Vous vous attendiez sans doute, puisque c'est un classique, à ce qu'on vous servît du réchauffé. Que nenni ! Depuis trente ans qu'il crée ses propres pièces ("La retape", "Je suis un peu lâche" ...) et revisite le répertoire dit "classique", dans un souci pédagogique et parce qu'il aime le mélange des genres - quitte à glisser des anachronismes comme une maréchaussée très "années 50" ou des séquences-vidéo dans son "Ruy Blas", peu lui chaut de surprendre. Bien au contraire. Il en a même fait sa marque de fabrique. Si le texte est respecté à la lettre, si les costumes ne dénaturent pas l'œuvre, l'introduction de quatre musiciens participe à l' habillage global, très réussi sur le plan esthétique. La scénographie n'est pas en reste qui surprend par son inventivité dans une si belle salle et un si grand plateau. La cage dorée figurant le palais de la Reine est une association de tiges courbes sur roulettes qui, assemblées et poussées par les comédiens, offrent à la fois une idée de l'espace, comme du vide ambiant qui pourrait pousser la Reine au bovarysme. Astucieux et un brin taquin, Mellor joue avec les effets de surprise que sont les trappes et autres ouvertures (Il fait sortir don César d'une cheminée et on s'attend à tout moment à voir quelqu'un d'autre sortir du coffre). Ainsi la pièce oscille-t-elle entre drame et comédie, comme l'entendait Hugo. Mais Mellor va plus loin en rendant la pièce accessible à tous malgré la prosodie des vers. Il joue sur des références cinématographiques ultra-connues (la duègne est "Sapritchienne" à souhait et don Salluste, dans ses éclats de voix, pourrait par moments figurer le de Funès de "La folie des grandeurs". Et le spectateur de se délecter du texte comme de l'interprétation des personnages (mention spéciale au quatuor Rémi Pous, Stephen Szekely, Emmanuel Bordier et Marie-Laure Desbordes, très convaincants. C'est un peu long, me direz-vous - presque trois heures - mais vous savez quoi ? On ne voit pas le temps passer. Chapeau !