Dossier par Jeanne Hoffstetter
Les Poupées persanes
au théâtre des Béliers Parisiens
Née en France, Aïda Asgharzadeh découvre tardivement le passé de ses parents, intellectuels Iraniens en lutte contre la monarchie des années soixante-dix, puis contre la révolution islamique. Recherchés et contraints de fuir, ils s'installent en France. Un passé, une culture, dont Aïda a honte et qui la met en colère. Jusqu'au jour où elle comprend... Et prend la plume.
Aïda Asgharzadeh joue aussi Bahar et Manijeh jeune.
Auteure et comédienne, ses créations (et notamment "Les Vibrants", "La Main de Leila", nommées aux Molière) sont des succès. Très attachée à la question de l'héritage social, familial ou historique, elle se décide enfin à prendre à bras le corps sa propre histoire. Entre le conte et l'épopée, hier et aujourd'hui, ici et là-bas, le voyage est magnifique. « Petite et adolescente, je ne parvenais pas à me trouver une identité. Le pays de mes parents était à l'époque méconnu ici, j'étais dans le déni et je détestais ce nom imprononçable. J'entendais parler politique à la maison, la dictature, le Shah, c'était parfois houleux, mais quand je posais des questions, ils répondaient toujours à côté et ne me parlaient pas de leur implication dans la révolution. Puis, tout en m'imposant de faire des études supérieures, ils ne se sont jamais opposés à mon désir d'entrer dans une école de théâtre. Aujourd'hui, j'ai la chance d'avoir une double culture dans le sens où je parle persan. C'est en faisant un voyage en Iran, et je ne m'explique pas pourquoi, que je me suis sentie brusquement Iranienne. Je devais avoir 15 ans. J'ai eu un truc pour ce pays malgré ses mœurs auxquels je n'adhère pas... Les paysages, l'architecture, les jardins et l'accueil que vous réservent les gens sont incroyables.
J'ai beaucoup lu, et peu à peu j'ai compris
Puis, nous sommes partis avec l'équipe à la découverte de ce pays. C'est pour ça qu'il y a deux époques dans le spectacle, qu'il n'est pas focalisé sur l'histoire de l'Iran et la destitution du Shah. Il est aussi question de mon point de vue lorsque j'ai découvert le passé de mes parents et que j'ai eu honte d'avoir eu honte d'eux, de mes origines, des fautes de français qu'ils faisaient alors qu'ils avaient vécu des choses incroyables qu'ils n'ont jamais revendiquées, et moi j'étais là à les juger... Leur fuite avec ma sœur qui avait quatre ans est vraiment celle qu'on voit dans le spectacle. C'est particulier de quitter son pays alors qu'on n'en n'a pas envie, et c'est encore pire de se dire qu'on ne pourra peut-être pas y revenir. Quand ils ont fait ce voyage après, ça a été très éprouvant, ils ne reconnaissaient plus rien de ce qu'ils avaient laissé. J'avais en tête de raconter tout ça mais je trouvais toujours un prétexte pour ne pas le faire. Aujourd'hui, je suis fière d'avoir pu raconter mon histoire à travers la leur, et tellement émue d'avoir vu mon père pleurer et d'entendre ma mère me dire : C'est beau parce que grâce à ça, je n'ai plus ce sentiment de culpabilité. Voilà. C'est le travail le plus honnête que j'ai jamais fait et j'aime ce spectacle profondément. Je remercie tous les producteurs de ce spectacle dont l'accompagnement et l'engagement ont été précieux à chaque étape de notre création. »
Régis Vallée, le metteur en scène.
Comédien, musicien et chanteur, il passe des pièces du répertoire à celles d'Alexis Michalik avec lequel il se lie d'amitié. « J'ai découvert avec lui le sens du rythme et l'importance du choix d'une équipe. » Alors que la reprise de « Les producteurs » au théâtre de Paris se profile et le rend fou de joie, il évoque avec enthousiasme « Les poupées Persanes ».
« Après avoir mis en scène « La main de Leïla » qu'Aïda a co-écrit avec Kamel Isker, j'ai eu un véritable coup de cœur pour cette équipe. Lorsqu'Aïda m'a dit vouloir écrire sur ses origines et me confier la mise en scène de ce nouveau spectacle, j'ai été rempli de gratitude face à la responsabilité qu'elle me confiait. Pour « Les Poupées persanes », j'ai repris la même équipe technique ainsi que la même troupe d'acteurs que pour « La Main de Leila », enrichie de l'arrivée de 3 nouvelles recrues. Nous sommes partis à la découverte de l'Iran dont nous sommes revenus avec une sorte de boite aux trésors qui allait me servir pour la direction d'acteur et pour les images du spectacle. C'est une fresque très riche qui se passe dans l'Iran des années 70 où l'on suit une bande d'étudiants, et en France à Avoriaz où une mère d'origine Iranienne et ses deux filles fêtent Noël et le passage à l'an 2000. On alterne entre ces époques et ces lieux ! C'est passionnant car il faut être compréhensible pour les spectateurs, et au service de l'écriture d'Aïda pour que le souffle de l'épopée embarque les spectateurs. Mais les difficultés obligent à être inventif et si, à travers ce voyage théâtral, on peut donner envie aux jeunes générations qui ne connaissent pas tout ça de se documenter sur l'Iran et sa culture, le pari est gagné ! »
Ariane Mourier est Niloofar.
Avocate, comédienne, danseuse, clown... «Nous sommes amies depuis longtemps avec Aïda, j'admirais son écriture très fine et parfois très drôle, et j'ai suivi l'évolution de son travail par amitié. Puis un jour, elle m'a parlé de cette histoire très personnelle qu'elle voulait partager et m'a annoncé qu'il y avait dedans un rôle pour moi, celui de Niloofar, sa sœur. En fait, j'ai un double rôle : l'un est assez proche de moi, l'autre non. C'est une musulmane pratiquante avec l'accent iranien et j'ai dû beaucoup travailler pour ça. Pour moi qui sortais d'un Shakespeare, ça a été un vrai défi ! L'histoire raconte une révolution et un exil, avec de nombreux thèmes abordés et ce côté épopée. C'est la petite histoire dans la grande. Le spectacle est dense, mais la mise en scène de Régis aide beaucoup à le recevoir une fois que l'on a accepté de se laisser emmener. On a commencé fin août et pour l'instant on a des salles pleines. Ce que j'adore aussi dans cette pièce, c'est que c'est à la fois une comédie et un drame entre scènes très drôles et scènes dramatiques. Nous avons une équipe formidable, très soudée et il est facile de travailler sous la direction de Régis. Et puis l'auteure est là, on peut lui poser des questions, comme on aurait aimé que Molière et Shakespeare soient encore en vie et nous révèlent certains mystères ! Maintenant, j'ai très envie que les gens continuent à venir car c'est un beau voyage que de partir du soleil iranien et d'arriver dans les neiges d'Avoriaz. »
Paru le 15/12/2022
(64 notes) THÉÂTRE DES BÊLIERS PARISIENS Du mercredi 24 août 2022 au samedi 21 janvier 2023
THÉÂTRE CONTEMPORAIN. C’est l’histoire de quatre universitaires dans l’Iran des années 70, de la chute du Shah à l’arrivée au pouvoir du régime islamique. C’est l’histoire, en France, de deux sœurs pas très enthousiastes à l’idée de célébrer le passage à l’an 2000 aux sports d’hiver, en famille. C’est l’histoire d’amou...
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