Portrait par Jeanne Hoffstetter
Brigitte Fossey
La comédienne, la pianiste et le moraliste
Le lundi soir au théâtre de Poche, Brigitte Fossey, accompagnée de la pianiste Danielle Laval, nous conte à sa manière des fables de la Fontaine sous le regard complice de Stéphanie Tesson ou de Marie Adam... L'occasion idéale pour parcourir en sa compagnie le chemin qui a fait d'elle cette comédienne qui nous enchante.
Mais comment faire le portrait d'une comédienne que son amour de la liberté a conduit à ouvrir tant de portes ? Depuis que j'ai vu ces fables où les animaux à plumes ont la part belle, je pense à Prévert qui voulait faire le portrait d'un oiseau... D'abord peindre une cage, avec une porte ouverte... J'hésite...Voilà ! Poser le chevalet dans un champ de hautes herbes et peindre pour commencer un rideau rouge, joli, un rideau de théâtre légèrement ouvert derrière lequel serait installée une table dressée pour le déjeuner puis poser le pinceau, rejoindre la table et attendre... En sourdine, une mazurka de Chopin se fait entendre et tout de suite elle arrive, joyeuse. « Ma première rencontre avec la musique, c'était à Lille au cours de danse classique, j'avais trois ou quatre ans, on m'avait demandé de m'assoir et de regarder une dame qui jouait du piano et pour la première fois, j'ai entendu lalalala, lalalala, j'étais transportée, c'était une mazurka de Chopin et j'avais envie de danser. Après, j'ai fait beaucoup de danse classique et de piano. » Des souvenirs d'enfance Brigitte Fossey en a à la pelle, qu'elle aime raconter. Des parents joyeux et fantaisistes. « Mon père, qui était professeur d'anglais et d'allemand, avait un goût à 220 degrés ! Il était amoureux de Shakespeare, m'emmenait au cirque et me faisait écouter Raymond Devos et Fernand Raynaud. Il était clown et poète et moi, j'étais sa fille ! Ma mère était comme lui, elle me faisait écouter des pièces de théâtre retransmises à la radio quand j'avais dix-huit mois. A trois ans et demi, elle m'apprenait à lire et à écrire. »
J'ai écouté La belle et la bête par le trou de la serrure et j'imaginais...
« Je me souviens quand on apportait à la maison les deux bobines qui s'enroulaient, pour regarder un film, je devais aller me coucher car il était tard. Pour inciter un enfant à la transgression, il n'y a pas mieux! J'ai écouté La belle et la bête de Cocteau par le trou de la serrure et j'imaginais en entendant la voix de Jean Marais. » De Paulette, cinq ans, l'enfant inoubliable de "Jeux interdits" on a tout dit. Plus avant une histoire de pique-nique l'amuse encore. « J'avais deux ans, on était dans un champ, les herbes montaient aussi haut que mes épaules et il fallait s'assoir là-dedans ! Tout près, il y avait un cheval et des vaches. Je me souviens de la vision de cette bouse de vache qui reste pour moi quelque chose d'apocalyptique ! Je n'arrivais pas à comprendre ce qui se passait. Je revois aussi des sillons dans la terre, mes parents m'expliquaient qu'il fallait qu'elle se repose après avoir donné, pour être de nouveau féconde. C'était intelligent de m'expliquer ça. Aujourd'hui, je pense que c'est la même chose pour les acteurs. Quand ils ont trop joué ou se sont trop investis dans un rôle, il faut s'arrêter, s'évader. Pour moi, c'est la nature, la musique et la littérature, c'est m'installer à une terrasse de café, regarder les gens passer surtout dans les capitales, quels voyages ! »
Le hasard c'est Dieu qui se promène incognito disait Einstein
Puis, il a fallu faire des études avant de songer au reste, hypokhâgne, khâgne, une école d'interprétariat à Genève avant qu'elle ne soit de nouveau alpaguée par la profession à laquelle sans discontinuer elle offrira depuis sa joie, son plaisir, son travail, son talent. Au Poche Montparnasse, elle jouera "L'Été" de Romain Weingarten, au cinéma c'est "Albicoco" et "Le Grand Meaulnes". Années durant lesquelles elle suit aussi les stages de Lee Strasberg à la salle Gémier et les cours de Tania Balachova. « Je me suis intéressée à tout, à Grotovsky aussi. Je marche sur deux jambes, le théâtre et le cinéma sont pour moi indissociables. En ce moment, je tourne pour la série des Mattei à Marseille ; j'y joue la mère de Léo Mattei, une femme plutôt comique. Je trouve que dans ce métier il faut tout faire. L'an dernier, j'ai joué "Je t'écris moi non plus", une comédie très drôle avec François-Éric Gendron sous la direction de la merveilleuse Anne Bourgeois, qui m'a beaucoup appris. Pareil cette année avec "Love letters" et Jean Sorel sous la direction de Murielle Mayette. On apprend sans arrêt dans ce métier, c'est formidable. »
Entre hier et aujourd'hui, entre un jardin secret qui se respecte et une conversation à bâtons rompus, nous naviguons... La Fontaine ? « Je me suis rapprochée de lui parce que c'était un bon vivant, gourmand, qui adorait les forêts et connaissait les animaux. Ça m'amuse beaucoup de faire l'histrion dans ce spectacle, la comédienne imparfaite, parce que c'est une folie de vouloir jouer tous les rôles, c'est une utopie, on essaie juste de le faire. Parfois, je suis sensée me tromper, c'est Stéphanie qui a fait la mise en espace et a eu cette idée, je m'adresse alors à elle au premier rang pour qu'elle me guide. C'est très amusant à jouer ! Entrer dans l'œuvre de la Fontaine sous le regard de Stéphanie Tesson qui l'a souvent mis en scène, et avec la remarquable Danielle Laval, c'est un privilège ! Pour moi, le théâtre c'est aussi le risque et à partir du moment où on est dans le risque, on est dans un présent absolu que l'on partage avec le public. »
Des rencontres improbables ? « Toute rencontre l'est. Comme disait Einstein, Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito. J'aime le jeu du hasard, j'ai toujours fait des rencontres qui ont changé ma vie. Un prof de philo génial, René Clément, Albicoco... Pourquoi j'ai rencontré Robert Altman et Paul Newman ? Pourquoi François Truffaut m'a téléphoné un jour en me disant : est-ce que vous me permettez d'écrire un rôle pour vous ? Comment j'ai rencontré Planchon ou Gérard Philippe à Londres... ? Tous ces gens-là ont fait ma vie. J'ai eu des amis, des maîtres qui ne quittent jamais mon cœur, Philippe Avron, Laurent Terzieff... Et voilà, je suis résolument optimiste, il y aura toujours des poètes. »
La suite, c'est un livre qu'il faudrait pour la raconter, et pour signer ce portrait je ne puis arracher doucement une plume à Brigitte Fossey qui n'est pas l'oiseau de Prévert, mais simplement pour moi une très belle rencontre.
J'ai écouté La belle et la bête par le trou de la serrure et j'imaginais...
« Je me souviens quand on apportait à la maison les deux bobines qui s'enroulaient, pour regarder un film, je devais aller me coucher car il était tard. Pour inciter un enfant à la transgression, il n'y a pas mieux! J'ai écouté La belle et la bête de Cocteau par le trou de la serrure et j'imaginais en entendant la voix de Jean Marais. » De Paulette, cinq ans, l'enfant inoubliable de "Jeux interdits" on a tout dit. Plus avant une histoire de pique-nique l'amuse encore. « J'avais deux ans, on était dans un champ, les herbes montaient aussi haut que mes épaules et il fallait s'assoir là-dedans ! Tout près, il y avait un cheval et des vaches. Je me souviens de la vision de cette bouse de vache qui reste pour moi quelque chose d'apocalyptique ! Je n'arrivais pas à comprendre ce qui se passait. Je revois aussi des sillons dans la terre, mes parents m'expliquaient qu'il fallait qu'elle se repose après avoir donné, pour être de nouveau féconde. C'était intelligent de m'expliquer ça. Aujourd'hui, je pense que c'est la même chose pour les acteurs. Quand ils ont trop joué ou se sont trop investis dans un rôle, il faut s'arrêter, s'évader. Pour moi, c'est la nature, la musique et la littérature, c'est m'installer à une terrasse de café, regarder les gens passer surtout dans les capitales, quels voyages ! »
Le hasard c'est Dieu qui se promène incognito disait Einstein
Puis, il a fallu faire des études avant de songer au reste, hypokhâgne, khâgne, une école d'interprétariat à Genève avant qu'elle ne soit de nouveau alpaguée par la profession à laquelle sans discontinuer elle offrira depuis sa joie, son plaisir, son travail, son talent. Au Poche Montparnasse, elle jouera "L'Été" de Romain Weingarten, au cinéma c'est "Albicoco" et "Le Grand Meaulnes". Années durant lesquelles elle suit aussi les stages de Lee Strasberg à la salle Gémier et les cours de Tania Balachova. « Je me suis intéressée à tout, à Grotovsky aussi. Je marche sur deux jambes, le théâtre et le cinéma sont pour moi indissociables. En ce moment, je tourne pour la série des Mattei à Marseille ; j'y joue la mère de Léo Mattei, une femme plutôt comique. Je trouve que dans ce métier il faut tout faire. L'an dernier, j'ai joué "Je t'écris moi non plus", une comédie très drôle avec François-Éric Gendron sous la direction de la merveilleuse Anne Bourgeois, qui m'a beaucoup appris. Pareil cette année avec "Love letters" et Jean Sorel sous la direction de Murielle Mayette. On apprend sans arrêt dans ce métier, c'est formidable. »
Entre hier et aujourd'hui, entre un jardin secret qui se respecte et une conversation à bâtons rompus, nous naviguons... La Fontaine ? « Je me suis rapprochée de lui parce que c'était un bon vivant, gourmand, qui adorait les forêts et connaissait les animaux. Ça m'amuse beaucoup de faire l'histrion dans ce spectacle, la comédienne imparfaite, parce que c'est une folie de vouloir jouer tous les rôles, c'est une utopie, on essaie juste de le faire. Parfois, je suis sensée me tromper, c'est Stéphanie qui a fait la mise en espace et a eu cette idée, je m'adresse alors à elle au premier rang pour qu'elle me guide. C'est très amusant à jouer ! Entrer dans l'œuvre de la Fontaine sous le regard de Stéphanie Tesson qui l'a souvent mis en scène, et avec la remarquable Danielle Laval, c'est un privilège ! Pour moi, le théâtre c'est aussi le risque et à partir du moment où on est dans le risque, on est dans un présent absolu que l'on partage avec le public. »
Des rencontres improbables ? « Toute rencontre l'est. Comme disait Einstein, Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito. J'aime le jeu du hasard, j'ai toujours fait des rencontres qui ont changé ma vie. Un prof de philo génial, René Clément, Albicoco... Pourquoi j'ai rencontré Robert Altman et Paul Newman ? Pourquoi François Truffaut m'a téléphoné un jour en me disant : est-ce que vous me permettez d'écrire un rôle pour vous ? Comment j'ai rencontré Planchon ou Gérard Philippe à Londres... ? Tous ces gens-là ont fait ma vie. J'ai eu des amis, des maîtres qui ne quittent jamais mon cœur, Philippe Avron, Laurent Terzieff... Et voilà, je suis résolument optimiste, il y aura toujours des poètes. »
La suite, c'est un livre qu'il faudrait pour la raconter, et pour signer ce portrait je ne puis arracher doucement une plume à Brigitte Fossey qui n'est pas l'oiseau de Prévert, mais simplement pour moi une très belle rencontre.
Paru le 15/12/2023
(11 notes) THÉÂTRE DU POCHE-MONTPARNASSE Jusqu'au lundi 23 décembre
LECTURE. Brigitte Fossey traverse les Fables en leur prêtant sa joyeuse énergie et son humour sensible. Au piano, Danielle Laval se fait l’écho musical de La Fontaine avec les compositions de Rameau, Beethoven, Chopin, Nino Rota, Michel Legrand… Entrez dans cette arche enchantée à la sagesse inaltérable !
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