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© Chantal Palazon
Article de Jeanne Hoffstetter
Le Neveu de Rameau
au théâtre du Ranelagh

Olivier Baumont, Nicolas Vaude et Gabriel Le Doze, mis en scène par Jean-Pierre Rumeau, reviennent au bercail vingt ans après le triomphe qu'ils y avaient rencontré des semaines durant.
La scène se passe au café de la Régence où Diderot a imaginé ce dialogue explosif et passionnant entre « Monsieur le philosophe » (MOI) et l'extravagant, le cynique neveu du célèbre compositeur Rameau, musicien raté et traîne savates (LUI). Une conversation accompagnée en contrepoint par le merveilleux claveciniste Olivier Baumont, et derrière laquelle se dissimulent les deux facettes contradictoires de l'auteur dialoguant entre elles. Ajoutons que le terme "incarner son personnage" prend, dans ce spectacle, tout son sens !

Rencontre avec Nicolas Vaude, le neveu et Gabriel Le Doze, le philosophe.


Vingt ans durant lesquels, entre tournées et reprises diverses, vous n'avez jamais abandonné vos personnages. Comment les appréhendez-vous aujourd'hui ?
N.Vaude : Nous sommes partis de la toute première édition du "Neveu" d'après le manuscrit retrouvé par Monval. On a dû le jouer six-cents fois ! Nous, les comédiens, faisons souvent une chose puis l'abandonnons pour une autre, c'est formidable mais aussi un peu triste. Durant le confinement, j'ai réfléchi et me suis dit que l'idéal serait de creuser le personnage, l'écriture, chercher, aller vers quelque chose de plus pur, de plus cursif. Un peu comme le faisait Dinu Lupatti lorsqu'il rejouait le concerto de Schumann après avoir « enlevé toutes les scories pour revenir à l'essentiel ».
G. Le Doze : Ces personnages, on ne les a jamais lachés. Ils sont devenus un peu nous-mêmes. Habiter un rôle c'est chercher la porte qui va nous permettre d'y mettre le maximum de nous-même, et c'est merveilleux un personnage qui grandit avec vous auquel on prête chair, mais notre chair change tous les jours...

En quoi ce texte, écrit au XVIIIème siècle, a-t-il pour vous une telle importance littéraire et philosophique ?
G. Le Doze : Outre son extraordinaire brillance, du point de vue philosophique, l'un des sujets abordés fait d'une certaine façon écho à la « cancel culture » dont on parle tant aujourd'hui!
N.Vaude : L'écriture est tellement puissante ! Elle va aussi loin dans l'aspect philosophique que dans la comédie. Diderot y aborde tant de sujets qu'il n'y a pas un moment où l'on ne puisse se dire : Ça je l'ai pensé, là ça fait écho à ce qui se passe aujourd'hui... C'est brillantissime !

Nombreux sont ceux qui ont vu et revu votre spectacle et ceux qui le découvriront dans ce joli théâtre du Ranelagh, qu'avez-vous envie de dire en conclusion ?
N.Vaude : Diderot est le prince du doute et des lumières. J'aimerais dire aussi que notre spectacle s'inscrit vraiment dans ce théâtre artisanal tenu par deux personnes passionnées dont la programmation est souvent audacieuse. C'est aussi mettre en avant la cohésion de l'ensemble avec la magnifique mise en scène de Jean-Pierre Rumeau et le génial Olivier Baumont au clavecin.
G. Le Doze : Et dire qu'il y a aussi dans ce texte des portraits sublimes, parmi les plus beaux de la langue française, que l'ensemble est une jubilation pour l'esprit, qu'il nous offre un grand plaisir musical parfaitement justifié et que l'on sort de ce spectacle, élevé et rafraîchi.
Paru le 26/09/2023

(2 notes)
NEVEU DE RAMEAU (LE)
THÉÂTRE DU RANELAGH
Du samedi 9 septembre 2023 au dimanche 14 janvier 2024

COMÉDIE RÉPERTOIRE CLASSIQUE. Dans un théâtre insolite, plein de charme et d’histoire, s’engage une conversation étincelante, drôle et explosive, signée Diderot. "Ce dialogue éclate comme une bombe au beau milieu de la littérature française" en dira Goethe. En deux cents ans, elle n’a pas pris une ride !

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