Dossier par Jeanne Hoffstetter
Jacques Weber
dans «Ruy Blas», une ode à la révolte et à la liberté
Entre le drame et le burlesque, dire que Jacques Weber aime particulièrement cette œuvre de Victor Hugo ne surprendra personne, d'autant qu'elle lui offre, outre ce qu'elle nous dit, un rôle en or. Il sera Don Salluste sur la scène du théâtre Marigny.
Jacques Weber... Un classique, un seul en scène par ci, un contemporain, un exercice de style par-là, une lecture jouée, Monsieur Molière raconté... Des films, et des livres écrits de sa main, des récompenses, des décorations, des lauriers tant et plus et quelques coups de griffes reçus au passage, forcément... Des excès, une maladie vaincue, quelques colères contre ceci ou cela, une grande sensibilité. On est humain ou on ne l'est pas, on s'exprime... ou pas. « On ne dit jamais assez aux gens qu'on les aime.* ». Jacques Weber... Du bouleversant "Roi Lear" de Shakespeare, le dramaturge qui avait tant marqué Victor Hugo, au machiavélique Don Salluste de Ruy Blas, deux ans plus tard, Jacques Weber se prépare. « Je pense que si je me plonge à corps perdu dans Ruy Blas aujourd'hui, c'est que c'est une pièce écrite en hommage au peuple. Ruy Blas est la proue d'un peuple qui doit se lever, se révolter face au déclin, à la déchéance de l'état dans lequel tout ça s'exerce. Certaines choses font écho à ce que nous traversons actuellement. Cette révolte, cette ode à la liberté, cet enthousiasme à vivre fascinent la reine, je trouve ça très beau, très tonique. Hugo, après la lecture de Shakespeare, a mis dans Ruy Blas tous les états d'expression du théâtre que ce soit le drame, le tragique, le burlesque. Ce qui donne à la fin une œuvre populaire puissante avec élégance et dignité, formidable à jouer.» Mais une œuvre foisonnante d'une longueur à laquelle le public n'est plus habitué, comment contourner l'obstacle sans la dénaturer ?
Le lyrisme doit traverser l'action en permanence. C'est Hugo, c'est Beethoven, c'est Verdi qui sont convoqués, quoi !
« En effet, la version intégrale dure trois heures quinze. Hugo s'est laissé un peu aller à mélodramatiser l'ensemble, d'où certaines représentations un peu trop ronflantes qui éloignent du premier geste de l'écriture. Alors, j'ai demandé à ma femme avec qui je travaille, d'adapter la pièce, de la resserrer, si bien que le spectacle fera deux heures sans entracte, ce qui va lui procurer une vraie tonicité. Je demande aussi aux acteurs, d'ailleurs c'était comme ça chez Vilar, que ce soit du 40 de fièvre, que le méchant soit très méchant, l'amoureux très amoureux, que ce soit Hugolien dans l'âme et que la vérité ne soit pas du médiocre naturalisme. Le lyrisme doit traverser l'action en permanence. Voilà, c'est Hugo, c'est Beethoven, c'est Verdi qui sont convoqués, quoi ! Jouer «Ruy Blas» est un vrai bonheur, c'est un théâtre large, généreux, exigeant, très au contact du public. C'est une langue, une adjectivation, un engagement physique qui me conviennent totalement. »
Jacques Weber où l'on ne l'attend pas, qui offre à Kad Mérad le rôle de Don César de Bazan et à Stéphane Caillard, qu'il avait déjà mise en scène dans «La Musica deuxième» de Marguerite Duras, le rôle de la reine. Des rôles respectivement interprétés par lui-même et Carole Bouquet dans le téléfilm qu'il avait réalisé en 2002. D'aucuns s'étonneront sans doute... Mais ce sera l'occasion pour Kad Merad de transformer en réalité un rêve qui l'habitait depuis longtemps, depuis qu'il avait joué les classiques dans son cours de théâtre. « Oui, il va jouer un homme de vingt-cinq ans, il va surprendre et j'espère être reconnu dans ce registre car pour moi ça a été une révélation incroyable dès les premières répétitions. Je n'y avais pas pensé moi-même mais quelqu'un m'avait parlé de lui. J'ai découvert un homme d'une gentillesse et d'une générosité exceptionnelles et j'ai eu la confirmation que c'était un grand comédien qui sait tout jouer avec faconde et fantaisie. Et puis il a ce truc qui ne s'invente pas, qu'on a ou qu'on n'a pas, c'est ce lien, cette espèce d'empathie directe avec le public. C'est un grand acteur populaire, mais encore une fois avec élégance et exigence. Qui est Don César ? Un ancien aristo qui a décidé de vivre comme un clochard parce qu'il a préféré la liberté à toute forme de contrainte. »
Que dire de Don Salluste ? Et pour terminer : Est-ce le destin qui nous mène ou est-ce nous qui le menons ? Quels sont aujourd'hui les souhaits de Jacques Weber ? « Je m'amuse comme un fou à jouer, à réinventer le méchant de service. Don Salluste est l'expression de la rouerie, du cynisme, de la fatuité, de la vanité de beaucoup de personnes de pouvoir, d'hier ou d'aujourd'hui. Le destin ? Vaste question, Diderot disait : Nous croyons conduire le destin mais c'est toujours lui qui nous mène. C'est jouer sur les mots parce qu'on finit toujours au même endroit. Je crois peut-être aux forces de l'esprit mais je ne crois pas à quelque Dieu que ce soit. Les Dieux m'ont tellement déçu et emmerdé que je n'y crois plus. Sinon, je salue l'initiative du théâtre Marigny et je souhaite qu'on retrouve là une relation avec un large public, avec un théâtre populaire de qualité. Je souhaite de tout mon cœur que l'on vienne découvrir Kad Merad dans un rôle inattendu et de jeunes interprètes que l'on ne connait pas encore. Je souhaite que tous les soirs ce soit joyeux et que ça prenne aux tripes !
* « On ne dit jamais assez aux gens qu'on les aime » Éditions de l'Observatoire, mars 2023
Le lyrisme doit traverser l'action en permanence. C'est Hugo, c'est Beethoven, c'est Verdi qui sont convoqués, quoi !
« En effet, la version intégrale dure trois heures quinze. Hugo s'est laissé un peu aller à mélodramatiser l'ensemble, d'où certaines représentations un peu trop ronflantes qui éloignent du premier geste de l'écriture. Alors, j'ai demandé à ma femme avec qui je travaille, d'adapter la pièce, de la resserrer, si bien que le spectacle fera deux heures sans entracte, ce qui va lui procurer une vraie tonicité. Je demande aussi aux acteurs, d'ailleurs c'était comme ça chez Vilar, que ce soit du 40 de fièvre, que le méchant soit très méchant, l'amoureux très amoureux, que ce soit Hugolien dans l'âme et que la vérité ne soit pas du médiocre naturalisme. Le lyrisme doit traverser l'action en permanence. Voilà, c'est Hugo, c'est Beethoven, c'est Verdi qui sont convoqués, quoi ! Jouer «Ruy Blas» est un vrai bonheur, c'est un théâtre large, généreux, exigeant, très au contact du public. C'est une langue, une adjectivation, un engagement physique qui me conviennent totalement. »
Jacques Weber où l'on ne l'attend pas, qui offre à Kad Mérad le rôle de Don César de Bazan et à Stéphane Caillard, qu'il avait déjà mise en scène dans «La Musica deuxième» de Marguerite Duras, le rôle de la reine. Des rôles respectivement interprétés par lui-même et Carole Bouquet dans le téléfilm qu'il avait réalisé en 2002. D'aucuns s'étonneront sans doute... Mais ce sera l'occasion pour Kad Merad de transformer en réalité un rêve qui l'habitait depuis longtemps, depuis qu'il avait joué les classiques dans son cours de théâtre. « Oui, il va jouer un homme de vingt-cinq ans, il va surprendre et j'espère être reconnu dans ce registre car pour moi ça a été une révélation incroyable dès les premières répétitions. Je n'y avais pas pensé moi-même mais quelqu'un m'avait parlé de lui. J'ai découvert un homme d'une gentillesse et d'une générosité exceptionnelles et j'ai eu la confirmation que c'était un grand comédien qui sait tout jouer avec faconde et fantaisie. Et puis il a ce truc qui ne s'invente pas, qu'on a ou qu'on n'a pas, c'est ce lien, cette espèce d'empathie directe avec le public. C'est un grand acteur populaire, mais encore une fois avec élégance et exigence. Qui est Don César ? Un ancien aristo qui a décidé de vivre comme un clochard parce qu'il a préféré la liberté à toute forme de contrainte. »
Que dire de Don Salluste ? Et pour terminer : Est-ce le destin qui nous mène ou est-ce nous qui le menons ? Quels sont aujourd'hui les souhaits de Jacques Weber ? « Je m'amuse comme un fou à jouer, à réinventer le méchant de service. Don Salluste est l'expression de la rouerie, du cynisme, de la fatuité, de la vanité de beaucoup de personnes de pouvoir, d'hier ou d'aujourd'hui. Le destin ? Vaste question, Diderot disait : Nous croyons conduire le destin mais c'est toujours lui qui nous mène. C'est jouer sur les mots parce qu'on finit toujours au même endroit. Je crois peut-être aux forces de l'esprit mais je ne crois pas à quelque Dieu que ce soit. Les Dieux m'ont tellement déçu et emmerdé que je n'y crois plus. Sinon, je salue l'initiative du théâtre Marigny et je souhaite qu'on retrouve là une relation avec un large public, avec un théâtre populaire de qualité. Je souhaite de tout mon cœur que l'on vienne découvrir Kad Merad dans un rôle inattendu et de jeunes interprètes que l'on ne connait pas encore. Je souhaite que tous les soirs ce soit joyeux et que ça prenne aux tripes !
* « On ne dit jamais assez aux gens qu'on les aime » Éditions de l'Observatoire, mars 2023
Paru le 21/09/2023
(74 notes) THÉÂTRE MARIGNY Du mercredi 27 septembre au dimanche 31 décembre 2023
COMÉDIE RÉPERTOIRE CLASSIQUE. Après avoir été disgracié par la Reine, le marquis Don Salluste fomente une vengeance. Il sollicite le concours de son cousin, le comte Don César, qui refuse de lui venir en aide. Il ordonne alors à son laquais, Ruy Blas, un jeune rebelle issu du peuple, d’usurper l’identité de Don César et de séd...
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