Zoom par Patrick Adler
L’expérience de l’arbre
Théâtre Paris-Villette
Chez les Japonais, l'arbre est le lien entre terre et ciel.Dans le théâtre nô, les personnages sont l'esprit de l'arbre. Avec « L'expérience de l'arbre », on découvre un Gauchet non contrarié et encore moins contrariant. Un pur bonheur !
Son théâtre est magique car il associe texte, jeu et -parce qu'il est plasticien -, les éléments de décor - ici, un arbre, déstructuré, mis en pièces (c'est le cas de le dire et on verra pourquoi plus tard), un écran, une servante - lampe de théâtre, ghost-light en anglais -, un éventail, un masque... Le tout sur un plateau immense, nu, transcendé par les lumières savamment dosées et une musique quasi-psychédélique. On est, comme toujours chez Simon Gauchet, entre réel et irréel, onirique et factuel, visible et invisible, mouvement et silence. Et, last but not least, entre deux mondes reliés par une soif inextinguible de transmission, de partage. Il nous invite donc ici à nous replonger dans ce qui est l'essentiel, le théâtre originel, à confronter les cultures, celle du nô et celle du théâtre occidental. Il l'avait promis en découvrant le nô au Japon pendant un mois, il transmettrait à son tour son théâtre à lui. Dix ans ont passé. Promesse tenue.
Et on assiste à cet échange des rites et des mythologies sur fond de cours de chant au début où l'on voit d'emblée les singularités dans le travail sur les résonateurs, le rythme, le souffle. C'est poussif, peu évident, parfois même hilarant. Choc des cultures. Partage aussi. Chacun convoque son maître. Pour Gauchet, c'est Artaud dont le document sonore qu'il nous livre est très émouvant, il est colère, c'est le théâtre de la cruauté, puissant, exigeant, Artaud voulait que le théâtre retrouvât sa puissance originelle et, d'ailleurs, quand Gauchet enseigne à sa manière, le ton, la voix, singeant presque Artaud, se font menaçants, presque effrayants. En convoquant les fantômes du théâtre (Artaud pour Gauchet et l'arbre pour Tatsushige Udaka ou Hiroaki Ogasawara), tout fait sens : la puissance et la fragilité du monde et de sa nature. Mais l'arbre est là, de bout en bout, malgré les cataclysmes, malgré Hiroshima, malgré les typhons, il en reste toujours un qui, sauvé, est sacralisé et, s'il n'est pas sur scène, il est au moins représenté, dessiné au fond. Immuable au théâtre nô.
Sur une musique lancinante, presque planante, dans une chorégraphie envoutante, après avoir échangé une heure et demi durant, les acteurs se taisent.
Seuls les corps et les éléments de décor s'animent. Simon Gauchet reconstitue en direct l'arbre, dont les branches, éparses depuis le début sur les rebords de scène, sont rassemblées, ajustées. L'arbre reprend forme et vie. Par un jeu de ficelles, de filins - merveille de scénographie - l'arbre danse, vibre, vit. L'acteur Japonais a repris son masque et son costume traditionnel. Il est le fantôme de l'arbre.
L'arbre, vous l'aurez compris, est l'élément essentiel de cette pièce à trois personnages, magnifiée par l'accompagnement musical de Joaquim Pavy et l'œil affûté d'Eric Didry.
Avec trois créations à l'affiche (dont « La Grande marée » au Théâtre de la Bastille dont nous avons dit le plus grand bien et qu'il est urgent de découvrir) 2023 est vraiment l'année Simon Gauchet pour le théâtre contemporain. Aimez voyager avec lui, c'est un enchantement !
Et on assiste à cet échange des rites et des mythologies sur fond de cours de chant au début où l'on voit d'emblée les singularités dans le travail sur les résonateurs, le rythme, le souffle. C'est poussif, peu évident, parfois même hilarant. Choc des cultures. Partage aussi. Chacun convoque son maître. Pour Gauchet, c'est Artaud dont le document sonore qu'il nous livre est très émouvant, il est colère, c'est le théâtre de la cruauté, puissant, exigeant, Artaud voulait que le théâtre retrouvât sa puissance originelle et, d'ailleurs, quand Gauchet enseigne à sa manière, le ton, la voix, singeant presque Artaud, se font menaçants, presque effrayants. En convoquant les fantômes du théâtre (Artaud pour Gauchet et l'arbre pour Tatsushige Udaka ou Hiroaki Ogasawara), tout fait sens : la puissance et la fragilité du monde et de sa nature. Mais l'arbre est là, de bout en bout, malgré les cataclysmes, malgré Hiroshima, malgré les typhons, il en reste toujours un qui, sauvé, est sacralisé et, s'il n'est pas sur scène, il est au moins représenté, dessiné au fond. Immuable au théâtre nô.
Sur une musique lancinante, presque planante, dans une chorégraphie envoutante, après avoir échangé une heure et demi durant, les acteurs se taisent.
Seuls les corps et les éléments de décor s'animent. Simon Gauchet reconstitue en direct l'arbre, dont les branches, éparses depuis le début sur les rebords de scène, sont rassemblées, ajustées. L'arbre reprend forme et vie. Par un jeu de ficelles, de filins - merveille de scénographie - l'arbre danse, vibre, vit. L'acteur Japonais a repris son masque et son costume traditionnel. Il est le fantôme de l'arbre.
L'arbre, vous l'aurez compris, est l'élément essentiel de cette pièce à trois personnages, magnifiée par l'accompagnement musical de Joaquim Pavy et l'œil affûté d'Eric Didry.
Avec trois créations à l'affiche (dont « La Grande marée » au Théâtre de la Bastille dont nous avons dit le plus grand bien et qu'il est urgent de découvrir) 2023 est vraiment l'année Simon Gauchet pour le théâtre contemporain. Aimez voyager avec lui, c'est un enchantement !
Paru le 17/11/2023
(3 notes) THEATRE PARIS-VILLETTE Du jeudi 16 novembre au dimanche 19 novembre 2023
THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Dans ce spectacle singulier et plastique, l’intimité de deux acteurs, français et japonais, rencontre un monde au bord du précipice et invite à tendre l’oreille au non-humain. Ils se racontent des histoires et dévoilent leurs mythologies. Ils convoquent sur scène des personnages qu’ils ont joué ou...
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