malgré ses efforts, à comprendre. Alors, jusqu'au bout, il s'interrogera : devient-il fou ou non ? Il est constamment sur le fil et bascule sans arrêt d'un état à l'autre. Tout l'intérêt de ce texte, c'est qu'on ne parvient pas à savoir si les événements qu'il subit sont réels ou s'ils sont le fruit de son imagination. J'espère que les spectateurs se poseront également cette question et si la moitié d'entre eux y voit la folie, l'autre le fantastique, alors nous aurons tout gagné ! » Reste à se glisser au cœur de ce journal intime, de cette analyse froide, presque scientifique que fait l'auteur de ses symptômes. « C'est justement tout l'intérêt et le plaisir d'incarner ce personnage que de se plonger complètement dedans. Plus je plongerai dans son univers et plus il se passera de choses autant pour moi que pour les spectateurs. Et je rajouterai que cette écriture a un côté complètement cinématographique dans cette façon de passer d'un jour à l'autre, d'une émotion à l'autre, d'un univers à l'autre, comme on passe d'un plan à l'autre. Pour moi qui ai une formation plutôt cinématographique, ce journal intime évoque beaucoup le cinéma. C'est une façon très moderne et dynamique qu'a Maupassant d'aborder ce sujet fascinant, surtout pour l'époque. C'est vraiment un rôle en or que je me sens très privilégié de pouvoir interpréter ! »
Frédéric Gray, également directeur de La Folie Théâtre
Une autre nouvelle de Maupassant, « Madame Hermet », commence par Les fous m'attirent », est-ce votre cas ?
Absolument. C'est bien pour ça que je dirige un théâtre qui s'appelle « À la folie théâtre. » La folie peut faire peur et ce qui fait peur peut être attractif. Et dans le domaine du théâtre c'est un thème qui ouvre des perspectives sur d'autres contrées.
Concernant «Le Horla» vous dites que ce texte vous poursuit depuis des années, quelles en sont les raisons ?
Parce qu'il se situe aux frontières du fantastique. J'avais déjà monté « Le Portrait de Dorian Gray », et « Mademoiselle Frankestein ». C'est un univers qui me parle énormément mais que les gens connaissent surtout à travers le cinéma, sans forcément savoir qu'au départ ce sont des livres, des histoires. Comme un enfant peut être attiré par les fées, les châteaux, les histoires de fantômes, tout ça continue à me fasciner, on pourrait dire que c'est dans mes gènes depuis le début, quoi ! Au début Maupassant donnait des textes aux journaux, avec peut-être l'idée d'effrayer les bourgeois. Avec « Le Horla », il va plus loin. Au-delà de la folie dont il est question, il passe des messages et pose un regard cynique sur la société qui l'entoure.
Vous n'avez pas choisi la facilité en faisant intervenir physiquement tous les personnages et lieux inhérents à cette histoire, et de les jouer vous-même en alternance.
Je suis parti du principe suivant : Le Horla existe-t-il ou pas ? Le narrateur est-il fou, ou non ? Pour ça, il fallait sur scène donner cette sensation de présence, de quelque chose de dérangeant. D'où l'idée d'un deuxième comédien pour incarner tous les personnages aussi furtifs soient-ils. Je voulais théâtraliser le texte magnifique de Maupassant. On l'oublie, mais il y a des passages véritablement dialogués et je voulais aller jusqu'au bout. Le théâtre c'est aussi le dialogue et pour dialoguer il faut être deux.
Qu'aimeriez-vous que l'on vous dise après avoir vu ce spectacle ?
Le plus beau compliment serait : ça me donne envie de relire, ou de découvrir ce livre !
Le regard d'Olivier Troyon sur la Nouvelle, sur le spectacle.
Avec « Le Horla », écrit à une époque où l'hypnose rayonnait, Maupassant interpelle en allant plus loin encore dans l'analyse qu'il fait des symptômes du narrateur.
« Oui, c'était très avant-gardiste dans la manière de questionner nos limites à nous, humains. Outre l'hypnose à laquelle il fait référence, il se pose des questions sur ce qui l'entoure, sur l'univers, les étoiles, sur de possibles puissances qui nous dépassent, sur Dieu... On sent constamment le poids d'une menace que l'on ne peut identifier. C'était assez subversif pour l'époque. Est-on dans un conte fantastique, ou dans la tête d'un homme qui devient progressivement fou et passe sans arrêt du Je vais bien, au Je suis malade ? On ne le saura pas. Voit-il réellement le Horla ou non? Cette ambiguïté créé une ambiance un peu angoissante. Moi qui aime les romans fantastiques, les thrillers, les films d'horreur, j'éprouve en lisant «Le Horla» les mêmes sensations. C'est un livre d'horreur de l'époque !»
Être à la fois assistant à la mise en scène et interpréter en alternance avec le metteur en scène les huit rôles secondaires qui surgissent autour du narrateur, est une idée particulièrement intéressante. « On avait déjà travaillé ensemble, et dans le cas du Horla ce travail en commun nous permet d'alterner sur le deuxième rôle, chacun peut ainsi rentrer facilement dans les chaussons du personnage puisqu'on les a fabriqués ensemble. » Ces huit rôles dont certains sont muets, matérialisés sur scène, doivent en grande partie, en épousant les délires et les tourments du personnage principal, restituer l'étrangeté du récit. Un défi... « En effet, même s'ils sont très secondaires, ils doivent donner le sentiment d'une présence inquiétante jamais identifiée. Je trouve que ce travail que nous avons élaboré, reproduit particulièrement bien l'angoisse que Maupassant voulait communiquer à ses lecteurs et que nous voulons communiquer aux spectateurs ! »
Paru le 11/12/2021
(51 notes) À LA FOLIE THÉÂTRE Jusqu'au dimanche 26 janvier 2025
TEXTE(S) à partir de 12 ans. En proie à d’étranges phénomènes, un homme devient progressivement obsédé par une mystérieuse présence. Jusqu’où cela le mènera-t-il? Un chef-d’œuvre de Maupassant qui nous emporte dans les méandres de l’âme humaine. Hallucinations, hypnose, cauchemars… autant de passages obligés pour cet homme au...
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