Plus Prieur que Johnny - ou alors je n'ai rien compris à la rockn'roll attitude - il avance, tout de noir vêtu, comme un chanoine discret en pénitence. Fini la petite robe noire, signature de notre Edith nationale ... comme de Guerlain.

Edith 2023 est un homme, ni il, ni elle, ni iel(le). Tout au plus garde-t-il le positionnement des mains sur les hanches, ce dos légèrement vouté, cette gestuelle malaisée et touchante et ce vibrato nasillant dans la voix de son égérie.
Car il l'aime, son Edith, au point de l'incarner - sans pour autant l'imiter -, de lui redonner vie, de la magnifier en la rendant plus actuelle que jamais. Pour ce faire, il n'hésite pas à convoquer la play-list des années 80, à l'insérer dans le répertoire de Piaf, ce qui rend l'ensemble kitschissime et drôle à souhait.

Il est aidé au piano par l'excellent Matthieu Michard qui répond à la seconde à ses clins d'œil, joue sur tous les modes les airs commandés et s'amuse comme un petit fou à déconstruire le répertoire de la diva.

Cet exercice, périlleux en diable, n'est une réussite que par le talent vocal de Johnny Prieur et sa formidable gestuelle. Il y a du clown en lui avec ce sens inné de la farce comme de l'émotion. Le propos, un brin nostalgique, balaie d'un revers de main le pathos, s'appuie sur des punch-lines bien senties (le « Il me manquait des trimestres » de Piaf ne manque pas de sel) et des parodies hilarantes (le moon-walk scabreux et voûté de Mickael Jackson, le « Tirlipimpon » de Carlos, le « Quoi, ma gueule ? » de Johnny et autres tubes de Diam's, Stromae, IAM revisités rendent le tour de chant irrésistible).
Vous l'aurez compris, même si, d'emblée, elle (ou il) annonce « Je ne suis pas née à la bonne époque », son récital, lui, fait date. C'est délicieux, amusant , intelligent et virtuose.

Courez voir ce duo magique ! Ce Piaf est bien dans la place et a toute sa place dans le répertoire d'humour chanté !