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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Jonasz au grenier
Délicat, performant, esthétique, élégant. On vit un rêve éveillé !

« Jonasz au grenier », c'est la poésie féérique d'un grenier mué en cabinet de curiosités, où des mannequins de celluloïde tout droit sortis d'un atelier de haute couture prennent vie le temps de la nuit.
C'est aussi la découverte du journal d'un artiste que va illustrer musicalement un troisième élément de cire, transfiguré dès lors qu'on lui rougit les lèvres : le musicien, aussi à l'aise au piano qu'au saxo.
C'est enfin des objets qui, de peur d'être en reste, s'animent (le lampadaire, le vieux poste-radio...) ou sont animés par les mannequins, comme les éventails mués en longs rubans de soie qui virevoltent à l'envi dans une chorégraphie très étudiée.

Il y a de la mélancolie mâtinée de douce gaîté dans ce récital varié à souhait grâce à la dextérité du talentueux Tristan Garnier ( en alternance avec Thimotée Path) au piano, (comme au saxo) qui passe avec agilité du blues au jazz , s'offrant même au passage quelques fantaisies tziganes ou même classiques comme le Prélude de Bach. Il y a évidemment le talent vocal et scénique de Amala Landré et Malaurie Duffaut qui, avec le pianiste, forment un trio au cordeau - au passage, lui aussi chante formidablement bien - et ce, dans un décor ouaté, acidulé et chic. Comme le sont les robes de mousseline ou autres tenues de soie des belles et le costume joliment taillé et pour le moins coloré du musicien, également à l'aise dans son rôle de clown blanc. Comme ses partenaires, il dégage candeur et émotion.
Comme dit le poète « Tout ici n'est que luxe, calme et volupté ».

Les grincheux regretteront qu'on ait fait la part belle au répertoire moins connu de Michel Jonasz , même s'ils ont apprécié l'orchestration divine des « tubes » (« Changez tout », « Les vacances au bord de la mer », « Je voulais te dire que je t'attends »). Sachant que l'intéressé a adoré cette délicate parenthèse musicale nocturne qui se décline comme une succession de tableaux (j'y ai personnellement vu du Caspar-David Friedrich, peintre romantique allemand) et même une ode au cinéma, à ces jolis films à costumes qui ont bercé notre enfance, ne boudons pas notre plaisir , qui est immense.

Tout est étudié dans le moindre détail, comme cette accumulation de pendules dignes d'Arman, ce vieux coffre, cette machine à coudre, ce phonogramme, ce recueil de partitions datées...

Franck Harscouët signe là une mise en scène, des costumes, des décors de fort belle tenue que transcendent les lumières de Philippe d'Avilla. Heureux comme les mannequins de cire qui reprennent désormais leur place après cet intermède, nous mesurons la chance d'avoir été introduits dans la nuit du journal de Michel Jonasz.

Alors... Faites de doux rêves. Une chose est sûre : vous ne souffrirez plus d'insomnies après avoir vu ce spectacle puisqu'il apaise les tensions. Et en ces temps difficiles c'est salutaire !
Paru le 14/11/2023

(29 notes)
JONASZ AU GRENIER
THÉÂTRE ACTUEL / LA BRUYÈRE
Du dimanche 8 octobre au dimanche 31 décembre 2023

COMÉDIE MUSICALE. Un soir de pluie, dans le grenier-atelier d'une costumière, trois mannequins de celluloïd prennent vie comme ils le font sans doute depuis toujours entre les douze coups de minuit et le lever du jour, quand les humains sont endormis.

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