Article de Jeanne Hoffstetter
Pierre Forest
“Barbe bleue” au théâtre Artistic Athévains
Partant de la vision très personnelle de Barbe bleue devenu grand d'Espagne, qu'Amélie Nothomb nous donnait à lire dans son vingt-et-unième roman, Pierre Forest se prépare à incarner ce personnage hors normes, sous la direction de Frédérique Lazarini.
Acteur magnifique, il est aussi la courtoisie et la simplicité faites homme. Son métier, ses souvenirs, son futur rôle, le choix crucial de sa partenaire -Lola Zidi- tout juste décidé, les répétitions encore en devenir en ce mois de novembre...
Acteur magnifique, il est aussi la courtoisie et la simplicité faites homme. Son métier, ses souvenirs, son futur rôle, le choix crucial de sa partenaire -Lola Zidi- tout juste décidé, les répétitions encore en devenir en ce mois de novembre...
Au terme d'un long entretien d'une formidable richesse, on se demande maintenant comment parvenir à en extraire la « substantifique moelle » ! Mais l'analyse passionnante de ce Barbe bleue, devenu grand d'Espagne, vivant en reclus dans un immense hôtel particulier du 7ème arrondissement de Paris, n'étant pas le propos de notre article, c'est vers celui qui se prépare à endosser ce personnage hors normes que l'on se tourne. Comment le voit-il, et a-t-il hésité ?
Je ne cherche pas à m'enrichir ailleurs car tout est dans le texte
« À l'heure où l'on fait état de ces femmes qui meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint, je me suis posé la question : Ai-je envie d'incarner un tel personnage ? Mais après avoir lu le roman j'ai dit oui. Si vous voulez, un acteur peut jouer un méchant s'il est le rôle principal, parce qu'il va pouvoir expliciter et montrer toutes les failles du personnage. C'est un monstre touchant, là réside toute l'ambiguïté et c'est ce qui me plait. Ce qui m'intéresse aussi dans l'histoire de Don Elemirio Nibal y Milcar, c'est qu'il aborde tous les sujets, la cuisine, la couture, la photographie, la religion, la beauté, l'alchimie, la philosophie, l'amour... Pourtant, sa pensée est dans l'inanité puisqu'elle reste enfermée. Il vit dans une sorte de retour en arrière, de protection. Le projet sur lequel est fixée toute son intelligence tourne autour de son obsession pour le cercle chromatique des couleurs qu'il reconstitue à travers les photos qu'il fait de ses compagnes et qu'il expose dans sa chambre noire interdite. D'où la question : comment, à partir d'un idéal, nait la monstruosité ? Et puis il s'endort en lisant Lulle, ce philosophe Catalan et mystique qui voulait réconcilier les trois religions. Mais peu à peu l'empathie que finit par éprouver pour lui sa dernière colocataire, Saturnine, va lui ouvrir un peu les ouïes et le conduire à se retrouver dans une impasse qu'il a lui-même fomentée. Mais on ne va pas en dire plus... Voilà à peu près ce que me disent jusqu'ici mes pérégrinations. Vous voyez, il y a tant de choses éloignées les unes des autres au niveau de l'interprétation ! C'est un être de séduction et de langage qui aurait beaucoup plu à Lacan ! Mais c'est aussi un être mélancolique, et au sens clinique du terme, la mélancolie est une puissance phénoménale. Je ne cherche pas pour jouer à m'enrichir ailleurs, car tout est dans le texte où je détecte certaines choses qui déclenchent mes propres références. Pour l'instant, je travaille mon texte déjà très riche, j'appréhende la personnalité de Don Elemirio, oui, mais il est trop tôt pour vous dire comment, dans cette grande forêt que représente son psychisme, je vais l'éprouver, c'est-à-dire le mettre en plateau avec ma partenaire... »
Je ne cherche pas à m'enrichir ailleurs car tout est dans le texte
« À l'heure où l'on fait état de ces femmes qui meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint, je me suis posé la question : Ai-je envie d'incarner un tel personnage ? Mais après avoir lu le roman j'ai dit oui. Si vous voulez, un acteur peut jouer un méchant s'il est le rôle principal, parce qu'il va pouvoir expliciter et montrer toutes les failles du personnage. C'est un monstre touchant, là réside toute l'ambiguïté et c'est ce qui me plait. Ce qui m'intéresse aussi dans l'histoire de Don Elemirio Nibal y Milcar, c'est qu'il aborde tous les sujets, la cuisine, la couture, la photographie, la religion, la beauté, l'alchimie, la philosophie, l'amour... Pourtant, sa pensée est dans l'inanité puisqu'elle reste enfermée. Il vit dans une sorte de retour en arrière, de protection. Le projet sur lequel est fixée toute son intelligence tourne autour de son obsession pour le cercle chromatique des couleurs qu'il reconstitue à travers les photos qu'il fait de ses compagnes et qu'il expose dans sa chambre noire interdite. D'où la question : comment, à partir d'un idéal, nait la monstruosité ? Et puis il s'endort en lisant Lulle, ce philosophe Catalan et mystique qui voulait réconcilier les trois religions. Mais peu à peu l'empathie que finit par éprouver pour lui sa dernière colocataire, Saturnine, va lui ouvrir un peu les ouïes et le conduire à se retrouver dans une impasse qu'il a lui-même fomentée. Mais on ne va pas en dire plus... Voilà à peu près ce que me disent jusqu'ici mes pérégrinations. Vous voyez, il y a tant de choses éloignées les unes des autres au niveau de l'interprétation ! C'est un être de séduction et de langage qui aurait beaucoup plu à Lacan ! Mais c'est aussi un être mélancolique, et au sens clinique du terme, la mélancolie est une puissance phénoménale. Je ne cherche pas pour jouer à m'enrichir ailleurs, car tout est dans le texte où je détecte certaines choses qui déclenchent mes propres références. Pour l'instant, je travaille mon texte déjà très riche, j'appréhende la personnalité de Don Elemirio, oui, mais il est trop tôt pour vous dire comment, dans cette grande forêt que représente son psychisme, je vais l'éprouver, c'est-à-dire le mettre en plateau avec ma partenaire... »
Paru le 02/03/2023
(45 notes) ARTISTIC THÉÂTRE (L') Du lundi 27 février au dimanche 18 juin 2023
COMÉDIE DRAMATIQUE. Don Elemirio Nibal y Milcar est un noble espagnol qui vit seul dans un hôtel de maître du 7ème arrondissement de Paris dont il ne sort jamais. Par le biais d'une annonce, il propose à la location une grande chambre très confortable et anormalement bon marché. Saturnine, jeune femme très vive d'esp...
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