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©Julien Jovelin
D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Quand on sera grand
Veni, vidi…Fratrie !

Auréolée de son succès l'an passé avec « Gazon maudit » une adaptation réussie qui n'a rien perdu de sa fraîcheur et qui logiquement reprend du service cet été au Roi René, Hélène Zidi réitère avec, cette fois, une comédie légère, intimiste et tendre : « Quand on sera grand ».
Des meubles. Des draps blancs qui les recouvrent comme des linceuls. Allégorie du départ.
Nous entrons de plain-pied avec cette blancheur omniprésente dans deux mondes : celui des vivants, celui des morts. Les vivants, ce sont Jean et Jeanne, un frère, une sœur, deux vies, deux caractères, deux appréciations du réel pour le moins dissemblables. Les liens du sang vont les amèner à trancher dans le legs qui leur est donné : la maison de famille.
Et c'est là qu'intervient le troisième élément « vivant » : la mère. Ou plutôt feue la mère. Elle n'est pas tout à fait partie, elle est là, elle est dans la place. C'est une Génitrix à la Mauriac pour la fille, un écrin de douceur pour le fils. Elle est le fantôme de cette maison qui va voir resurgir, telle la boîte de Pandore, tous les souvenirs d'enfance. Passé l'épisode rocambolesque du jeu de Monopoly qui met déjà en évidence les conflits entre Jean et Jeanne, c'est autour du contrat et de l'appréciation de l'existence, des biens matériels, que va se jouer la séquence. Pour Jeanne, il faut vendre. Peut-être pour chasser les mauvais souvenirs. Pour Jean, il faut au contraire la garder, la faire revivre. Faisant fi des contingences, il argumente avec romantisme et passion, moque la vénalité de sa sœur - elle est sortie d'une Grande Ecole de Commerce , lui est un « théâtreux », ...les clichés sont de sortie.
Et pourtant, peu à peu, ils vont tour à tour tomber. Non, Jeanne n'est pas qu'une « executive woman », pragmatique en diable, elle est plus empathique, plus à l'écoute qu'on ne le croit et lui n'est pas qu'un « adulescent » qui se paie de beaux mots, de belles citations.
Alors... ? Quid de la vente ? On ne veut en rien spoiler la fin.  Donc, à vous de découvrir
cette pièce qui met en lumière les fragilités et les forces de la fratrie, ces petits liens subtils qui parfois se distendent, parfois se rapprochent.

C'est une jolie comédie sur le lien, le dit, le non-dit, merveilleusement interprétée par Hélène Zidi, qu'on est heureux de revoir - enfin ! - sur scène et Benjamin Carette, aussi convaincant et attachant en artiste fougueux. Comme toujours, la mise en scène d'Hélène est léchée, subtile (le jeu des ombres chinoises est une jolie trouvaille), la bande-son étudiée et les lumières signées Denis Koranski ...sublimes !

Au Théâtre du Roi René - 4 bis, rue Grivolas - 84000. Avignon
Paru le 10/07/2023