Portrait par Jeanne Hoffstetter
Christophe Malavoy
reprend “La Légende du saint buveur” au théâtre du Lucernaire
Après avoir lu la nouvelle de Joseph Roth il décide immédiatement d'endosser les frusques, mais aussi les rêves, les cocasseries, les faiblesses et la dignité d'Andréas le Saint buveur sans abri, obsédé par le besoin de s'acquitter d'une étrange dette.
S'entretenir longuement avec Christophe Malavoy au sujet de cette reprise, c'est parler avec émotion d'Andréas, l'ombre de Joseph Roth à la fin de sa vie, alors que fuyant le nazisme il s'était réfugié à Paris pour y mourir dans le plus grand dénuement. C'est comprendre pourquoi cette nouvelle l'a touché au point qu'il décide de l'adapter, de produire et de mettre en scène le spectacle qu'il interprète seul en scène, sautant d'un personnage à l'autre. C'est aussi regarder en face le monde d'aujourd'hui. C'est parler de littérature, de Zweig, de Céline et des livres qu'il écrit lui aussi. C'est enfin l'envie d'esquisser ici le portrait d'un artiste précieux qu'il est bon d'aller voir et de lire. « J'ai créé ce spectacle à Avignon en 2019 et l'ai repris au Petit Montparnasse en 2020 mais son exploitation a été endommagée à cause de la pandémie. »
Ceux qui ont eu la chance de le voir ont découvert réunis sur scène tout ce qu'il sait faire, tout ce qu'il aime, le jeu, la musique, la poésie. Ils ont applaudi le comédien sensible, tendre et facétieux, le poète, le musicien amoureux de sa trompette, ils ont écouté le chanteur. Seul en scène, Christophe Malavoy va et nous entraîne au bout du rêve et de sa liberté. Le regard franc, éclairé de temps à autre d'un sourire comme pour chasser le pessimisme qui rôde, il vous écoute et de sa voix grave prend le temps de parler.
Je ne désire rien, je ne suis rien, je mets mon costume et je laisse les choses arriver
« La nouvelle de Joseph Roth m'a beaucoup touché par ce qu'elle apporte humainement, par le sens de l'honneur d'Andréas, malgré son manque de discernement qui le ramène toujours à ses faiblesses. Il fait des mauvais choix, mais il a quand même de la chance et il est drôle malgré lui. C'est un personnage à la Chaplin auquel on s'attache. C'est en lisant la nouvelle que brusquement dans ma tête j'ai entendu une sonorité. Je pensais à ce bugle qui était dans mon bureau, à la promesse que j'avais faite à Patrick Artero, le jazzman très connu qui me l'avait offert il y a longtemps, sachant que je jouais déjà du piano et du violoncelle. Cette promesse que je lui avais faite de le faire restaurer et de m'y mettre. J'ai pris des cours, c'était un peu périlleux au début puis je me suis passionné pour cet instrument et j'ai même composé un des morceaux dans le spectacle. »
On se surprend en lisant la nouvelle de Joseph Roth à vouloir aider coûte que coûte Andréas à atteindre son but, on râle quand il retombe dans ses travers, on espère quand il reprend son droit chemin, jusqu'à la fin on se demande si oui ou non il va y arriver. Sur scène : Suspens, magie, poésie et liberté... « Oui, j'ai intégré quelques poèmes d'Apollinaire et de Rutebeuf qui prolongent parfaitement l'atmosphère qui entoure le parcours de cet homme malmené par la vie. La liberté... Avant d'entrer en scène je me dis que je suis là, ni pour prouver quoi que ce soit, ni pour montrer que je suis un bon acteur. Je ne désire rien, je ne suis rien, je mets mon costume et je laisse les choses arriver. Si j'essaie de les commander je suis fichu, je suis à la quête du texte et je me prends les pieds dans le tapis. Moins on se montre et plus on est visible. Dans ma mise en scène beaucoup de choses sont simplement suggérées, il suffit d'un son en direct et je réveille la mémoire des gens. Pour ça, je suis aidé par une équipe formidable. Le théâtre c'est la magie, c'est l'imaginaire. Je pense que l'homme n'est pas fait pour la réalité. Il s'adapte, mais il est fait pour le rêve. C'est pour ça qu'on a tant besoin de théâtre, de danse, de musique, de littérature, de l'art en général. La force de ce récit c'est aussi qu'il nous montre la société dans laquelle nous vivons. La publicité nous créé des besoins, nous ne sommes plus des citoyens, mais des consommateurs. Le confinement nous a fait prendre conscience que l'on pouvait se passer de beaucoup de choses, et pourtant c'est reparti de plus belle ! »
Bien difficile de résumer une conversation passionnante, mais indispensable de terminer par l'écrivain Christophe Malavoy dont le treizième ouvrage sort en novembre. "Le Misanthrope de Meudon" est la suite de L-F. Céline "Les Années noires", toujours magnifiquement illustré par son camarade José Correa. Passionné par la complexité et les contradictions de Céline, il a tout lu, découvert des choses dont on parle peu, rencontré sa veuve à Meudon avant qu'elle ne décède. Entre un ouvrage audacieux dans lequel il feint d'interviewer Céline, et les deux derniers pour lesquels il se glisse carrément dans la peau de l'écrivain, on admire le travail et on ne choisit pas.
Ceux qui ont eu la chance de le voir ont découvert réunis sur scène tout ce qu'il sait faire, tout ce qu'il aime, le jeu, la musique, la poésie. Ils ont applaudi le comédien sensible, tendre et facétieux, le poète, le musicien amoureux de sa trompette, ils ont écouté le chanteur. Seul en scène, Christophe Malavoy va et nous entraîne au bout du rêve et de sa liberté. Le regard franc, éclairé de temps à autre d'un sourire comme pour chasser le pessimisme qui rôde, il vous écoute et de sa voix grave prend le temps de parler.
Je ne désire rien, je ne suis rien, je mets mon costume et je laisse les choses arriver
« La nouvelle de Joseph Roth m'a beaucoup touché par ce qu'elle apporte humainement, par le sens de l'honneur d'Andréas, malgré son manque de discernement qui le ramène toujours à ses faiblesses. Il fait des mauvais choix, mais il a quand même de la chance et il est drôle malgré lui. C'est un personnage à la Chaplin auquel on s'attache. C'est en lisant la nouvelle que brusquement dans ma tête j'ai entendu une sonorité. Je pensais à ce bugle qui était dans mon bureau, à la promesse que j'avais faite à Patrick Artero, le jazzman très connu qui me l'avait offert il y a longtemps, sachant que je jouais déjà du piano et du violoncelle. Cette promesse que je lui avais faite de le faire restaurer et de m'y mettre. J'ai pris des cours, c'était un peu périlleux au début puis je me suis passionné pour cet instrument et j'ai même composé un des morceaux dans le spectacle. »
On se surprend en lisant la nouvelle de Joseph Roth à vouloir aider coûte que coûte Andréas à atteindre son but, on râle quand il retombe dans ses travers, on espère quand il reprend son droit chemin, jusqu'à la fin on se demande si oui ou non il va y arriver. Sur scène : Suspens, magie, poésie et liberté... « Oui, j'ai intégré quelques poèmes d'Apollinaire et de Rutebeuf qui prolongent parfaitement l'atmosphère qui entoure le parcours de cet homme malmené par la vie. La liberté... Avant d'entrer en scène je me dis que je suis là, ni pour prouver quoi que ce soit, ni pour montrer que je suis un bon acteur. Je ne désire rien, je ne suis rien, je mets mon costume et je laisse les choses arriver. Si j'essaie de les commander je suis fichu, je suis à la quête du texte et je me prends les pieds dans le tapis. Moins on se montre et plus on est visible. Dans ma mise en scène beaucoup de choses sont simplement suggérées, il suffit d'un son en direct et je réveille la mémoire des gens. Pour ça, je suis aidé par une équipe formidable. Le théâtre c'est la magie, c'est l'imaginaire. Je pense que l'homme n'est pas fait pour la réalité. Il s'adapte, mais il est fait pour le rêve. C'est pour ça qu'on a tant besoin de théâtre, de danse, de musique, de littérature, de l'art en général. La force de ce récit c'est aussi qu'il nous montre la société dans laquelle nous vivons. La publicité nous créé des besoins, nous ne sommes plus des citoyens, mais des consommateurs. Le confinement nous a fait prendre conscience que l'on pouvait se passer de beaucoup de choses, et pourtant c'est reparti de plus belle ! »
Bien difficile de résumer une conversation passionnante, mais indispensable de terminer par l'écrivain Christophe Malavoy dont le treizième ouvrage sort en novembre. "Le Misanthrope de Meudon" est la suite de L-F. Céline "Les Années noires", toujours magnifiquement illustré par son camarade José Correa. Passionné par la complexité et les contradictions de Céline, il a tout lu, découvert des choses dont on parle peu, rencontré sa veuve à Meudon avant qu'elle ne décède. Entre un ouvrage audacieux dans lequel il feint d'interviewer Céline, et les deux derniers pour lesquels il se glisse carrément dans la peau de l'écrivain, on admire le travail et on ne choisit pas.
Paru le 09/10/2022
(29 notes) THÉÂTRE DU LUCERNAIRE Du mercredi 31 août au dimanche 6 novembre 2022
THÉÂTRE CONTEMPORAIN. La légende du saint buveur est un grand texte au même titre que Vingt- quatre heures de la vie d’une femme ou encore Le joueur d’échec de Stefan Zweig. Andréas vit sans adresse et habite chaque jour sous un autre pont. Un homme le croise sur les quais de la Seine et décide de l'aider en lui offran...
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