Spécial Avignon par Patrick Adler
Arletty
« Résiste, signe et persiste, prouve que tu existes… » Quand les paroles s’envolent… les écrits restent.
Il est péremptoire de dire que les paroles s'envolent quand on parle d'Arletty. Sa gouaille, ses formules-choc « Atmosphère, atmosphère », « J'ai jamais été très résistante, M. le Juge » sont des madeleines.
Mais les écrits à partir desquels le jeune journaliste va orienter son interview sont...parlants.
Mais les écrits à partir desquels le jeune journaliste va orienter son interview sont...parlants.
Elle arrive sur scène, le profil hiératique. Elle n'est pas bien grande, non, mais elle a ce port majestueux, cette allure, cette classe qui n'appartiennent qu'à elle et forcent d'emblée le respect. Elle, c'est Arletty. Elle a une carrière, elle est reconnue en France comme à l'international mais, presque aveugle et sensiblement diminuée au crépuscule de sa vie, elle n'aspire peut-être qu'à la quiétude et à la douceur mélancolique des souvenirs dans son appartement cossu et joliment décoré. Quand un jeune journaliste ravive, non pas ses états de service face à la caméra mais ses amours - illégitimes, condamnables ? - avec un jeune et bel officier Allemand, alors elle se fâche tout net. Pourquoi cette antienne, cette rengaine ? Va-t-on enfin la laisser en paix. ? Elle n'a rien perdu de son mordant, de son fiel, elle a la formule assassine, elle est prête à dégainer et le « stagiaire », sobriquet donné à l'interviewer, va en faire les frais. A plusieurs reprises, il est sur le point d'être congédié. Est-ce son apparente gaucherie ou sa jeunesse qui vont atténuer l'ire de la dame en blanc ? La sortie est sans cesse repoussée et, au fur et à mesure que les souvenirs sont ravivés, on assiste à « un je t'aime, moi non plus » des plus touchants. Ce « love letters », exercice inédit dans un décor ouaté permet à Béatrice Costantini de faire revivre cette figure majeure du cinéma. Elle la campe avec grande justesse. Ses premiers mots en entrant sur scène donnent le ton : on se regarde, on s'étonne, on s'interroge. On ne rêve pas. Ce n'est ni un hologramme, ni une hallucination. Arletty, c'est elle. Elle est Arletty. Jusqu'au bout des ongles. Elle l'incarne avec la gouaille, le phrasé lent et parfois même monocorde, le geste sec, les coups de menton mais aussi la douceur de celle qui ne renie rien, défend, assume tout dès lors qu'il s'agit du fauve, le « petit nom » qu'elle a donné à son Hans-Jürgen. Faisant fi des quolibets (« Même si je disais la messe, on dirait encore que je suis vulgaire »), elle a fini par baisser la garde face au jeune journaliste (convaincant Damien Bennetot) qui n'a eu de cesse, une heure durant, de lui « triturer la mémoire » par ce paquet de lettres retrouvées qui retracent sa vie amoureuse avec un soldat ennemi.
L'amour a-t-il des frontières ? Et quid des autres , de ceux qui ont, eux aussi, pactisé avec l'Occupant ? Alors, elle balance à l'envi sur Céline, Chanel, Maurice Chevalier, elle ne craint rien ni personne. A l'instar de Piaf, elle ne regrette rien car, pour une femme libre et responsable « le chagrin du bonheur, ça existe » (sic) ! Et j'ajouterais volontiers...Et ça se partage ! Venez découvrir ce joli moment de théâtre et une Béatrice Costantini habitée par le rôle. Bluffant !
L'amour a-t-il des frontières ? Et quid des autres , de ceux qui ont, eux aussi, pactisé avec l'Occupant ? Alors, elle balance à l'envi sur Céline, Chanel, Maurice Chevalier, elle ne craint rien ni personne. A l'instar de Piaf, elle ne regrette rien car, pour une femme libre et responsable « le chagrin du bonheur, ça existe » (sic) ! Et j'ajouterais volontiers...Et ça se partage ! Venez découvrir ce joli moment de théâtre et une Béatrice Costantini habitée par le rôle. Bluffant !
Paru le 17/07/2023